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nait l'armée française. Je dois croire que chacun de nous a tenu parole, car aucun n'a quitté M. de Bourmont. On nous tint plus de douze heures, nous faisant passer de poste en poste jusqu'au quartier-général du maréchal Blücher. Les Prussiens étonnés croyaient que nous passions dans leurs rangs. Cette supposition et l'horreur que j'éprouvais en me trouvant au milieu d'une armée qui naguère me traitait en ennemi, m'ont laissé un souvenir qui ne s'effacera jamais. C'était sans doute le plus grand sacrifice que je pouvais faire à l'accomplissement de ce que je regardais alors, et que je regarde encore aujourd'hui comme mon devoir.

Enfin, on nous laissa libres, et nous allâmes coucher à Namur. Le lendemain on se battait près de Charleroy, et le surlendemain 16, les Français étaient vainqueurs à Fleurus, et le bruit de cette victoire porta la terreur jusqu'à Bruxelles, où nous venions d'arriver. On sait ce qui succéda à un premier succès : les Français victorieux à Fleurus succombèrent à Waterloo par suite de circonstances que personne dans l'armée n'avait pu prévoir.

Je dirai donc, comme le noble fils de M. de Bourmont : « Il ne fut point parjure, car non seulement il n'avait rien promis, mais il avait refusé hautement son adhésion à l'expulsion de la maison de Bourbon. Il ne fut point traître, car il n'a rien livré; il ne fut point déserteur, car sa noble conduite l'avait déjà mis hors des rangs de l'armée. »>

Voilà l'homme auquel la calomnie s'attache depuis

près de dix-sept ans, avec une persévérance qu'on pourrait appeler satanique. Chose étrange! et qu'on aura peine à croire, j'ai vu des hommes d'une fidélité fort équivoque, ainsi que le prouve leur conduite actuelle, chercher à insinuer aux Princes des doutes sur la sincérité du dévouement de M. de Bourmont; et comme le mensonge est flexible de sa nature, on l'accuse maintenant d'avoir trahi Napoléon et un gouvernement qui, dans tous les cas, n'était pas celui qui nous régit aujourd'hui.

Ce simple récit suffira sans doute pour éclairer les hommes de bonne foi; quant aux autres, je n'écris pas pour eux; mais que chacun de ceux qui accusent M. le comte de Bourmont, mette la main sur sa conscience, et ose se dire meilleur Français qu'il ne l'a été en 1815.

Je ne puis terminer ces Notes sans parler des évènemens qui ont suivi la bataille de Waterloo. La Flandre était envahie par les étrangers. M. de Bourmont y fut envoyé, et sut par sa fermeté et son esprit de conciliation, conserver au Roi plus de quinze places que la France aurait peut-être perdues pour toujours; le seul commandant de Maubeuge s'obstina à ne pas reconnaître le Roi, et préféra livrer la ville aux Prussiens celui-là était sans doute meilleur Français que M. de Bourmont!!!

:

COMTE CLOUET,

maréchal-de-camp.

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