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dont j'étais revêtu. Je n'ai point abusé, Sire, du pouvoir qui m'a été confié; aucun des actes de mon gouvernement, dans la trente-deuxième division militaire, ne peut être taxé d'arbitraire; tous ont été dictés par des ordres ou décrets dont j'ai les originaux entre les mains, et dont je mets les copies sous les yeux de Votre Majesté.

J'ai pu, dans les grands commandemens dont j'ai été chargé, froisser des intérêts particuliers, mais jamais, de mon fait, ni de mon propre mouvement, je n'ai rendu odieux le nom français; et, dans les circonstances difficiles où je me suis trouvé, j'ai toujours eu pour guides, l'honneur, la patrie et l'intérêt de l'armée.

Une grande responsabilité a pesé sur moi; j'aurais pu rejeter sur le gouvernement la sévérité des mesures dont je n'étais que l'exécu teur; mais j'ai gardé le silence, par devoir et par respect pour l'autorité souveraine, à laquelle cette déférence me paraît due: tels sont les principes que j'ai toujours professés.

Cependant, Sire, je dois à la France, à l'armée, à moi-même, de me laver d'une inculpation qui pourrait ternir un nom attaché à quelques glorieux souvenirs.

Je réclame une justice éclatante; je demande avec confiance que ma conduite soit examinée par les Maréchaux que Votre Ma jesté voudra bien désigner.

Le ministre de la guerre m'a annoncé (1) que Votre Majesté avait reçu des plaintes graves sur le commandement que j'ai exercé à Hambourg, et m'a ordonné, de sa part, de më justifier sur les inculpations qui me sont faites. Les principales sont :

1o. D'avoir fait tirer le canon sur le drapeau blanc, après avoir eu la connaissance certaine du rétablissement du trône des Bourbons.

2°. D'avoir enlevé les fonds de la banque de Hambourg.

3. Et d'avoir commis des actes arbitraires qui tendaient à rendre odieux le nom français.

Cette dernière inculpation est tellement vague puisqu'elle ne précise aucun fait, qu'il me suffira pour la détruire, de présenter le récit fidèle de mes opérations depuis ma rentrée à Hambourg, jusqu'au moment où j'ai reçu l'ordre de remettre à M. le général de division comte Gérard, le commandement de l'armée. Ce simple exposé, appuyé de pièces justificatives, prouvera que je n'ai pris aucune mesure

qui ne fût commandée par un ordre précis ou par l'urgence des circonstances, et répondra aussi aux deux inculpations qui ont pour objet le drapeau blanc et la banque de Hambourg.

Le 16 avril 1813, je reçus du prince Eugène, commandant l'armée française en Allemagne, l'ordre de me rendre à Bremen, pour y prendre le commandement en chef de la trente-deuxième division militaire, et celui de l'armée destinée à agir sur Hambourg. Le prince me fit connaître (2) que l'empereur me donnait tous les pouvoirs, et me chargeait de mettre à exécution le décret du 10 avril (3) qui suspend le régime constitutionnel dans les départemens de la trente-deuxième division militaire; charge spécialement le général en chef du rétablissement de l'ordre et de la tranquillité publique ; lui donne l'exercice de la haute police, et la faculté de faire les réglemens qu'il jugerait nécessaires, avec application des peines portées au Code pénal; l'autorise à imposer des contributions extraordinaires, par forme de peine, sur les villes et communes, arrondissemens ou départemens, et à prendre au besoin, les mesures usitées en pays ennemi, pour assurer la rentrée de ces contributions;

prendre des otages et toute autre mesure autorisée par la guerre.

La sévérité de ce décret était alors nécessitée par les mouvemens qui troublaient la trentedeuxième division militaire. L'insurrection qui s'était manifestée à Hambourg quelques mois avant, et l'approche de l'ennemi, avaient forcé la faible garnison qui occupait cette ville à repasser l'Elbe. Les habitans étaient excités au soulèvement par des partis qui parcouraient le pays. Les forts mal gardés étaient tombés au pouvoir des insurgés, et des soldats français avaient péri victimes de la fureur du peuple.

Le 11 mai, je reçus par duplicata, du majorgénéral prince de Neuchâtel, deux lettres chiffrées (4), dont la première datée de Waldeim, le 7 mai; la seconde de Nossen, le 8, me prescrivaient de me porter sur Hambourg, de m'emparer de cette place, et me traçaient la conduite que je devais y tenir.

Mes instructions m'ordonnaient expressément, entr'autres dispositions, de mettre une contribution de cinquante millions sur les villes de Hambourg et de Lubeck; de prendre des mesures pour la répartition et le prompt

paiement de cette somme, et de faire de Hambourg une place forte.

Le Danemarck s'étant rattaché au système de l'empereur Napoléon, et quelques combats nous ayant rendus maîtres de Haarbourg et des îles, le général ennemi qui avait commencé à fortifier Hambourg, enrégimenté une partie de la population, abandonna la place à la hâte, et la livra sans capitulation à la discrétion du vainqueur.

A ma rentrée dans cette ville, j'établis le gouvernement prescrit par le décret du 10 avril ; je commençai par mettre à exécution la partie de mes instructions qui devait faire de Hambourg une place, forte et celle qui devait, par une contribution, assurer à l'armée de grandes ressources; quant aux mesures plus sévères, je pris sur moi la responsabilité de leur non exécution : je commandais depuis long-temps en Allemagne, et je connaissais l'esprit de ces peuples; je ne fis arrêter ni juger personne pour cause d'opinions ou de faits politiques; je défendis les vengeances particulières, j'empêchai même qu'on recherchât ceux qui, dans le tumulte de l'insurrection, s'étaient emparés des propriétés appartenantes à des administrateurs et militaires français.

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