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bourg, le 5 mai, sont des preuves irrécusables: Cependant je ne me bornerai pas à ces seuls faits, et j'ajouterai, pour dernière preuve, copie de la correspondance qui a eu lieu avec le général ennemi. C'est par la suite et la liaison des événemens, que Votre Majesté pourra juger de ma conduite, et reconnaître, j'ose le dire, la sagesse et les sentimens d'honneur qui l'ont dirigée.

Il est nécessaire ici de reprendre les choses de plus haut.

Je sentais bien que le but que j'avais à remplir devait se borner à maintenir devant Hambourg une forte armée de blocus; et que, dans la position où je me trouvais, toute sortie m'eût été plus funeste qu'à l'ennemi, qui pouvait facilement réparer ses pertes. Je me tins pendant l'hiver sur la défensive, et je dédaignai de profiter de tout avantage, qui, dans l'éloignement où je me trouvais de la France, n'aurait eu pour résultat qu'une gloire inutile. Ce ne fut que dans les derniers jours de mars que le manque de fourrages et le désir de conserver à la France une artillerie et une cavalerie superbes, me décidèrent à tenter une expédition du côté de Haarbourg.

La garnison de Hambourg avait été telle

inent affaiblie par les maladies et les fatigues, que plus de la moitié de l'armée était dans les hôpitaux ou en convalescence; le développement du système de défense sur la rive droite était tel, qu'en n'y laissant que le monde indispensable, je ne pus disposer que de deux mille hommes d'infanterie et douze cents chevaux pour l'expédition projetée.

Après quelques combats où nous eûmes l'avantage, je fis enlever dans un rayon de trois lieues des fourrages suffisans pour nourrir tous les chevaux jusqu'à la récolte.

Sur ces entrefaites, l'ennemi, informé des grands événemens qui se passaient en France, renouvella avec plus de suite et par de nouveaux moyens de séduction cette guerre sourde de fausses nouvelles et de bulletins mensongers, qu'il faisait circuler à nos avant-postes et introduisait dans la ville. C'est par ce moyen, et à la faveur de la cocarde aux couleurs de la maison d'Orange, qu'il parvint à mettre la désertion parmi les Hollandais, et détermina neuf officiers de cette nation à abandonner leurs drapeaux le même jour et ensemble; je prescrivis alors à tous les commandans des ouvrages avancés de se tenir en garde contre les ruses de l'ennemi, et je donnai l'ordre de tirer à l'avenir sur tous ceux

qui dépasseraient la ligne des avant-postes, sous quelque prétexte que ce fût, à moins qu'ils ne se présentassent avec les formes usitées pour les parlementaires.

Le 15 avril, M. Aubert, lieutenant-colonel danois, par l'entremise duquel avait eu lieu le peu de communications qui ont existé entre le général ennemi et moi, me fit prévenir qu'il avait à me remettre une lettre de M. le général comte Beningsen, qu'il était muni de pleins pouvoirs pour conclure un armistice, et qu'il demandait à être entendu sur l'objet de sa mission (39).

Comme il n'était pas question d'opérations militaires, et que l'ouverture du colonel Aubert paraissait faire croire à un rapprochement entre les troupes françaises et alliées en France, je m'imposai dès ce moment l'obligation de réunir les généraux de divisions et le chef d'état-major de l'armée, autant pour m'éclairer de leurs avis dans la circonstance délicate dans laquelle il paraissait que nous allions nous trouver, que pour donner plus d'authenticité aux correspondances qui auraient lieu et de garantie au parti que nous devions prendre : j'acceptai la lettre qu'il m'avait

annoncée.

La lettre par laquelle le général Beningsen m'annonçait que le Sénat avait reconnu la dynastie des Bourbons, et me demandait de lui faire connaître mes dispositions, en me promettant de la modération et de l'humanité (40), n'était bâsée que sur des pièces qui n'étaient pas officielles, même pour lui, puisqu'elles ne lui étaient pas transmises par des généraux russes ou alliés, qu'elles étaient seulement de ces feuilles volantes et anonymes imprimées à la hâte sans date, sans aucun caractère d'authenticité, et de l'espèce de celles dont l'ennemi nous avait inondé tout l'hiver, et dont nous avions si souvent reconnu la fausseté.

Comme elles annonçaient aussi de grands avantages remportés par les puissances alliées, et la prise de Paris, je répondis au général comte Beningsen (41), que la lecture des pièces qu'il nous avait adressées comme étant officielles, ne nous avait offert aucun caractère d'authenticité, et qu'au surplus un homme d'honneur ne se pouvait croire délié de son serment de fidélité, par la seule raison que son souverain aurait éprouvé des revers. Toutefois ne voulant rien négliger pour nous instruire du véritable état des choses, il fut convenu que M. le général comte Loison, le plus ancien

des généraux de division, et le chef d'étatmajor de l'armée, M. le général César de la Ville, se rendraient à la conférence que M. le colonel Aubert avait sollicitée.

Il y fut question d'envoyer un officier en France pour s'assurer de la vérité, attendu que M. le colonel Aubert convenait n'avoir aucuns renseignemens plus positifs que les pièces qui nous avaient été transmises, et qui, de son propre aveu, n'avaient pas un tel carac tère d'authenticité, qu'elles dussent servir de règle de conduite à des gens d'honneur. Ces généraux, d'après mes instructions, établirent en principe, que dans le cas d'abdication de l'empereur, ou de la déchéance légale, l'armée reconnaissait le nouveau gouvernement, et que l'officier envoyé en France prendrait les ordres de l'autorité supérieure.

Dans cette conférence il ne fut question en aucune manière de ce qui regardait le sort de la place. Ce fut donc à notre grande surprise que M. Aubert nous annonça le lendemain (42), que le général comte Beningsen demandait une nouvelle conférence, et voulait nous imposer des conditions avant de consentir au départ de l'officier français. Cette conduite étrange ne fit qu'accroître nos soupçons; car

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