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de la barbarie sauvage. Mais, après cette longue anarchie de la raison humaine, il faut rappeler à la lumière les tables antiques de nos lois, et les représenter au peuple comme les règles précises et la juste mesure de sa liberté. Il faut que ceux qui les ont ignorées, puissent voir de leurs yeux, et toucher de leurs mains le corps même de ces lois désormais écrites et rassemblées. C'est là, sans doute, le motif le plus puissant, je ne dirai pas d'une constitution nouvelle, expression réprouvée par la raison, mais d'un nouveau recueil des lois anciennes de la monarchie; car je suppose un moment que cette constitution déclare et promulgue de nouveau ces lois fondamentales fixées sous Clovis, et dont la source vient de plus haut que le gouvernement de la France est monarchique; que le pouvoir est un et indivisible; que le trône est héréditaire dans la famille régnante, conformément au principe de la loi salique; que la religion catholique et romaine est la religion de l'Etat, etc., dira-t-on, je le demande, que ce soient là des institutions et des lois nouvelles? Ne seroit-ce pas leur faire injure, de les présenter avec ce caractère ? Y

que

a-t-il, dans aucun de ces dogmes, quelque vérité inconnue jusqu'à nos jours, qui constitue la France sur de nouvelles fondations? Sont-ce là enfin des pensées que le législateur moderne tire de sa raison privée, pour en faire la loi de tous? Ne sont-ce pas plutôt des faits reconnus, des faits anciens et incontestables, des faits dont l'histoire et l'univers sont remplis ?

Mais allons plus loin: est-il au pouvoir du législateur de nier ou d'altérer ces faits? peut-il dépouiller tout un peuple de la succession de ses lois, de ses institutions, de la foi de ses ancêtres, au mépris non-seulement de la raison, mais d'une possession légitime de plus de treize cents ans ? S'il croyoit avoir une autorité si funeste, et s'il prétendoit l'exercer, en introduisant dans l'Etat quelque principe nouveau, ce seroit recommencer encore et la philosophie et la révolution, et remettre incessamment en problème toutes les vérités sociales. Car, enfin, l'innovation sera-t-elle plus respectable et plus assurée contre le changement que la loi ancienne qu'elle aura dépossédée ? et quelle autorité nouvelle pourra donc fixer

jamais ces vérités, si l'antiquité ne l'a pu faire ? Où nous arrêterons-nous, dans ce cercle immense du chaos ? car les sages l'ont appris. Les nouveautés légères enfantent les nouveautés désastreuses; et, dans cette suite d'abîmes qui s'appellent, où sera le repos de l'erreur?

Il faut donc un point fixe, un fondement stable à la société ; et ce point si désirable, est le Terme sacré de ces lois fondamentales, reçues, promulguées, promulguées, sanctionnées

les siècles.

par

S'il existe un homme qui croie trouver dans sa raison une autorité plus forte et plus imposante, qu'il paroisse et qu'il se nomme; que tout le peuple assemblé le voie et l'examine. A-t-il le caractère divin du législateur? Ses mains sont-elles pures? son cœur est-il demeuré l'asile de la vertu, au milieu des ruines de tous ses temples? La foi antique, l'honneur incorruptible, l'humanité sainte, se sont-elles réfugiées dans ce sanctuaire, lorsqu'elles étoient bannies du monde ! a-t-il traversé sans tache cet abîme de sang et de ténèbres où la Révolution, ce monstre dont le nom seul glacera d'épouvante les généra

tions futures, nous a traînés de crime en crime, et d'erreur en erreur, depuis le berceau de l'enfance jusqu'à la tombe des vieillards ? Ce n'est pas assez; et dans ces temps où tout fut persécuteur ou victime, étoit-il au premier rang des martyrs ? s'est-il vu précipiter du faîte des grandeurs, sans rien perdre de la dignité de sa personne? a-t-il bu la coupe amère de l'adversité, sans que son cœur se soit refroidi pour les hommes ? sait-il enfin pardonner l'injure, embrasser le coupable, et pleurer, quoiqu'innocent, avec le repentir? O prodige! Il existe un homme de ce caractère. Je vois sur son front les palmes du martyre, couvrant de leur ombre un diadème ensanglanté. Les saints et les héros des vieux temps semblent revivre autour de lui. Une partie de son sang est déjà dans le ciel ; le reste console et édifie la terre. La vertu, sous une forme angélique, l'accompagne, lui sourit, comme sa fille, le révère comme un maître, et donne à l'univers l'exemple de l'amour et du respect.

Ah! sans doute un tel homme pourroit être le législateur du genre humain, et amollir, comme Orphée, les tigres les plus sauvages; mais, comme lui, il ne seroit que

l'interprète du Dieu qui régit les empires (1); et sa raison sublime tireroit sa doctrine et son pouvoir de cette source sacrée, qui est elle-même la raison de tous les siècles.

Ainsi les autorités, comme les principes, nous ramènent toujours à ces lois antiques de la société. Elles sont, dans le ciel du monde moral, le point fixe autour duquel se meuvent tous les astres intelligens qui doivent répandre la lumière de la vérité. L'aberration la plus légère troubleroit l'harmonie sociale; et cette raison impérieuse de l'ordre, qui renferme la toute-puissance des lois, dit à la liberté de penser et d'écrire : « tu vien» dras jusqu'à ce terme; et là, le torrent » de la licence verra briser l'orgueil de ses >> flots. » Enfin, pour conclure, dans cette grande question de la liberté de la presse, qui en renferme tant d'autres, si vous exceptez ce petit nombre de principes fondamentaux fixés par les lois générales de l'Etat, tout le reste forme l'immense et libre domaine de la controverse.

(1) Sacer interpresque deorum.

HOR.

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