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» de son vou. Son premier cri serait une >> nouvelle consécration de cette alliance » jurée, il y a neuf siècles, entre la nation >> des Francs et la maison royale de France, » perpétuée pendant neuf siècles entre la » postérité de ces Francs et la postérité de » leurs rois : la vraie nation française ne » voudra jamais ni parjurer ses ancêtres, >> ni se parjurer elle-même. Mais Buona» parte a déjà écarté les nationaux en ap>> pelant ses satellites; il a déjà compté » les votes quand aucun vote n'est encore >> émis. >>

L'acceptation de l'acte additionnel était physiquement contestable. On rapporta en effet qu'environ un million et demi de votes avait été relevé et vérifié sur des registres, et que la majorité avait adopté l'acte additionnel. Mais il en eût fallu retrancher les votes de l'armée, qui, d'après une subversion de tous les principes, avait été appelée à délibérer; mais la publication officielle des noms des votans par chaque département, eût été seule une preuve irrécusable ( 10 ). En second lieu, qu'étaitce qu'un million et demi de citoyens sur vingt-huit millions que contient la France ?

Votes,

Champ-de-Mai.

En réduisant ce nombre même à plus de moitié pour présenter les hommes habiles aux actes de l'état civil, il en résultait qu'au moins dix millions de Français n'avaient pas voté. Or, pouvait-on préjuger que leur silence était approbatif? non sans doute. On n'en fit donc aucun cas; on ne compta pour rien dix millions d'hommes raisonnables. L'émission des votes ne fut enfin qu'une formalité d'apparat, qui n'a pu produire d'effet que sur les gens faibles ou d'un jugement faux. Ainsi, malgré même l'aven authentique qui fut fait, qu'onze départemens et plusieurs régimens n'avaient pas encore fait parvenir leurs registres, on n'en procéda pas moins à la cérémonie triomphale du Champ-de-Mai.

Elle eut lieu à Paris le lundi 1er juin, au milieu de cinquante mille bayonnettes, dans l'emplacement nommé Champ-deMars, vis-à-vis l'Ecole-Militaire. Buonaparte et ses frères Joseph, Lucien et Jérôme, y figurèrent dans l'attitude de ces princes dramatiques revêtus de tout le fardeau de la pourpre théatrale. Après un long et véhément discours de l'un des députés des colléges électoraux, le chef des hérauts

d'armes annonça que l'acte additionnel aux constitutions de l'Empire avait été accepté par le peuple français il ne donna pas même lecture publique de cet acte, que signa et jura Buonaparte. Le bruit du canon, la distribution des étendards, les évolutions militaires, les ondulations des plumets, la riche variété des uniformes, telle fut la superbe représentation qui amusa et étourdit les spectateurs. Des feux d'artifice, des illuminations, des divertissemens furent ordonnés trois jours après, et éblouirent et enivrèrent encore un moment les esprits aisément le vulgaire se laisse séduire par la pompe et l'éclat; mais les êtres pensans discernent si les réjouissances sont d'accord avec le bonheur public et l'opinion générale. Or, le cri de la France était foudroyant pour Buonaparte.

Considérons les articles les plus marquans Examen des de l'acte additionnel.

L'article 3 énonçait que la pairie était héréditaire. Napoléon en établissant un contrepoids de son autorité, semblait faire la plus grande concession à ses anciens erremens. Mais qu'est-ce qui l'y détermina? son propre intérêt dans sa position, Sans cet engage

principaux articles de l'acte additionnel.

ment, il ne pouvait plaire à ceux qui l'avaient secondé avec cette récompense de la pairie, il se ménageait les suffrages, ou plutôt il s'en assurait la pluralité en payant la servitude de ses courtisans. Il ressaisissait de la sorte insensiblement son sceptre de fer pour nous subjuguer.

L'article 64 permettait la liberté de la presse. La liberté de la presse sous Napoléon! c'était des armes qu'on vous offrait pour les faire tourner contre vous, et vous ensevelir dans un cachot.

Cet homme de la tyrannie ne put d'ailleurs se plier, même en apparence, à faire abnégation des deux grands moyens arbitraires qui, selon ses farouches caprices, mettaient dans ses mains la vie et la fortune des citoyens : l'acte additionnel ne dérogea point aux lois de la conscription et de la confiscation.

Voilà donc, ô Français, comment on pouvait décimer vos familles, ravir vos richesses, en vous disant que vous étiez un peuple libre! Ainsi, comme en 1793, les mots étaient mis à la place des choses. Liberté, patrie, ces paroles magiques avec lesquelles on voulait faire vibrer vos ames,

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ne perdaient-elles pas tout sens et toute réalité, quand on enchaînait vos bras, vos. pensées, votre industrie? De quels abus, de quels crimes ces mots sacrés de patrie, de liberté, n'ont-ils pas été les prétextes? N'ont-ils pas trop long-temps servi à satisfaire à nos dépens le délire des passions (a) et les rêves de l'ambition (b)? Tant que la liberté n'est que la licence et l'anarchie, les peuples sont les esclaves des factieux.

Enfin, par l'article 67 de son acte additionnel, Napoléon décéla sa pusillanimité furibonde, sa tyrannie sans bornes, et la conscience qu'il avait de l'illégitimité de sa cause. Cet article faisait défense à perpétuité « au Gouvernement, aux Chambres > et aux citoyens, de proposer le rétablis>>sement sur le trône d'aucun prince de la >> maison de Bourbon, même en cas d'extinc» tion de la famille impériale. >>

Ainsi, cet homme qui avait tant proclamé la souveraineté du peuple, lui faisait le plus sanglant outrage en voulant

(a) La révolution française l'a prouvé. (b) Napoléon en a été le plus monstrueux exemple.

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