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me un point de la plus haute importance, sous le double rapport militaire et politique, de ne pas m'inquiéter des mouvemens que l'ennemi pourrait faire sur la rive gauche de l'Elbe, et m'ordonnait formellement d'exécuter le traité conclu avec le Dannemarck; traité par lequel la France s'obligeait à couvrir le Holstein par vingt mille Français, et prévoyait le cas où, forcé par un ennemi supérieur d'abandonner le pays, on serait obligé de se retirer à Hambourg, Rendsbourg et Gluckstadt, qui devaient à cet effet être mis en état de siége et de défense par les deux puissances respectives.

La position que j'avais prise sur le Stecknitz remplissait ce but et menaçait l'ennemi; je m'occupai à mettre Hambourg en état de nous recevoir dans le cas où les événemens de la guerre me forceraient à y rentrer.

Les ordres de l'empereur étaient d'établir sur ce point un grand système de défense; il considérait Hambourg et Haarbourg comme des têtes de ponts sur l'Elbe, et voulait que la communication fût toujours maintenue sur les îles, et assurée par une citadelle qui devait se construire dans la partie de Hambourg qui touche à l'Elbe; ce qui aurait entraîné la des

truction d'une partie des maisons de la ville. On avait jusqu'alors travaillé sans relâche à l'accomplissement de ce grand projet, et cependant on était encore loin d'avoir atteint le but qu'on s'était proposé. Hambourg et Haarbourg étaient, il est vrai, à l'abri d'un coup de main; mais l'objet de tous les travaux, celui de forcer l'ennemi à ouvrir la tranchée devant la place, n'était pas rempli.

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Le système de défense qui avait été arrêté entraînait avec lui de grands inconvéniens : il fallait convertir en place de guerre une ville riche et populeuse, dont les glacis étaient cou verts de maisons. Il fallait demander aux habitans de nouveaux sacrifices (18); je ne les ai point exigés tant que la lutte nous a été favorable tous les bâtimens que les réglemens militaires condamnaient à la démolition étaient restés intacts, à la proximité même des ouvrages que je faisais élever; mais maintenant toutes les considérations particulières devaient céder aux intérêts que j'étais appelé à défendre; je devais tout sacrifier à l'armée que je commandais et à la France, en lui conservant une place à laquelle l'ennemi attachait la plus grande importance, et qui pouvait avec Magdebourg nous valoir des compensations ou des

moyens de négociations, si l'issue de la guerre nous devenait défavorable.

Les approvisionnemens de Hambourg, qui avaient été calculés pour dix mille hommes, devenaient insuffisans si j'étais forcé de m'y enfermer avec l'armée; je dus par conséquent employer tous les moyens qui étaient à ma disposition pour les compléter. J'y parvins, soit par voie d'achats, soit par voie de requisitions. Dans la position difficile où je me trouvais, les lois de la guerre autorisaient ce dernier moyen, et toutes accusations dirigées à ce sujet contre moi, ne pourraient porter que sur les dilapidations qui auraient été faites au détriment des habitans ou de l'armée. Pour prévenir toutes espèces de malversation, je fis les réglemens les plus sévères; ils furent exactement observés, et je n'ai eu qu'à me louer des soins que s'est donnés l'administration, tant pour la conservation des diverses denrées dont elle était comptable, que pour leurs distributions. Tout ce qui a été répandu à ce sujet, est une insigne calomnie.

Les habitans avaient négligé de s'approvisionner, malgré la publication du décret du 18 juin (19) qui déclarait Hambourg en état de siége. J'ordonnai en conséquence, le 16 oc

tobre (20), au gouverneur, de leur faire savoir par le maire, le préfet, et les commandans de quartiers, que l'état de siége leur imposait l'obligation de s'approvisionner jusqu'à la récolte, c'est-à-dire jusqu'au mois de juillet 1814, s'ils ne voulaient pas s'exposer a être renvoyés de la ville; et afin de ne laisser à cet égard aucuns doutes sur mes dispositions, je prescrivis le 9 novembre, à M. le gouverneur (21), de donner à mes ordres la plus grande publicité.

J'appris bientôt par les bulletins de l'ennemi, les événements de Leipzig, et je fus aussi informé que l'armée du nord, commandée par le prince royal de Suède, composée du corps suédois, de celui de Bulow, et de plusieurs divisions russes, se portait sur le Weser et sur Hambourg, et que le 2 novembre le prince de Suède avait son quartier-général à Goettingen. Je me trouvais donc entièrement isolé de l'armée française, et sans nouvelles de l'empereur. Mes regards se tournèrent alors vers ma patrie; mais la position que l'ennemi occupait, avec des forces supérieures, me mettait dans l'impossibilité de rien entreprendre pour me rapprocher du Rhin, quand bien même, au mépris des ordres de l'empereur, et du traité conclu avec le Danemarck, j'eusse

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voulu abandonner Hambourg; le seul parti que j'avais à prendre pour conserver le corps d'armée à la France, et pour suivre mes instructions, était donc de faire de Hambourg une place respectable, et j'y travaillai dès-lors avec une nouvelle activité.

Le 11 novembre, je reçus du général Carra Saint-Cyr, au moment où il était forcé d'abandonner Munster, à une division russe qui devait l'occuper le même jour, un billet chiffré ainsi conçu :

Munster, le 5 novembre.

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<< Monsieur le Maréchal, l'intention de l'Em» pereur, par ses ordres de Mayence, le 1o no>>vembre, est que vous laissiez une bonne >> garnison à Hambourg, et que vous vous >> rapprochiez de la Hollande, ou, s'il n'était » plus temps de faire ce mouvement, de ma» nœuvrer sur Hambourg. (Cette phrase est suivie de treize chiffres, dont il a été impossible de deviner la signification, et qui, par le sens naturel du billet, ne pouvaient signifier autre chose que sur les deux rives.)

» Je suis convenu que le porteur recevra >> trente frédérics de Votre Excellence, s'il rem>>plit bien sa mission.

» Le général de division,

» Signé CARRA-SAINT-CYR. >>

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