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de Charrier-Moissard. La frégate étoit destinée à ramener la garnison française de l'île, et le brick devoit rester à Napoléon.

Après la négociation et l'échange des saluts, qui furent donnés et rendus coup pour coup par les bâtimens anglais et français, M. le comte de Montcabrié se rendit successivement chez le général Dalesme et chez le général Drouot, gouverneur de l'île, qu'il avoit déjà fait prévenir de son arrivée, et de l'objet de sa mission.

Dans la nuit du 25 au 26, arrivée de cinq bâtimens de transport anglais, amenant la garde impériale de Napoléon, composée d'environ mille hommes, grenadiers, chasseurs, artilleurs, lanciers polonais, dix-neuf marins et six mamelucks.

Le 26, à cinq heures du matin, au moment où on lavoit la frégate la Driade, Napoléon y arriva accompagné du grand-maréchal Bertrand, du général Kambrune, commandant de la garde qui venoit d'arriver, de plusieurs autres officiers, et du commandant des transports anglais. En montant à bord, il dit au commandant et aux officiers qu'il n'avoit pas voulu passer devant un bâtiment français sans y entrer. Il en fit le tour sur les gaillards et passavents, adressant diverses questions aux marins qu'il rencontroit, et se retira pour aller à la frégate anglaise, qui le salua

par cinq cris de houra. Il fut salué par tous les autres bâtimens qui se trouvoient dans la rade, excepté par la Driade et par l'Inconstant.

Napoléon présida au débarquement de sa garde et de ses fourgons, qu'il parut fort satisfait de recevoir.

Le dimanche 29 mai, après la messe, il y eut audience publique, après laquelle Napoléon entretint M. de Montcabrié en particulier. Au sortir de l'entretien, ce commandant reçut une invitation pour diner avec Napoléon. A ce dîner se trouvèrent le grand-maréchal Bertrand, le général Dalesme et deux dames de l'ile, Mme et Mlle Vantini.

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C'étoit la fête patronale de la ville qui donna un bal auquel Napoléon assista avec sa cour. Le 1 juin, arrivée de la princesse Pauline, sur la frégate napolitaine la Lætitia, montée par le contre-amiral Lostange.

Le 2, départ de la frégate et de la princesse.

Le 4, tout étant disposé pour le départ de la garnison, le commandant de la Driade donna l'ordre de l'embarquement. Il alla, ainsi que M. de Charrier, en prévenir Napoléon, qui les reçut bien, et après quelques momens d'entretien, les invita à un déjeuner, pendant lequel la conversation continua sur des objets indifférens. Le

déjeûner fini, il leur souhaita un bon voyage, et ils le quittèrent. Il leur fit renouveler ses adieux par le grand-maréchal, au moment où ils alloient mettre à la voile.

Le 26 juin, la garde impériale régala les habitans. Il y eut un bal auquel Napoléon passa trois heures, parcourant la salle, et questionnant les dames comme aux Tuileries.

En sortant du bal, à deux heures du matin, il monta en voiture, et fut se promener à Marciana. Le 2 août, arrivée de Mme Buonaparte mère, avec deux dames' d'honneur et M. Colonne, chambellan.

Le 15 août, la garde vouloit donner une fête; Napoléon voulut y ajouter un bal en le faisant payer par la ville, et envoya au gouverneur la note suivante :

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« Comme je ne suis pas encore assez bien logé » pour donner des fêtes, j'attendrai l'arrivée de l'impératrice ou de la princesse Pauline, qui >> doit avoir lieu dans les premiers jours de sep»tembre, pour faire tirer les feux d'artifice. Je » désire que la commune fasse les frais d'un bal,

>>

qu'elle donnera sur la place publique, où l'on >> construira une salle en bois, et que les officiers » de la garde impériale et ceux du bataillon franc » y soient invités. Aux environs de cette salle,

» on établira des orchestres pour faire danser » les soldats, et on aura soin de disposer quelques » barriques de vin pour qu'ils puissent boire. Je » désire aussi que la commune marie deux » jeunes gens, et qu'elle les dote. Le grand» maréchal et les autorités assisteront à ce ma»riage qui se célébrera à la grand'messe.

La commune donna effectivement un bal sur la place publique, où la mère de Napoléon, Mad. Bertrand, et les deux dames d'honneur, assistèrent. Il y eut en tout une trentaine de dames, et la salle en auroit contenu trois cents. Le bal fut triste, et Napoléon n'y parut pas.

Porto-Ferrajo n'est plus reconnoissable des artistes de toutes les professions s'y sont établis, trois cents maçons y sont arrivés en un mois; les étrangers y affluent de toutes parts, soit par curiosité, soit pour y faire des spéculations. Cette affluence a fait doubler le prix des denrées; les loyers des maisons sont hors de prix. On va construire des pavillons pour loger les officiers, et exhausser les maisons, n'y ayant pas d'autre moyen d'agrandir la ville qui est bornée par la mer et les forteresses.

Un changement auquel on reconnoît le génie de Napoléon, est celui de l'église de l'hôpital, dont il a fait une salle de spectacle; on attendoit

des acteurs pour y débuter le 1er octobre. Les rues ont été réparées et rendues praticables pour les voitures.

Les soldats paroissent peu contens du séjour de cette île.

La vie de Napoléon est très-uniforme: il sort régulièrement tous les matins, à cinq heures. Il va à Saint-Martin ou à Marciana, et rentre sur les dix heures pour déjeûner. Il reste chez lui jusqu'à six heures du soir, et sort ensuite pour faire la même promenade, soit à pied, soit en voiture, accompagné d'un seul officier.

Quand il est à pied, il s'arrête avec le premier venu, et si sa conversation lui plaît, se promène avec lui pendant des heures entières.

Voici, sur ce sujet, un fait qui se passa le lendemain de son arrivée.

A deux heures, il monta à cheval pour aller se promener sur la rade. Un paysan qui l'aperçut, escorté par beaucoup d'Anglais, se persuada que l'île avoit été cédée à l'Angleterre, et prenant Napoléon lui-même pour un commandant envoyé par le roi de la Grande-Bretagne,'il se mit à deux genoux, et dans cette posture fit l'éloge le plus pompeux des Anglais, et se répandit en injures contre Napoléon. Comme il s'exprimoit en italien, les Anglais ne compre

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