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Il n'était plus temps d'exécuter ces ordres; j'avais déjà reconnu l'impossibilité de me rapprocher de la France avec le corps d'armée réuni; j'y devais renoncer à plus forte raison avec l'obligation de laisser à Hambourg une bonne garnison, qui, dans l'état où était la place alors, pouvait se regarder comme sacrifiée.

Le prince de Suède se décida à m'attaquer sur la Stecknitz, dont la position n'était plus tenable depuis que les gelées avaient rendu pratiquables les marais qui en faisaient la force. Je ne voulus pas compromettre dans une lutte désavantageuse le sort de Hambourg et de l'armée, et j'ordonnai d'abandonner le camp retranché de la Stecknitz. Le corps danois se retira sur Rendsbourg, et le corps français sur Hambourg, mouvement qui avait été prévu, en cas de revers, par mes instructions et le traité avec le Danemarck.

Me voilà livré maintenant à mes propres forces, en présence d'une armée nombreuse, et réduit à la défense d'une place du plus vaste système : c'est à Hambourg, dans une ville à peine transformée en place de guerre, sans établissemens militaires, sans casernes, sans hôpitaux, sans magasins qui fussent à l'abri de

la bombe, et au milieu d'une population inquiète, et trois fois plus nombreuse que nous, que je suis appelé, par les événemens de la guerre, à soutenir une lutte dont l'objet est de gagner du temps, d'en imposer à l'ennemi, de l'obliger à réunir beaucoup de troupes, et enfin de le forcer à faire un siége dans toutes les règles. Voilà le but que j'ai voulu atteindre; tout a dû céder à cet important objet, l'honneur, la patrie m'imposaient de sévères lois. L'ennemi dans ses proclamations (22, 23, 24) excitait à l'insurrection les habitans, leur promettait de prompts secours, et les engageait à seconder par leurs efforts, dans l'intérieur, les attaques qui seraient faites sur la ville. Je sentis que de pareils conseils ne pouvaient produire que trop d'effets sur une population de plus de 80,000 ames, exaspérée par ses propres malheurs, enhardie par les revers que l'armée française avait éprouvés, et qui s'énorgueillissait encore d'avoir été la première à donner à l'Allemagne le signal de ce grand mouvement qui se fomentait depuis long-temps dans ce pays.

Il était de mon devoir de diminuer une population qui aurait pu devenir redoutable après quelques mois de siége, et je fis meltre

à exécution l'ordre publié antérieurement, de faire sortir de Hambourg les étrangers (18), les gens sans aveu et les habitans qui n'avaient pas fait leur approvisionnement, les termes de rigueur étant déjà expirés: ces mesures ont dû nécessairement beaucoup irriter ceux sur qui elles portaient; mais je n'avais pas à balancer, l'ennemi avait lui-même, par ses proclamations, tracé la conduite que je devais tenir.

Les motifs qui avaient dicté des mesures aussi sévères, m'obligèrent peu de temps après à défendre l'introduction des bulletins ennemis et de toutes espèces de journaux.

Je sais que pour donner à ma conduite une couleur odieuse, on a répandu dans le public, et annoncé dans les journaux étrangers, que les moindres fautes à Hambourg étaient punies de la peine capitale, et que cinq des plus riches négocians de la ville avaient été passés par les armes pour avoir fait connaître à la garnison les événemens survenus en France; ces accusations ont un tel caractère de fausseté, que je devrais laisser au temps seul le soin de les détruire; mais cette justice est trop tardive, et l'inculpation est trop publique pour que je puisse plus long-temps contenir mon indignation. J'en appelle dès ce mo

ment au témoignage de toute l'armée et des habitans de Hambourg! Qu'ils disent si ma rentrée dans leurs murs a été signalée par des exécutions; si aucun habitant a payé de sa vie, de sa liberté même, ses opinions, ses discours, ses écrits ou ses actions politiques, et si un seul homme a subi la peine capitale, à l'exception d'un employé français convaincu de malversations très-criminelles dans un hôpital dont il était l'économe, et de onze embaucheurs ou espions, tous gens sans aveu, pris en flagrant délit, convaincus et jugés à des époques différentes?

Je provoque ici le témoignage des Hambourgeois; qu'ils citent, qu'ils nomment les individus innocens qui ont été victimes : j'ai été sévère, il est vrai, mais d'une sévérité de paroles qu'il entrait dans mon système d'affecter dans tous les pays où j'ai commandé, et dont j'ai laissé croître le bruit, bien loin de chercher à le détruire, pour m'épargner la pénible obligation de faire des exemples.

Le général comte Beningsen, à son arrivée à Bergedorf avec son corps d'armée, annonçait (22) qu'il livrerait bientôt les Français à la vengeance des Hambourgeois, et désignait l'époque où il serait maître d'une place qu'on

avait à peine eu le temps de mettre à l'abri d'un coup de main. Je ne répondis à ses proclamations qu'en me mettant à même de déjouer ses projets : nous sommes assez connus l'un et l'autre pour qu'un jour notre conduite et nos caractères soient appréciés à leur juste valeur.

Les maisons dont j'avais retardé la démolition auraient pu favoriser cette attaque de vive force; et je vis que le seul moyen de la faire échouer était d'isoler à quelque prix quc ce fût, non-seulement le corps de la place, mais encore les ouvrages dont j'avais en dernier lieu ordonné la construction (1).

Le point le plus important, sous ce rapport, était sans contredit le front qui regarde la ville d'Altona, tant par la disposition des ouvrages qui ne contrebattent les attaques que par le feu de deux bastions, que par sa position rapprochée du faubourg de Hambourg, dit le Hamburgerberg, qui donnait à l'ennemi la facilité de nous attaquer à l'improviste par des colonnes qui se seraient formées en silence,

(1) En effet, l'ennemi fit deux attaques de vive-force les 9 et 17 février; il y perdit 5000 hommes, ce qui le rendit plus circonspect.

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