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enfans perdus de la nouveauté, de l'esprit du siècle, et du poison de l'incrédulité.

Loin de lui tous les ouvrages, ou la philosophie qui prétend juger Dieu, son culte, son Eglise et sa loi divine. Les passions ne lui inspireront que trop un jour le désir de secouer le joug de la Religion, et les flatteurs sauront bien profiter de ce moment. Faites-lui respecter les choses saintes, et dévoilez à ses yeux la fausse philosophie.

J'aurais bien des choses à vous dire que me dictent ma tendresse pour mon fils, et le désir de former son cœur et son esprit; mais je crains de prendre le ton sententieux, et d'avoir l'air, de dicter des lois à son instituteur. J'ai toute confiance en vous, M. l'Abbé; que ma lettre soit quelquefois consultée par vous, mais ne soit pas l'unique règle de votre conduite. J'ai besoin de vous voir quelo votre élève; au milieu des c

venez avec

qui déchirent mon ame, mon unique consolation est dans mon fils; et je me complais en voyant les progrès qu'il fait tous les jours, et qu'il doit à vos soins et à votre amitié pour lui.

DE M. BERGASSE,

ANCIEN DÉPUTÉ A L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE,

SUR L'ACTE CONSTITUTIONNEL DU SENAT.

ON N m'a fait lire deux actes du Sénat : l'un par lequel il prononce la déchéance de Buonaparte; l'autre qui a pour objet de fixer les bases de la Constitution qu'il prétend nous faire accepter.

Le premier de ces actes m'a surpris. Je n'ai pu comprendre comment le Sénat, en le rédigeant, n'avait pas aperçu qu'il ne pouvait, sans une grande inconvenance, livrer à l'opprobre un homme auquel après tout il doit ses éminentes prérogatives et son étrange fortune. Buonaparte a été mon ennemi comme celui de tous les Français qui ont des principes et de l'honneur. Or, je l'avoue, je me croirais bien vil, si, maintenant qu'il a cessé d'être redoutable, je poursuivais avec un ridicule acharnement sa mémoire. On peut braver un ennemi aussi long

temps qu'il est à craindre; et, dans une cause juste, il y a du courage, sans douté, à lutter contre sa puissance: mais, lorsqu'on a gardé le silence devant lui, le braver seulemenl quand il ne reste plus rien de ce qu'il était qui puisse inspirer de la terreur, c'est l'action d'un lâche, c'est insulter à un cadavre; c'est laisser entrevoir que ce n'est pas de la conscience qu'on emprunte son langage, mais uniquement des circonstances où la fortune nous jette.

Que serait-ce donc, si, comme les membres du Sénat, j'avais accepté ses bienfaits; si, pour les mériter, je m'étais rendu l'apologiste de tous ses crimes ; si désavouant peut-être en secret ses fureurs, j'en avais fait publiquement le sujet de mes éloges; si la Nation devait à ma servile complaisance pour lui, tous ses malheurs, la ruine de l'agriculture, l'anéantissement du commerce; des impôts impossibles à payer, et cependant exigés avec une dureté sans exemple; le deuil profond de toutes les familles ; la mort de plus de cinq millions d'individus arrachés de leurs foyers pour aller périr sur des champs de bataille ? Que seraitce, si, pouvant parler; si, par le droit de ma place, ayant une autorité suffisante pour m'opposer aux projets désastreux de cet homme impitoyable, je les avais consacrés par mon suffrage; si, par ce suffrage honteux, je l'avais moi-même excité à oser tous les jours davantage? Que serait-ce si, pour obtenir des graces, j'avais étouffé toutes les récla

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mations, méprisé toutes les douleurs; si, me plaçant entre son trône et le peuple français, j'avais prêté au peuple français, dont je me disais et dont je n'étais pas l'organe, un langage qui n'était que le mien; si, dans les départemens, j'avais sollicité par la crainte, des adresses d'approbation pour tous les actes de son délire; si j'avais commandé la joie, quand les larmes coulaient de toutes parts; si j'avais insulté par mon luxe, par le spectacle insolent de ma fortune, à la misère publique; si, quand on contraignait jusqu'aux dernières classes de la soeiété, à se priver de leur nécessaire toujours si borné pour satisfaire à tant de folies, j'étais demeuré seul insensible au milieu de la désolation générale, occupé de me faire payer mes honoraires, et d'ajouter un peu d'or à l'or que j'aurais déjà recueilli? Je le demande à tous les hommes honnêtes, à tous ceux qui ont quelque idée des bienséances et des devoirs délicats qu'elles imposent, 'n'est-il pas vrai qu'alors je me serais privé du droit de prendre part à l'indignation commune? Et quand il ne me resterait plus qu'à me faire oublier, me conviendrait-il, en effet, de me montrer parmi cette multitude innombrable de malheureux dont d'affreux souvenirs ont rendu les ressentimens légitimes?

On compte dans le Sénat un petit nombre de personnes qui ne manquent, ni de talens, ni d'adresse. Or, comment ne les a-t-on pas consultées

avant de livrer au public cet acte de déchéance ? Certes, ou je me trompe fort, ou elles auraient dit qu'une pareille pièce n'était au fond qu'un acte d'accusation contre le Sénat; que, puisque le Sénat était chargé, par son institution, de conserver la Constitution d'ailleurs très-mauvaise qui nous avait été donnée, si Buonaparte ne l'avait pas respectée, Fes Sénateurs seuls étaient les vrais coupables; que détailler, comme ils le faisaient, les attentats de celuici contre la Constitution, c'était révéler leur propre prévarication, et que, puisqu'ils voulaient prononcer sa déchéance, il était prudent du moins de la motiver, sans spécifier des griefs trop particuliers et trop nombreux, et afin de ne pas encourir le reproche d'ingratitude, qu'il convenait sur-tout qu'ils ne parlassent que comme organe nécessaire du peuple français, de ce peuple dont il a été si long-temps l'oppresseur et le bourreau (1).

L'acte constitutionnel m'a encore plus étonné,

(1) Au reste, je suis bien loin d'imputer à tous les membres du Sénat les actes irréguliers, pour ne rien dire de plus, qu'il vient de se permettre; il y a dans ce corps, et même parmi ceux qui ont souscrit les premiers l'acte constitutionnel, quelques hommes recommandables par des qualités précieuses, et qui, s'ils eussent appartenu à un meilleur temps, auraient bien mérité de leur patrie. Je ne parle ici que de ceux qui, par leur ascendant, déterminent les opinions du Sénat,

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