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et paraissait très-ému. Cléry se lève et passe devant lui; le factionnaire lui présente les armes, et lui dit d'une voix tremblante: « Vous ne pouvez sortir.- Pourquoi? - Ma > consigne m'ordonne d'avoir les yeux sur » vous. Vous vous trompez, lui répond

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Cléry. » Roi?

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?

Quoi, Monsieur, vous n'êtes pas Vous ne le connaissez donc pas » Jamais je ne l'ai vu, Monsieur, et je vou» drais bien le voir ailleurs qu'ici. Parlez

bas; je vais entrer dans cette chambre, j'en » laisserai la porte à demi-ouverte, et vous > verrez le Roi; il est assis près de la croisée » un livre à la main. » Cléry fit part à la Reine du désir de ce factionnaire, et le Roi, qu'elle en instruisit, eut la bonté de se promener d'une chambre à l'autre pour passer devant lui. Cléry s'approcha de nouveau de cet homme. Ah! Monsieur, lui dit-il, que » le Roi est bon, comme il aime ses enfans; >> il était si attendri qu'à peine pouvait-il parler. << Non, continua-t-il en se frappant la poi» trine, je ne peux croire qu'il nous ait fait > tant de mal. »

Un autre factionnaire, placé au bout de l'allée qui servait de promenade, encore fort jeune et d'une figure intéressante, exprimait,

par ses regards, le désir de donner quelques renseignemens à la famille royale. Madame Elisabeth, dans un second tour de promenade, s'en approcha pour voir s'il lui parlerait soit crainte, soit respect, il ne l'osa point, mais quelques larmes coulèrent de ses yeux, et il fit un signe pour indiquer qu'il avait déposé près de lui un papier dans les décombres. Cléry se mit à le chercher, en feignant de choisir des palets pour le jeune Prince; mais les Officiers municipaux le firent retirer, et lui défendirent d'approcher désormais des sentinelles.

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Quelques anecdotes particulières sur ce Prince, en le peignant encore à nos lecteurs comme ne pouvant qu'augmenter notre haine pour les scélérats qui l'ont conduit à l'échafaud, et notre respectueuse, vénération pour la mémoire de cette illustre victime de tant de crimes...

Louis XVI ayant appris les horribles complots que le duc d'Orléans avait tramés contre la famille royale, lui fit ordonner de se rendre chez lui. Le Prince obéit malgré lui, et lorsqu'il parut en sa présence le Roi lui parla ainsi :

< Convaincu, comme vous l'êtes, que je »sais tout, que je puis tout révéler, vous >> vous faites sans doute à vous-même les > reproches que mérite votre conduite.... J'ai » le pouvoir, j'ai le droit de donner un >> grand exemple, mais mon indulgence sera » encore aujourd'hui sans bornes. Dans la ⚫ situation où m'ont mis tant de malheurs, > tant de crimes, je ne vois que le besoin » du peuple; mon seul désir, comme mon » premier devoir, est de lui rendre sa subsis»tance. Je vous déclare donc que j'oublie » tout, et que je ne parlerai jamais de ce » qui est arrivé jusqu'à ce jour. Je ne mets » à mon oubli et à mon silence qu'une seule » condition, c'est que vous me donniez votre parole d'honneur, votre parole de Prince, » que vous ouvrirez tous les greniers qui sont » à votre disposition, et que vous ferez refluer >> en France les blés que vous avez exportés. » Partez pour l'Angleterre où sont vos prin>>cipaux magasins; nous dirons que je vous » ai donné une mission importante pour ce » royaume. Ce bruit, qui ne sera pas un » mensonge, couvrira aux yeux de la France » et de l'Europe le véritable motif de votre » départ et sauvera votre honneur. » Quelle

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sublité d'ame dans ce discours et dans cet oubli des injures!

Quelques personnes firent prévenir M. Cléry qu'une somme considérable, déposée chez M. Pariseau, rédacteur de la Feuille du Jour, était à la disposition du Roi; qu'on le priait de demander ses ordres, et que cette somme serait remise entre les mains de M. de Malesherbes, si Sa Majesté le désirait, M. Cléry en ayant rendu compte au Roi, remerciez bien ces personnes de ma part, lui répondit-il, je ne peux accepter leurs offres généreuses, ce serait les exposer.

« Je sais à qui j'ai affaire, disait-il un jour » à M. de Malesherbes, je m'attends à la » mort, et je suis prêt à la recevoir. Vous > me voyez bien tranquille; j'irai à l'échafaud » avec cette même tranquillité», et il a tenu parole.

Le 20 juin 1792, jour de deuil pour la France, et qui fut le préliminaire des plus grands forfaits, le Roi assailli par une multitude effrénée, séduite par la faction d'Orléans, fut abreuvé pendant plusieurs heures de toutes espèces d'humiliations. Vers les cinq heures du soir, Péthion, alors maire de Paris, vint au château, et dit au Roi en l'abordant:

« Sire, je viens d'apprendre à l'instant la > situation dans laquelle vous êtes..., le Roi » se contenta de lui répondre : Cela est bien » étonnant, car il y a deux heures que cela » dure. » Le lendemain des individus buvant au cabaret, s'entretenaient entre eux de la démarche qu'ils avaient faite la veille, et l'un disait : Oui, on aurait pu.... Mais lorsqu'on l'a vu.... C'est si imposant.... et puis nous sommes Français.... S.... si c'eut été un autre..., on lui aurait tordu le cou comme à un enfant.

Dans la nuit du 15 au 16 juillet 1789, MM. Barentin et de Broglie, ministres du Roi, abandonnèrent la place qu'ils occupaient auprès du Monarque. Ce dernier qui prévoyait tous les malheurs qui devaient accabler la monarchie, pensait sensément que dans ces momens difficiles, le Gouvernement devait agir avec vigueur contre les agitateurs. Il eut le courage de dire au Roi: «Sire,

une grande révolution se prépare; votre > trône chancelle. Si vous voulez me donner > carte blanche, moyennant sept tètes que je ferai tomber, je réponds d'assurer la cou» ronne sur la vôtre plus qu'elle ne le fut

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