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qui pouvoit tout perdre, hors l'honneur de sa nation. Il ne croyoit pas s'abaisser en disant à Charles-Quint : « que les lois fon» damentales de son royaume étoient de ne >> rien entreprendre sans le consentement de >> ses cours souveraines, entre les mains desquelles résidoit son autorité. » (Remontr. du parl. 1615.) Charles IX, avec un caractère si différent, disoit dans le même esprit, qu'aucun édit ou ordonnance n'avoit force de loi publique dans le royaume, sans le consentement exprès du parlement. Le poison des Médicis n'avoit pu l'empêcher d'hériter avec le trône de ces principes de la liberté monarchique. Louis XIV, qui a tant élevé sa nation, et qui fut à la fois le plus affable des hommes et le plus majestueux des souverains, mais en qui certaines personnes confondent la majesté avec le despotisme Louis XIV soutenoit les mêmes ma; ximes avec une extrême noblesse, dans la défense des droits de la reine sa femme.

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Qu'on ne dise point que le souverain ne » soit pas sujet aux lois, puisque la proposition contraire est une vérité du droit des » gens, que la flatterie a quelquefois attaquée, mais que les bons princes ont tou

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jours défendue, comme une divinité tútélaire de leurs Etats. » Enfin, sous Louis XV, les princes du sang, dans leur requête contre les princes légitimés, rappelèrent comme un principe d'une antiquité immémoriale, et désormais à l'abri de toute dis

cussion que « quelqu'étendu et quelque

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respectable que soit le souverain pouvoir » des rois, il n'est pas au-dessus de la loi >> fondamentale de l'Etat ; c'est à cette sainte » et inviolable maxime que la France fut » redevable de son salut sous Charles VII, » et que la maison de Bourbon doit la couronne. » En effet, les prétentions du roi d'Angleterre à la couronne de France, fondées sur la donation illégale de Charles VI, aussi bien que les prétextes dont se couvroit la ligue pour repousser les droits de Henri IV, vinrent échouer également contre une ancienne tradition de la loi salique, et ce fut la force des principes, alors comme aujourd'hui, qui rallia tous les Français sous l'étendard du Roi légitime.

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Voilà quels sont les droits de cette anti quité que j'oppose aux innovations désastreuses de nos jours. Voilà l'empire de ces lois fondamentales sans lesquelles tout est

foible, incertain, mal assuré dans les gouvernemens. Voilà enfin cette raison sanctionnée par tous les siecles, devant qui la raison moderne pâlit et chancelle avec toutes ses nouveautés. Lorsqu'on voit de tels principes passer d'âge en âge, et comme de main en main, par une succession non interrompue depuis Clovis jusqu'à Louis XVI, et former une doctrine constante à laquelle tout se rattache dans le cours de treize cents ans, que les peuples et les rois invoquent mutuellement, comme la source commune du droit public, et que les hommes même les moins éclairés implorent sans le savoir, comme le fondement d'une liberté qu'ils croient nouvelle; assurément il falloit une étrange mesure d'ignorance ou de mauvaise foi, pour venir demander avec ironie, comme ces philosophes de 89, où étoient les fondemens de la monarchie, et dans quel pays fortuné se trouvoient les élemens inconnus de sa constitution. A les entendre, il sembloit que ce fût un fantôme, un rêve superstitieux, ou quelque nouveau phénix relégué dans les déserts de l'Arabie. Mais tout effet a sa cause, toute conséquence a son principe: lorsqu'une vaste et puissante monarchie a

durant tant de siècles, rempli l'Univers de sa gloire, de ses mœurs, de sa doctrine, il est aussi absurde de vouloir s'inscrire en faux contre sa constitution, qu'il le seroit de nier la source d'un fleuve, à la vue de son cours majestueux, et de l'heureuse fécondité qu'il répand avec ses eaux.

Je n'examine point si la composition de nos cours souveraines pouvoit, dans les derniers temps, offrir une représentation suffisante et proportionnée à ce que nous avons vu des commencemens d'une si belle institution. Peut - ètre, s'il m'est permis de le dire, entre-t-il dans les motifs du Roi de lui donner un plus juste développement, pensée digne d'un prince qui a toujours été le protecteur le plus éclairé de la liberté française, et si conforme à nos lois fondamentales, qu'elle ne peut être ni plus solidement, ni plus naturellement assise que sur les bases mêmes de l'ancienne monarchie. C'étoit à quoi se bornoit le vœu comme le plan de cette sage réforme sollicitée par les cahiers de nos provinces: source amère et inépuisable de repentir pour ces prétendus hommes d'Etat, pour ces mandataires infidèles qui, foulant aux pieds les ordres de

leurs commettans, entreprirent avec une si présomptueuse ignorance, de reconstruire toute la monarchie sur de nouveaux fondemens. Si la justice de ce reproche les importune, s'il blesse des oreilles devenues chatouilleuses, après un si long usage du pouvoir, qu'ils se taisent; qu'ils cessent d'insulter à notre longue et cruelle expérience; qu'ils ne nous parlent plus, ni de leurs principes de 89, ni des vaines théories de leur raison croient-ils donc que la nation ait oublié ce qu'elle leur doit, ou qu'elle veuille se soumettre encore aux essais périlleux de ces charlalans qui prétendoient redresser le sceptre de Charlemagne et de Louis XIV ?

L'esprit de liberté sage et tempérée, est parmi nous un caractère éminemment national. Il nous vient avec le sang de ces premiers vainqueurs de la puissance romaine, dont Tacite nous peint les mœurs dans le tableau général des peuples de la Germanie. Comme nous, ils avoient des rois dont le pouvoir étoit moins limité que réglé par les lois, nec regibus infinita aut libera potestas. (cap. VII.) Ils avoient même, autant qu'on le peut saisir dans l'énergique brièveté de l'historien, deux conseils ou deux chambres

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