Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

les journaux qui m'y étaient annoncés n'allaient que jusqu'à la date du 5 avril inclusi

vement.

« MONSIEUR LE MARÉCHAL,

« Le Gouvernement provisoire vous envoie » la relation la plus fidèle des événemens qui » se sont passés depuis plusieurs jours, car >> maintenant la vérité est le seul langage que » l'autorité ait besoin d'employer; vous ver>> rez, monsieur le Maréchal, combien d'hom>> mes considérables dans l'armée ont réuni >> leurs efforts à la cause pure et glorieuse à >> laquelle nous nous dévouons: le maréchal » Marmont, dans l'armée; au Sénat, les maré>> chaux Kellermann et Serrurier; les généraux >> Legrand, Dupont, Dessoles, Nansouty, etc. >> etc. ont dévancé les autres comme étant plus » près des événemens : mais votre gloire, mon» sieur le Maréchal, votre amour pour la pa>>trie, votre généreuse ardeur pour le repos » de la France, nous répondent de vos senti>> mens en nous les faisant connaître et vous >> réunissant à nous, vous procurerez au Gou» vernement une joie qui sera sentie par tous >> les bons français.

1

>> Recevez, monsieur le Maréchal, les assu>>rances de notre haute considération.

Paris, le 5 avril 1814.

» Signé, le prince DE BÉNÉVENT, François >> JAUCOURT, l'abbé DE MONTESQUIOU, le duc » D'ALBERT, le général BEURNONVILLE.

>> Par le Gouvernement provisoire,
» Signé, DUPONT-DE-NEMOURS

Secrétaire-général.

Cette lettre, comme l'on voit, ne parle point du rétablissement de la famille des Bourbons, et les Moniteurs qui l'accompagnaient ne pouvaient pas même le faire préjuger, puisqu'ils annonçaient seulement que le 1er avril, le Sénat avait créé un Gouvernement provisoire; que le 3 avril, il avait déclaré la déchéance de Napoléon et délié le peuple et l'armée du serment de fidélité envers lui; bien plus, il y était dit qu'un journal ayant invité à se faire inscrire pour entrer dans la garde royale, le Gouvernement provisoire avait déclaré qu'il ne reconnaissait d'autre garde que la garde nationale. Enfin, on y affirmait qu'une proclamation qui avait pour titre Louis XVIII aux Français, n'avait aucun caractère d'authenticité.

Nous apportâmes, dans l'examen des lettres et des journaux, la plus scrupuleuse attention. Loin de la patrie, et recevant par la voie des Russes l'invitation d'un Gouvernement établi dans une ville occupée par les armées des puissances confédérées, avec lesquelles il n'existait encore aucun traité, nous avons dû avoir des craintes sur la liberté de ses déterminations. Pouvions-nous prévoir qu'au moment où la France commençait à jouir de la paix, on abandonnerait vingt-cinq mille français aux hasards de la guerre? et que, connaissant la sévérité de nos réglemens (46) sur la défense des places, on n'emploierait pas tous les moyens propres à ne me laisser aucuns doutes. Ma réponse du 22. à M. le comte de Beningsen (47), est la conséquence de ces considérations: je persistai à demander itérativement l'envoi d'un officier, pour s'assurer de l'abdication de l'empereur, et prêter serment de fidélité au Gouvernement qui aurait été légalement institué.

Mais M. le colonel Aubert m'annonça que le général Beningsen (48) ne m'accorderait de passeport pour l'officier que je voulais envoyer en France, qu'après une nouvelle entrevue des généraux russes et français, et la remise de tous les prisonniers faits à l'armée de blocus.

Dans la conférence qui eut lieu le 25, il fut convenu entre autres articles qu'on accorderait des passeports au général qui serait désigné, et qu'il se mettrait en route le lendemain. Je demandai le 26 (49) que le passeport pour le général Delcambre, qui avait été choisi pour aller à Paris, me fût envoyé sans délai, et que, pour éviter toute fausse interprétation et toute discussion, on mît par écrit les arrangemens verbaux qui avaient été conclus

en mon nom.

Je fis connaître à l'armée, par l'ordre du jour du 26 avril (50), la mission du général Delcambre.

Le général Oppermann, chef d'état-major de l'armée russe, au lieu d'envoyer simplement les passeports, ainsi que cela avait été convenu, soumit d'abord à mon approbation un projet d'arrangement (51), dans lequel les conditions arrêtées verbalement le matin étaient dénaturées; on n'y parlait pas de nous rendre nos prisonniers, quoique le général Lallemand qui avait suivi le sort des danois, avec quelques troupes appartenant au treizième corps, eût été retenu dans le Holstein: on y mettait une condition injuste, l'occupation par les troupes russes de la ville d'Altona.

Cette dernière condition, qui aurait donné à l'ennemi la facilité de réunir dans cette ville, et d'y tenir cachée à portée de canon de Hambourg, une grande partie de son armée, était trop contraire aux intérêts de la place, et trop humiliante pour l'armée qui l'aurait cédée sans combattre, pour n'être pas refusée d'une voix unanime.

L'attaque que l'ennemi a faite le lendemain sur Haarbourg avec ses chaloupes canonnières, et l'infanterie qui les soutenait, a prouvé combien il est dangereux à la guerre de ne pas marcher avec circonspection, et de s'en reposer sur les assurances de l'ennemi, puisqu'au mépris des arrangemens qui se traitaient, il commettait des actes d'hostilité.

La modération que j'avais prise pour base de ma conduite me décida à me borner, pour toute réponse, à envoyer au comte Beningsen un nouveau projet bâsé sur ce qui avait été positivement convenu dans la conférence avec le général Oppermann (52). Je faisais connaître en outre que, dans le cas même où cet arrangement ne serait pas approuvé, je persistais à demander des passeports pour M. le général

Delcambre.

Je reçus enfin l'avis, au milieu des contra

« PreviousContinue »