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CONSTITUTION,

ET DES

LOIS FONDAMENTALES

DE LA

MONARCHIE FRANÇAISE.

Mon dessein est de faire voir quelle a été

la constitution de notre ancienne monarchie. Je remonterai jusqu'aux premiers principes de ses lois fondamentales: j'en montrerai l'esprit, le caractère, libres au-delà de ce qu'on peut penser, même sous les mauvais rois; leur constante uniformité, dans le cours varié des siècles; leur antiquité vénérable, dont notre ignorance et notre jeunesse pouvoient seules méconnoître la majesté.

Ceux qui parlent des théories de la raison. moderne, semblent ne pas soupçonner qu'avant leur courte existence, il y avoit nue

raison ancienne consacrée par le respect de tous les âges. Ils apprendront peut-être avec étonnement que la plus puissante et la plus ancienne monarchie de l'Europe avoit dans son sein les principes du meilleur ordre politique et de la constitution la plus durable. Ce sera pour eux une nouveauté, et néanmoins un scandale. Ceux qui cherchent encore la liberté dans les routes nouvelles, s'étonneront que nos ancêtres aient été le peuple le plus libre et le plus sage de l'univers; mais la postérité admirera le caractère singulier de tant de législateurs qui, voulant donner des constitutions à la France, ont ignoré aussi profondément son histoire et ses lois, que si un nouveau déluge en avoit abimé tous les monumens. Ils avoient étudié l'histoire de la Grèce et le gouvernement de l'Angleterre. Ils auroient pu être législateurs à Sparte ou à Londres. Pour conduire la France, il leur a manqué d'être Français.

Je parle ici, comme je le ferai dans tout le reste de cet écrit, d'une manière générale, et sans prétendre accuser ni désigner per

sonne.

Si, parmi tant de calamités récentes, il est inévitable de parler avec quelque émotion

des faits publics de nos désastres, soit pour s'appuyer de leur témoignage, soit pour inspirer de l'horreur d'un mal si profond, j'aurai toujours ce respect pour la conscience, de laisser à chacun le mérite de s'accuser, ou le 'droit de s'absoudre.

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J'ai trop à cœur de gagner les esprits à la vérité, pour ne pas craindre d'offenser qui que ce soit mais qu'on me pardonne de montrer l'erreur, en cachant la main qui l'a semée. C'est tout ce que peut la sagesse chrétienne pour imiter la clémence du souverain qui, parmi tant de crimes, ne voit point de criminels.

Je ne m'arrêterai pas à examiner s'il falloit une nouvelle constitution : ce seroit maintenant une question oiseuse ; et le seul respect pour la volonté du Roi solennellement exprimée, m'interdiroit cette discussion. Je ne goûte point le triste plaisir de censurer le passé, s'il ne conduit à la satisfaction plus noble d'améliorer le présent. C'est, je l'avoue, un terrible préjugé contre toute nouveauté en matière de constitution, que cette destinée commune de tant de chartes frappées de mort au berceau. Le génie moderne qui n'a pu les animer du souffle de vie, demeure convaincu

d'impuissance: il faut qu'il retourne à l'antiquité, et que sa fière raison apprenne enfin à son école ce secret d'immortalité dont elle animoit ses ouvrages.

Je sens toute la force de ce préjugé; mais j'en connois les justes bornes. Je suis aussi loin de mépriser tout ce qui paroît nouveau, que d'estimer tout ce qui est ancien. Il n'est que la vérité qui soit à la fois ancienne et respectable, et l'erreur la plus commune de la raison moderne est de croire que ce qu'elle dit de vrai, soit quelque chose de nouveau.

Je prends donc la question dans les termes même posés par le Roi ; et je ferai voir qu'un corps législatifen deux parties, adopté comme base du nouvel ordre politique, n'est qu'une forme plus développée d'une institution fondamentale de la monarchie, dont le principe est toujours demeuré en vigueur. Il n'y a pas jusqu'au titre de sénateur qui n'ait son fondement dans notre histoire : ce titre étoit considérable à la cour des premiers rois de France. On le conféroit à des hommes de la plus éminente dignité, comme on le voit par l'exemple de saint Sulpice, archevêque de Bourges, que Grégoire de Tours appelle un des premiers sénateurs de France. Vir valdè

nobilis et de primis senatoribus Galliarum. (Lib. vi, n.o 39.) Tous les membres de ce sénat exerçoient des fonctions législatives et judiciaires, soit dans les provinces, soit à la cour même du Roi. On les nommoit, dans la langue du temps, viri sagi et senatores, et leur président avoit le titre de premier sénateur de France.

La dignité de leur caractère répondoit à celle de leurs charges : les rois, descendans de Clovis, presque toujours en guerre ou en défiance, les prenoient pour arbitres de leurs intérêts dans les plus délicates rivalités, et se donnoient mutuellement en otages les enfans des premiers sénateurs. (Lib. xxxi, n°. 5o.)

De tels rapprochemens feront sentir à tous les esprits justes, de quelle importance il est de donner aux institutions nouvelles un caractère antique et national. Nous ne sommes point un peuple récemment sorti des forêts, étranger aux lois, aux coutumes, à la mémoire des temps passés ; ceux qui ont fait violence à toutes ces choses, n'ont servi qu'à prouver la force de leur empire. C'est assez d'avoir lutté vingt-cinq ans contre la raison rendons-nous à l'expérience, ses

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