Page images
PDF
EPUB

Non-seulement le maire de Bordeaux, proscrit par Buonaparte, s'éloigna de cette ville pour aller chercher une asile en Angleterre on à Gand; mais d'autres personnages, tels que M. de Montdenard, et M. Lainé, président de la chambre des députés, dédaignèrent la sûreté et la protection qui leur furent offertes au nom du gouvernement usurpateur.

[ocr errors][merged small]
[ocr errors][merged small][merged small]

Copie de la lettre adressée par M. le duc d'Angouléme à M. le comte de Puységur.

Paris, 20 janvier 1815.

<< Monsieur le comte de Puységur, je connois vos bons sentimens, et vous devez être assuré que leur expression m'est toujours très-agréable. J'ai reçu avec plaisir votre lettre du 13 de ce mois, et suis trèssatisfait de ce que vous me mandez du calme qui n'a pas cessé de régner à Bordeaux. Cette bonne ville a donné un trop bon exemple le 12 mars, pour ne pas continuer à prouver son dévouement en se soumettant aux ordres du Roi. Le comte de Damas a mandé, par mon ordre, au comte Lynch, les intentions de Sa Majesté, relativement à la garde royale; elles doivent avoir leur entière exécution. Plus les membres qui la composoient sont vraiment fidèles et dévoués, moins ils doivent marquer d'éloignement à faire partie de la garde nationale, puisque le Roi ne veut pas qu'il y ait dans son royaume d'autres corps armés que des gardes nationaux et

des troupes de ligne. Je vous charge de procéder, de concert avec les autorités, à faire cette incorporation sans perte de temps. C'est la volonté du Roi et l'ordre de mon père. En vertu de cette volonté, je compte sur votre zèle et sur votre activité pour que cette opération soit complètement terminée avant le voyage que la duchesse d'Angoulême et moi nous projettons de faire, tout au commencement du mois de mars, dans cette bonne ville de Bordeaux qui nous est si chère, et que la duchesse d'Angoulême a tant de désir de connoître. Croyez que j'aurai un vrai plaisir à vous revoir et à vous assurer de toute mon estime.

» Votre affectionné,

LOUIS-ANTOINE. »

Certifié, pour copie conforme,

Comte MAXIME DE PUYSÉGUR.

N.° 2.

Rapport du maire de Bordeaux, M. le comte LYNCH, sur les derniers évènemens qui ont eu lieu dans cette ville.

La révolution de mars 1815 a été opérée à Bordeaux précisément par les moyens contraires à ceux qui ont facilité celle du mois de mars 1814. Avant de déve

lopper ces derniers, je crois devoir faire connoître les dispositions des habitans de cette ville, parce que ces dispositions sont encore les mêmes dans ce

moment.

En mars 1814, la grande majorité des propriétaires étoient fatigués de la domination de Buonaparte : et si l'on ne pouvoit supposer qu'ils ne fussent en général très-disposés à un soulèvement, il étoit probable qu'ils le favoriseroient, excités par un assez grand nombre de gentilshommes bien intentionnés; et on pouvoit compter sur la masse du peuple, à quelques exceptions près.

Cependant, ces dispositions n'auroient pas suffi, sans les circonstances favorables qui en ont facilité le développement.

Certainement, si une force militaire imposante eût été en présence, il eût été fou de rien entreprendre; mais Bordeaux n'étoit contenu que par environ cinq cents soldats, et le général qui commandoit fut bientôt convaincu qu'il ne pouvoit résister aux forces anglaises qui étoient attendues: il se retira.

Le préfet et le commissaire général de police avoient reçu du sénateur Cornudet, commissaire extraordi→ naire du gouvernement, l'ordre de quitter le dépar tement aussitôt que l'ennemi y seroit entré; mais je ne doute pas que le mouvement n'eût eu également lieu, quand même les autorités civiles n'auroient pas quitté la ville, parce qu'avec le secours des forces

anglaises, j'aurois rendu inutile la foible opposition que j'aurois eue à combattre. Néanmoins, je me suis trouvé heureux de n'en pas avoir besoin; et ce ne fut pas sans beaucoup d'avantages que je me vis dégagé de toutes les entraves qui sont la suite de la division des pouvoirs.

Il existoit une probabilité d'opposition qui eût été plus embarrassante; c'est celle dont auroit pu faire úsage la garde urbaine, que j'avois été forcé de laisser former dans le sens du gouvernement; parce que si j'avois voulu contrarier son organisation, j'aurois mis mes projets trop à découvert.

Pour faire comprendre pourquoi cette garde nationale étoit à craindre, je suis forcé de dire que la majeure partie des citoyens qui tiennent au tiersétat, et surtout les négocians, sont attachés au gouvernement de Buonaparte. On auroit de la peine à le croire, quand on pense que, sous son gouvernement, toutes les opérations commerciales ont élé anéanties; mais il ne faut pas perdre de vue que les effets de la révolution se perpétuent, parce que la cause principale n'a pas cessé d'exister. Cette cause est la vanité des individus composant la classe moyenne de la France. Ayant fait la révolution par jalousie des avantages de la classe supérieure, ils jouissoient de son abaissement, ils voyoient leurs enfans, leurs parens, leurs amis, les leurs enfin, élevés dans les grades supérieurs de l'armée, dans les tribunaux et

les

[ocr errors][merged small]
« PreviousContinue »