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lui en donneront les facultés; de songer que c'est une dette sacrée que j'ai contractée envers les enfans ou les parens de ceux qui ont péri pour moi, et ensuite de ceux qui sont malheureux pour moi.

Je sais qu'il y a plusieurs personnes de celles qui m'étaient attachées, qui ne se sont pas conduites envers moi comme elles le devaient, et qui ont même montré de l'ingratitude, mais je leur pardonne (souvent dans des momens de trouble et d'effervescence on n'est pas maître de soi), et je prie mon fils, s'il en trouve l'occasion, de ne songer qu'à leur malheur.

Je voudrais pouvoir témoigner ici ma reconnaissance à ceux qui m'ont montré un attachement véritable et désintéressé; d'un côté, si j'ai été sensiblement touché de l'ingratitude et de la déloyauté de gens à qui je n'avais jamais témoigné que des bontés, à eux, ou à leurs parens ou amis; de l'autre, j'ai eu de la consolation à voir l'attachement et l'intérêt gratuit que beaucoup de personnes. m'ont montrés. Je les prie d'en recevoir tous mes remerciemens; dans la situation où sont encore les choses, je craindrais de les compromettre si je parlais plus explicitement ;

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mais je recommande spécialement à mon fils de rechercher les occasions de pouvoir les reconnaître.

Je croirais calomnier cependant les sentimens de la Nation, si je ne recommandais ouvertement à mon fils MM. de Chamilly et Hue, que leur véritable attachement pour moi avait portés à s'enfermer avec moi dans ce triste séjour, et qui ont pensé en être les malheureuses victimes; je lui recommande aussi Cléry, des soins duquel j'ai eu tout lieu de me louer, depuis qu'il est avec moi; comme c'est lui qui est resté avec moi jusqu'à la fin, je prie Messieurs de la Commune de lui remettre mes hardes, mes livres, ma montre, ma bourse et mes autres effets qui ont été déposés au conseil de la Commune.

Je pardonne encore très-volontiers à ceux qui me gardaient, les mauvais traitemens et les gènes dont ils ont cru devoir user envers moi. J'ai trouvé quelques ames sensibles et compatissantes; que celles-là jouissent, dans le cœur, de la tranquillité que doit donner leur façon de penser.

Je prie MM. de Malesherbes, Tronchet et Desèze de recevoir ici tous mes remercimens. et l'expression de ma sensibilité, pour tous les soins

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soins et les peines qu'ils se sont donnés pour

moi.

Je finis en déclarant devant Dieu, et prêt à paraitre devant lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi. Fait double, à la tour du Temple, le 25 décembre 1792.

Signé LOUIS.

Est écrit, BAUDRAIS, officier municipal.

Nous avons rapporté précédemment la conduite affreuse que tint le municipal apostat, Jacques Roux, envers l'infortuné Louis XVI, qu'il accompagna à l'échafaud, lorsqu'il refusa de prendre le testament que ce Monarque voulait lui donner pour remettre à la Reine. On ne sera sans doute pas fâché de connaître la fin de ce monstre, qu'on ne peut mieux comparer qu'à une bête féroce. Robespierre, aussi prodigue du sang de ses partisans que de celui de ses ennemis, le fit mettre à Bicêtre. Il fut enfermé dans une chambre où se trouvaient réunis cinquante à soixante prètres, les uns assermentés et les autres insermentés. Il ne cessa, malgré les exhortations de ses camarades d'infortune, de montrer

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la plus audacieuse incrédulité. Il insultait à leurs exercices de piété, il se moquait de leurs prières, il prenait querelle quelquefois avec les prètres assermentés, qui le mettaient dans des accès de fureur effroyables. Il niait surtout avoir dit à Louis XVI qu'il n'était chargé que de le conduire à l'échafaud. Pendant tout le cours de sa captivité, il eut le sommeil le plus agité, il manifestait à chaque instant le désir le plus violent de se donner la mort. Vers le temps où l'ancien Comité de Salut public imagina les conspirations de prisons, ́ce désir augmenta tellement qu'il se convertit en un vrai délire. Tous les co-chambristes de ce malheureux avaient à redouter les suites de son suicide. D'un côté, le spectacle d'un homme se déchirant le sein et expirant dans de cruelles souffrances, pouvait nuire à leur santé, déjà bien affaiblie; de l'autre, la mort de Jacques Roux pouvait leur être attribuée; elle pouvait devenir la base d'une accusation de conspiration, et le prétexte de leur propre mort sur l'échafaud. Ces considérations les engageaient puissamment à le surveiller; ils se mettaient tour à tour de faction auprès de lui.

que

Les choses en cet état, on apprit un jour le lendemain il serait appelé au pied de l'espèce de tribunal établi à Bicêtre. On eut grand soin de ne pas l'en prévenir; il se serait tué sur-le-champ.

Il fut appelé en effet le lendemain, en présence des juges; il se donna trois coups de couteau. Il fut conduit aussitôt à l'infirmerie. Là, au bout de quelques jours, ses premières blessures n'étant point mortelles, il consomma son suicide en se frappant de quelques coups de canif: il expira tout baigné de son sang, dans des douleurs aiguës et poussant des hurlemens épouvantables, qu'il mèlait d'imprécations contre le Ciel et la terre, et d'invocation à la mort. Quelle fin ! et quelle était digne des forfaits dont ce misérable s'était souillé! Qui après un semblable exemple oserait nier qu'il existe un Dieu qui venge tôt ou tard son saint nom blasphémé, et punit le crime, auquel il ne reste pas même les secours de la Religion qu'il a méconnue, pour l'exciter au repentir.

A côté de cet affreux tableau, plaçons la lettre d'un citoyen, indigné de la condamnation du Roi, et offrons à la postérité la preuve que s'il est des scélérats capables de

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