Page images
PDF
EPUB

mis hors la loi.

habitans de ces deux belles cités royales, plongés dans l'oppression et dans les larmes, virent avec l'angoisse de la douleur les preux et nobles héritiers de la couronne de France obligés de s'éloigner encore de la terre natale.

Honneur aux braves défenseurs qui n'ont point été parjures envers la patrie et le trône!

Honneur à ces chevaliers français qui se sont joints au-dehors au cortège de Louis!

Honneur aussi à ces hommes courageux qui au-dedans ont opposé leur opinion et leur conduite aux progrès de l'usurpation!

Buonaparte, dans la conjuration du 18 brumaire an 8, avait été mis hors la loi; il Buonaparte est le fut également au 6 mars 1815: car tout individu qui attente au gouvernement fondé sur les lois d'un pays, est digne du dernier supplice.

Il entre dans Paris.

Mais, victorieux dans sa conjuration contre le Roi et la France, Buonaparte arriva à Paris le 20 mars à neuf heures du soir, et reprit le titre d'empereur. Sa vue fit sur les êtres pensans l'effet de la tête de Méduse. Tous les honnêtes gens de la capitale furent dans la consternation, et maudirent son retour. Il monta aux Tuileries comme un

soldat qui par surprise et à la faveur des ténèbres s'introduit dans une place.

Cependant il ne put se dissimuler que la Système qu'il dit adopter. force des bayonnettes n'était pas propre à lui concilier les esprits, et que son nouvel envahissement du pouvoir devait rappeler le joug de fer que pendant dix ans il avait fait peser sur la France. Il crut donc capter les applaudissemens de la nation en réveillant, comme à l'aurore de la révolution, l'enthousiasme exalté des idées de liberté, et en professant hautement l'intention de gouverner par les lois.

Il publia qu'il abolissait la noblesse (a); mais, sous de vagues dénominations, il conserva les titres et prérogatives qui émanaient de sa puissance (b). Le peuple, en général

(a) Décret de Lyon, du 13 mars. Par d'autres décrets il cassa tout ce qui avait été sagement fait en 1814; mais il eut l'adresse de maintenir les qualifications de lieutenant-général et de maréchal-decamp, qui flattaient l'armée. ( Décret du 22 mars.)

1

la

(b) Par décret du 24 mars, il remit en vigueur son conseil du sceau des titres; il voulait que nouvelle noblesse fût la seule de l'Etat. La charte a été plus libérale : la nouvelle et l'ancienne noblesse ont été adoptées (art. 71).

Il se contredit dès les premiers

pas.

L

facile à tromper, ne prit point garde à cette incohérence de choses: il crut qu'on lui disait qu'il n'y avait plus de nobles, et les perturbateurs et les gens sans aveu commirent des excès contre tout le monde; car le plus simple individu était qualifié noble dès qu'on voulait lui nuire. N'était-ce pas l'anarchie substituée à la liberté ?

Faisons, en passant, une réflexion sur la noblesse. C'est une distinction qui imprime un caractère ineffaçable sur celui auquel elle est conférée, et sur sa postérité : tel est le type particulier et respectable de cette institution utile dans un Etat monarchique. Aussi, malgré les arrêts des assemblées révolutionnaires, l'opinion publique a immuablement honoré et reconnu l'ordre de la noblesse. Il est assurément nombre de personnes recommandables par leurs vertus, leurs services, et même par des actions héroïques, qui ne sont point nées dans le corps nobiliaire; mais ces personnes n'en jouissent pas moins de leur réputation méritée et des bienfaits du prince. Sous Louis XIV et ses successeurs, on peut citer des maréchaux, des ministres, des hommes d'Etat, qui ne faisaient pas partie de la noblesse, et

qui ne l'acquirent que dans leur élévation: tels sont les Fabert, les Dugay-Trouin, les Jean-Bart, les Colbert et beaucoup d'autres.' La noblesse d'ame, l'éducation, voilà ce qui honore personnellement chaque citoyen, et ce qui peut le faire parvenir aux places les plus éminentes. Aussi, la charte constitutionnelle (art. 3) rend tous les Français également admissibles aux emplois civils et militaires.

Buonaparte savait que le mode de perception des droits réunis, impôt établi par lui, irritait le peuple : il supprima quelques exercices vexatoires; mais il augmenta le tarif des licences, en sorte que le trésor gagna même à cette réforme.Voilà comment, en apparence, il sembla soulager le peuple, tandis qu'au fond il le surchargeait.

Le Roi, au contraire, dont la sollicitude vraiment paternelle ne voulait pas prendre de ces mesures factices qui ne calment qu'un moment la multitude, avait promis de faire de grands changemens dans cet impôt, dès que l'état des finances le permettrait. Parce que cette espérance n'a pu se réaliser promptement, on s'est plaint: telle est cette turbulence inquiète, qui veut jouir sans retard

[ocr errors][merged small]
[merged small][merged small][ocr errors]

des biens qu'elle entrevoit, et qui ne sait rien attendre du temps et de l'amélioration des choses.

Enfin, par l'une de ces jongleries si fécondes dans la vie de Buonaparte pour en imposer aux peuples, il convoqua une assemblée sous le nom du Champ-de-Mai, et y fit proclamer l'acceptation d'un acte additionnel à ses constitutions.

Nous rapporterons ici ce passage remarquable du manifeste donné à Gand le 24 avril dernier :

« Méfiez-vous, disait le Roi aux Fran»çais, de ces rôles qu'on voudrait vous > assigner dans la parodie de ces assemblées » qui jadis attestèrent la liberté sauvage de » vos ancêtres, mais dont le spectacle dé>> risoire n'a pour but aujourd'hui que de » vous rendre la proie du plus vil et du > plus odieux esclavage, entre le despo> tisme anarchique et la tyrannie militaire. » Sans doute si c'était une chose possible » que les élections fussent nationales, les > scrutateurs fidèles et les voix libres, le > nouveau Champ-de-Mai ferait disparaître » l'illégalité de son principe dans la loyauté

« PreviousContinue »