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l'anéantir pour le présent comme pour l'ave nir. Il prétendait, tant il songeait à nous écraser et à nous traiter en serfs et en esclaves, faire taire à jamais le libre choix de la nation, qui plaçait ses uniques espérances et son irrésistible amour dans la dynastie de ses rois. Mais il a rendu, par cet excès de folie et de rage, un éclatant hommage à la vérité : il a prouvé qu'il n'était pas le prince de la nation, en étouffant la voix et la liberté de la nation, dont il redoutait les accens si diamétralement opposés à son usurpation.

Comment au surplus, en se mettant en état de rébellion contre le Gouvernement royal, Buonaparte ne s'était-il pas réservé à lui seul l'audace de soutenir la lutte, sans y engager les Chambres de sa création? c'est que son génie machiavélique s'était réjoui de cimenter par l'appareil d'un grand acte public une félonie sans exemple, afin de paraître dans les cabinets de l'Europe s'être revêtu d'une puissance légitime, lorsqu'il n'avait fait que braver avec des bayonnettes l'opinion publique des Français ; c'est que, par une satisfaction féroce, il avait voulu que, s'il échouait, ses

créatures, ses adhérens et les autorités qu'il avait imposées, devinssent le jouet des événemens, et tombassent avec lui-même dans l'abyme qu'il avait creusé sous leurs pas.

Cependant les puissances de l'Europe, liées entre elles et avec la nation française par le traité de Paris du 30 mai 1814, s'étaient encore liguées ensemble à la nouvelle de l'invasion de Buonaparte, et par leurs déclarations du 13 mars et celles subséquentes, avaient mis hors la loi des nations l'infracteur des traités, l'usurpateur du trône restitué à la postérité des princes qui depuis huit siècles avaient régné sur la France.

Mais il feignit d'être au-dessus des décisions du congrès de Vienne, et il osa offrir aux puissances de ratifier lui-même le traité de Paris, en leur demandant à ce prix de le reconnaître pour chef du gouvernement français. Ses ambassadeurs furent éconduits; on ne ne voulut pas même lire d'abord leurs dépêches. Par l'abdication de 1814, Buonaparte n'avait plus de caractère politique, et il avait démontré en rompant son ban qu'il n'y avait à jamais avec

Congrès de
Ses actes tou-

Vienne.

chant Buona

parte.

lui ni foi ni loi, ni paix ni trève. N'étaitce pas ainsi tendre aux Souverains alliés le piège le plus dangereux à leur sûreté et à leur indépendance, que de leur proposer de le reconnaître, c'est-à-dire, d'annuler au premier chef le contrat politique qui avait changé la face de l'Europe?

L'expérience avait mis au grand jour l'ambition illimitée de Buonaparte, et sa feinte modération ne pouvait plus en imposer.

N'avait-il pas d'ailleurs, imprudemment pour lui et sa faction, soulevé le masque, lorsqu'en mettant le pied sur le sol français, il avait dit: le congrès de Vienne est dissout; et lorsque déplorant la perte de ses conquêtes, et remémorant de grandes batailles, il avait harangué l'armée et le peuple pour leur rappeler ce colosse de puissance qu'il n'avait pas su maintenir ( 11 ). Il avait osé, dans ces harangues, accuser la maison de Bourbon d'abaisser la France, lui qui avait mis notre belle patrie à deux doigts de sa ruine, tandis que le nom seul des Bourbons l'avait sauvée, et lui avait fait conserver parmi les nations le rang et l'attitude qui convenaient à notre caractère et aux trophées des armées françaises.

Les puissances continuèrent donc leur. ligue sacrée.

Alors, le ton de jactance, de charlatanisme et d'insulte, redoubla dans les décla mations mensongères de Buonaparte. Il proclama qu'on n'en voulait qu'à l'indépendance de la France, et que l'on déguisait ce dessein perfide sous le prétexte spécieux d'une guerre directe contre sa personne.

Je ne sais, mais il me semble que ce sophisme prouvait jusqu'à quel point cet homme croyait à l'imbécillité des peuples,

20 mars,

ou se moquait de leur jugement. En effet, Aspect de la s'il eût été possible d'admettre que ce fût France après le la France et non Buonaparte qu'on menaçât, n'était-ce pas lui qui était venu mettre en danger notre indépendance, ? n'était-ce pas lui qui, troublant par sa présence la paix et la sécurité dans l'intérieur, et nos relations amicales à l'exté rieur, nous avait apporté la guerre civile et la guerre étrangère ? n'était-ce pas lui, enfin, qui, par un attentat inoui au repos et aux garanties dont nous jouissions, à peine depuis une année, aurait youlu nous voir tous, à son exemple, agiter les bran dons de la discorde, et fouler aux pieds la religion des sermens?

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Ce système de démoralisation, propagé par ses partisans, avait pu égarer des gens faibles, crédules et peu instruits, et ces hommes qui n'ont pour guide que l'intérêt du moment dès qu'il se lie à la conservation de leurs places, de leurs richesses ou de leurs honneurs, et sur lesquels la crainte, les mensonges ou les promesses ont une influence plus ou moins active. Mais la majorité des Français a été sourde aux menées de la sédition, et a gardé sa foi et son honneur. La masse de la nation a réprouvé Buonaparte une foule de départemens, à l'exemple de celui de la Vendée, ont pris les armes contre lui; les autres ont gémi sous la verge de ses licteurs, mais en demeurant inaccessibles aux aberrations du langage impérial.

Telle est l'impartiale vérité : elle donne la mesure des choses, et montre le contraste des temps.

De Louis XVIII Louis XVIII, l'un des monarques les plus éclairés de l'Europe, bon, juste, humain, affable, et AMY DE SON PEUPLE, avait PARU et avait gagné tous les cœurs français. Avec une sagesse royale, avec les sentimens de père de ses sujets, il avait séparé

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