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négociateurs échouèrent contre cette déclaration.

Pendant la négociation de Paris, voici ce qui se passoit à Fontainebleau. Ce même jour, un peu avant l'heure de la parade, MM. les maréchaux et officiers généraux, réunis dans la cour du palais, conféroient sur l'événement de la veille, sur ses suites, et sur l'influence qu'il devoit avoir aumoment même pour régler les rapports respectifs entre l'ex-empereur et l'armée. Comme les avis, à cet égard, étoient forts partagés, un général en ouvrit un, qui paroissoit propre à les concilier tous: c'étoit d'engager l'empereur pour l'honneur même de son autorité, qui pourroit être compromise, à ne pas venir ce jour-là à la parade. M. le maréchal Oudinot se détacha aussitôt du groupe pour aller remplir cette mission auprès de l'empereur; mais celui-ci étoit déjà dans l'escalier qu'il descendoit, avant que le maréchal fût arrivé à lui. Il fut annoncé aussitôt. Sa figure étoit pâle et entièrement décomposée, des mouvemens convulsifs agitoient ses lèvres. Il ne put point parler. Quelques cris de vive l'empereur sortirent des rangs, mais ils étoient aussi lugubres que dans une cérémonie funèbre. Celui qui en étoit l'objet s'empressa de rentrer après quelques minutes. Cependant, peu d'heures après, il arrêta un plan,

et le fit rédiger et contre-signer par le duc de Bassano. Ce plan consistoit à partir avec vingt mille hommes pour aller rejoindre le prince Eugène en Italie.

qué. tions.

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Il fit appeler le duc de Reggio. Ce maréchal fatigué des deux scènes du jour et de la veille vouloit en éviter une troisième, et hésitoit de revenir au palais. Cependant on lui fit sentir toutes les conséquences de son refus, et il se rendit. L'empereur lui demanda si les troupes le suivroient. Non, Sire; vous avez abdiMais j'ai abdiqué à certaines condiLes soldats, reprit le duc, ne connoissent pas ces nuances; ils croient que vous ne pouvez plus les commander. Tout est donc dit de ce côté, dit Buonaparte; attendons les nouvelles de Paris. Les négociateurs qu'il y avoit envoyés arrivèrent à onze heures du soir. Le maréchal Ney entra le premier. « Avez-vous réussi? dit l'empereur. En partie, » Sire, mais non pour la régence : les révolu» tions ne rétrogradent jamais; celle-ci a pris » son cours; il est trop tard; le sénat recon>> noîtra demain les Bourbons. - Où pourrai-je >> vivre avec ma famille? Où voudra Votre

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» Majesté par exemple, à l'ile d'Elbe, avec six » millions de revenu. Six millions! c'est

>>

» beaucoup, puisque je ne suis plus qu'un soldat. » Je vois bien qu'il faut enfin se résigner. » Et il se tut.

Dès le soir même, le maréchal Ney écrivit au prince de Bénévent, président du gouvernement provisoire, la lettre suivante, pour lui faire part des dispositions de Napoléon.

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» Je me suis rendu hier à Paris avec M. le » maréchal duc de Tarente et M. le duc de » Vicence, pour défendre auprès de S. M. l'em» pereur Alexandre les intérêts de la dynastie » de l'empereur Napoléon. Un événement imprévu (1) ayant tout à coup arrêté les négocia» tions, qui, cependant, sembloient promettre les plus heureux résultats, je vis dès lors que, pour » éviter à notre chère patrie les maux affreux » d'une guerre civile, il ne restoit plus aux Français qu'à embrasser entièrement la cause » de nos anciens rois ; et c'est, pénétré de ce sen» timent, que je me suis rendu ce soir auprès de l'empereur Napoléon, pour lui manifester le » vœu de la nation.

»

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(1) C'est sûrement la nouvelle constitution arrêtéc le 5.

»tique où il a placé la France, et de l'impossi»bilité où il se trouve de la sauver lui-même, » a paru se résigner et consentir à l'abdication >> entière et sans aucune restriction; c'est demain » matin que j'espère qu'il m'en remettra lui» même l'acte aussitôt après, j'aurai l'honneur » d'aller voir Votre Altesse Sérénissime.

:

>> Je suis, etc.

» Fontainebleau, le 5 avril 1814, onze heures et demie du soir. »

Malgré sa résignation apparente, Napoléon fit traîner en longueur son acte d'abdication; le 6 il demanda du temps jusqu'au 7.

reçue

de

Le 7, il eut un rayon d'espérance, produit par une lettre que Marie-Louise avoit l'empereur d'Autriche, et que cette princesse fit parvenir à Napoléon. Celui-ci se servit de cette lettre qui ne contenoit que des paroles de consolation, dictées par la tendresse paternelle) pour réclamer l'appui de son beau-père, se soumettant à tout ce qu'il voudroit; mais ce prince tui répondit que ces paroles de soumission étoient trop tardives.

Ce fut après cette réponse que Buonaparte, n'ayant plus aucun prétexte de retarder son abdication, en signa l'acte le 11 avril. Son

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traité avec les puissances alliées fut signé le même jour (1).

Mais l'exécution en fut différée pendant dix jours, que Buonaparte mit à profit pour former des réclamations bien différentes de ses anciennes prétentions.

Les provisions de vin du caveau de SaintCloud, quelques livres, quelques meubles, étoient chaque jour l'objet de quelque demande nouvelle. On a dit aussi que ces demandes étoient des prétextes dont il usoit pour différer le moment de son départ, espérant toujours quelque mouvement en sa favëur.

II y eut, dans cet intervalle, différentes scènes qui se passèrent au château. En voici une qui mérite d'être rapportée :

« L'armée, dit un jour jour Buonaparte, » s'est déshonorée, je ne veux plus d'elle. » Elle n'est pas digne que je la commande. Sire, répondit avec une noble fermeté » un officier présent ( le général Dulauloy), » cette armée a combattu pour vous jusqu'au » dernier soupir, et quand elle perd tout, ah! » du moins laissez-lui l'honneur. Je ne parle pas reprit Napoléon, de l'artillerie de la garde.

>>

(1) Voyez ces deux pièces dans la Régence à Blois.

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