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transporta le comte Lynch, qui, se précipi tant dans les bras de M. de Larochejaquelein, lui dit, tout ému: « Mon ami ! vous n'avez » pas de partisan plus dévoué; c'est moi, » c'est le maire de Bordeaux qui aspire à >> l'honneur de proclamer le premier S. M. » Louis XVIII (1) ». En effet, depuis longtemps cette secrète intention germoit dans le cœur de M. Lynch.

Réunis au maire de Bordeaux, les royalistes de la Gironde arrêtèrent un plan pour le succès de la cause sacrée qui faisoit l'objet de leurs sollicitudes et de leurs veilles. Ils voyoient lord Wellington tenir en échec l'armée du maréchal Soult, retranchée alors sur l'Adour, et de son côté, Napoléon tellement pressé par les armées de la confédération européenne, qu'il lui deviendroit impossible de disposer d'aucun autre corps d'armée contre l'insurrection de Bordeaux. Il étoit urgent de commencer ce mouvement royaliste, et de donner ainsi aux souverains alliés la preuve irréfragable qu'il existoit, au sein même de la France, un parti

(3) Hist. de la Campagne de 1814, liv. xu, p. 173.

fidèle à la cause de son roi, et qui n'attendoit plus que l'instant de se déclarer. Des députés se rendirent sur-le-champ auprès de lord Wellington et de S. A. R. M. le duc d'Angoulême, qui venoit d'arriver à SaintJean-de-Luz. Avec quel bonheur ce prince entendit le marquis de Larochejaquelein lui rendre compte des dispositions de Bordeaux, du dévouement sans bornes du maire de cette ville, de la situation de la Vendée, et de l'état de l'opinion en France: elle se soulevoit partout contre l'usurpateur.

Mais il falloit donner le signal; il falloit obtenir de lord Wellington quelques régimens pour protéger le mouvement de Bordeaux. Le marquis de Larochejaquelein se rendit garant que cette ville se déclareroit à la seule approche de M. le duc d'Angoulême, et il pressa lord Wellington d'attaquer sur tous les points, et de se faire jour pour donner la main aux royalistes. La victoire d'Orthès ouvrit à ce général toute la ligne de l'Adour, et pourtant il hésitoit encore de favoriser un mouvement politique, persuadé que Bordeaux n'oseroit

jamais se déclarer contre Napoléon. « J'en ré>> ponds sur ma tête, dit le marquis de La

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rochejaquelein à M. le duc d'Angoulême, » qui sembloit partager les doutes de lord. >> Wellington. Vous êtes donc bien sûr » de votre fait, répond le prince? - Autant, » Monseigneur, qu'on peut l'être d'une chose >> humaine. Eh bien, reprend vivement » S. A. R., j'ai confiance en vous: partez ».

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Maître du terrein par la victoire, lord Wellington ne balance plus, et le maréchal Béresford, détaché de son armée, se porte de Montde-Marsan sur Bordeaux, avec un corps de troupes anglo-portugaises. Ce général ne rencontre dans sa marche aucune force capable de lui disputer le passage, et la journée du 1 2 mars couronne la plus noble de toutes ces entreprises. Elle fut un véritable triomphe pour M. le duc d'Angoulême les bordelais reçurent avec transport ce prince libérateur, le gendre et le neveu de Louis XVI, et le fils adoptif de Louis XVIII. On auroit dit qu'un seul jour de bonheur dédommageoit les bordelais de vingt-sept années de tyrannie et de misères.

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Sensible à tant d'amour et de respect, M." le duc d'Angoulême, en sortant de la cathédrale, où venoit d'être rendu à la divinité un pieux tribut d'hommages et de gratitude, se dirigea vers l'hôtel-de-ville au milieu des plus vives acclamations. Là, il chargea les magistrats d'être les interprètes de sa satisfaction et de son bonheur. Une proclamation du comte Lynch, adressée aux bordelais, et digne du grand évènement auquel ce premier magistrat venoit de présider, contenoit les passages suivans, consignés dans les annales de la restauration:

« Habitans de Bordeaux ! le magistrat pa>>ternel de votre ville a été appelé par les plus >> heureuses circonstances, à se rendre l'in>>terprète de vos voeux trop long-temps com» primés, et l'organe de votre intérêt, pour >> accueillir, en votre nom, le neveu, le gendre » de Louis XVI, dont la présence change en » alliés des peuples irrités qui, jusqu'à vos » portes, ont eu le nom d'ennemis.

>> Ce n'est pas pour assujettir nos contrées à >> une domination étrangère, que les Anglais,

- » les Espagnols et les Portugais y apparoissent; >> ils se sont unis dans le Midi, comme d'autres » peuples au Nord, pour détruire le fléau des >> nations, et pour le remplacer par un mo»narque, père du peuple; ce n'est même que >> par lui que nous pouvons appaiser le ressen»timent d'une nation voisine, contre laquelle >> nous a lancé le despotisme le plus perfide.

» Les mains des Bourbons sont pures du » sang français. Le testament de Louis XVI » à la main, ils oublient tout ressentiment; >> partout ils proclament et ils prouvent que » la tolérance est le premier besoin de leurs »ames. C'est en déplorant les terribles ravages » de la tyrannie qu'amena la licence, qu'ils » oublient les erreurs causées par les illusions » de la liberté. Ces courtes et consolantes pa» roles que vient de vous adresser l'époux de » la fille de Louis XVI, plus de tyran! plus » de guerres plus de conscriptions 1 plus » d'impôts vexatoires! ont déjà rassuré vos >> familles.

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» L'auguste prince est dans vos murs;

il

» vous a fait entendre lui-même l'expression

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