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» répondit le Roi, encore répandre du sang: » non, non; je n'y consentirai jamais...... Alors, Sire, répartit M. de Broglie, vous » me permettrez de quitter le royaume; je » préfère être tué à la tête d'une armée, que » d'être assassiné au sein de la capitale. » Funeste prédiction! un peu de fermeté, et Louis était sauvé.

La comtesse Diane lui dit un jour : « Je >> voudrais avoir un sylphe pour le consulter » dans certaines circonstances très-délicates. >> Le Roi lui répondit : Vous l'avez, la conscience n'en est-elle pas un ?·

Tout ce qui concerne ce prince, devant naturellement intéresser, je vais rapporter aussi quelques faits sur son procès.

Louis XVI avait choisi pour défenseurs MM. Tronchet et Target. Le premier s'empresse de quitter la campagne, et accepte cette honorable mission. Mais la postérité pourra-t-elle croire qu'un Français eut la barbarie de refuser son ministère à l'infortuné Monarque. Target se plaignait d'une maladie de nerfs, de douleurs de tète, d'étouffemens, et eut la lâcheté d'écrire à la Convention une lettre qu'il signa le républicain Target, par laquelle il déclara ne pouvoir se charger de

la défense du Roi. Le vertueux Malesherbes, alors âgé de quatre-vingt ans, demanda à remplacer Target, et dès le 11 décembre il écrivit à la Convention la lettre suivante :

« Si la Convention accorde un conseil à > Louis XVI, je désire qu'il sache que je suis » dévoué à le défendre. J'ai été appelé deux » fois au conseil de celui qui fut mon maître, » dans le temps que cette fonction était am> bitionnée de tout le monde ; je lui dois le > même service, lorsque c'est une fonction » que bien des gens trouvent dangereuse. »

Un pareil acte de courage était bien digne du magistrat qui en était l'auteur. Aussi lui a-t-il coûté la vie. Une lettre plus étonnante est celle que le 15 du même mois, madame de Gouges, se disant républicaine, écrivit à la Convention, pour être admise à la défense de ce malheureux prince.

Je vais en rapporter quelques fragmens.

« Citoyen président,

» L'Univers a les yeux fixés sur le procès » du premier et du dernier Roi des Français.

» La gloire de mon pays m'occupe aujour » d'hui. Je m'offre, après le courageux Male» sherbes, pour être le défenseur de Louis, » laissant à part mon sexe; l'héroïsme et la » générosité sont aussi le partage des femmes, » et la révolution en offre plus d'un exemple. » Je suis franche et loyale républicaine, sans » tache et sans reproche; personne n'en » doute, pas même ceux qui feignent de » méconnaitre mes vertus civiques. Je puis » donc me charger de cette cause...

» Je ne déduirai point les raisons que j'ai » à alléguer pour sa défense; je ne désire que » d'être admise par la Convention, et par » Louis à seconder un vieillard de près de >> quatre-vingts ans, dans une fonction qui » me paraît digne de toute sa force, et du » courage d'un âge vert. Sans doute je ne » serais pas entré en lice avec un tel défen»seur, si la cruauté aussi froide qu'égoïste > du sieur Target n'avait enflammé mon hé» roïsme, et excité ma sensibilité.....

» Mon zèle pourra paraître suspect à Louis, » on ne manquera pas sans doute de me pein>>dre à son esprit comme une cannibale altérée » de sang; mais qu'il est beau de détromper » ainsi l'homme malheureux et sans appui!...

Une

Une femme montre donc dans cette orcasion plus de sentiment que celui qui fut honoré du choix du Monarque; et si madame de Gouges adopta les principes révolutionnaires, sa lettre peut excuser ses erreurs.

Le discours que prononça M. de Sèze, avant d'exposer ses moyens de défense, étant digne d'être conservé, m'a paru devoir faire partie de cet ouvrage; il est nécessairement lié avec la vie de Louis. En peu de mots il renferme tout ce qui pouvait intéresser en faveur de cet infortuné Monarque; et si l'esprit de parti et de sédition n'eût pas remplacé les sentimens d'humanité, nul doute qu'il ne fût sorti triomphant d'un procès qui ne servit que pour mieux le conduire à l'échafaud.

DISCOURS précédant la défense de Louis, prononcé à la Convention nationale, le mercredi 26 décembre 1792, par M. de Sèze.

CITOYENS REPRÉSENTANS DE LA NATION,

<<< Il est donc enfin arrivé ce moment où Louis, accusé, au nom du peuple Français, peut se faire entendre au milieu de ce peuple

F

lui-même! Il est arrivé ce moment, où entouré des conseils que l'humanité et la loi lui 'ont donnés, il peut présenter à la Nation une défense que son cœur avoue, et développer devant elle les intentions qui l'ont toujours animé! Déjà le silence même qui m'environne m'avertit que le jour de la justice a succédé aux jours de colère et de prévention; que cet acte solennel n'est point une vaine forme; que le temple de la Liberté est aussi celui de l'Impartialité que la loi commande; et que l'homme, quel qu'il soit, qui se trouve réduit à la condition humiliante d'accusé, est toujours sûr d'appeler sur lui et l'attention et l'intérêt de ceux même qui le poursuivent.

» Je dis l'homme quel qu'il soit, car Louis n'est plus en effet qu'un homme, et un homme accusé. Il n'exerce plus de prestiges, il ne peut plus rien, il ne peut plus imprimer de crainte, il ne peut plus offrir d'espérance : c'est donc le moment où vous lui devez, non-seulement le plus de justice, mais, j'oserai le dire, le plus de faveur. Toute la sensibilité que peut faire naître un malheur sans terme, il a le droit de vous l'inspirer; et si, comme l'a dit un républicain célèbre, les infortunes des Rois ont, pour ceux qui ont vécu dans des gouverne

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