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en statuant que les engagistes qui auraient abattu les bois de haute futaie, nonobstant la défense qui leur avait été faite, ou qui auraient avancé les coupes des taillis, ruiné ou dégradé d'une manière quelconque les forêts et bois du domaine seraient tenus, outre la restitution de la valeur, suivant la juste estimation, de payer les dommages et intérêts.

L'estimation, dans ce cas, devait être faite, selon la plus haute valeur à laquelle les bois auraient pu monter, s'ils n'avaient point été coupés avant le temps. Les reventes de domaines faites depuis la coupe ou la dégradation desdits bois ne pouvaient empêcher les recherches et la restitution au profit de l'état.

La restitution devait même s'étendre aux coupes des taillis recrus sur les bois de haute futaie, indûment coupés; elle devait avoir lieu d'après le plus haut prix que les taillis avaient été vendus pendant le temps de la jouissance des engagistes.

La célèbre ordonnance du mois d'août 1669, sur les eaux et forêts, confirma ces mesures, par son titre 22, consacré aux eaux, forêts, bois et garennes tenus à titre de douaire, concession, engagement et usufruit. Entre autres dispositions, ce titre contient un article 5 ainsi conçu : « Les douairiers, donataires, usufruitiers et engagistes ne pourront disposer d'aucune futaie, arbres anciens, modernes ou baliveaux sur taillis, même de l'âge du bois réservé aux dernières ventes, ni des chablis, arbres de délit, amendes, restitutions, confiscations en provenant; mais le tout demeurera entièrement à notre profit et sera payé au receveur de nos domaines ou de nos bois, és lieux

où nous en avons établi pour nous en compter......... » 316.- Un édit d'octobre 1711 régla qu'à l'avenir, lorsqu'il s'agirait de faire l'estimation et l'évaluation des domaines de l'état, soit de ceux qui seraient donnés en apanage ou qui seraient assignés pour la dot ou le douaire des reines, soit de ceux qui seraient échangés contre des terres et seigneuries des sujets du roi, il y serait procédé par des commissaires nommés et députés par lettres-patentes, et que les procès-verbaux d'évaluation qui seraient dressés par ces commissaires seraient rapportés au conseil, pour y être examinés et confirmés par d'autres lettres-patentes, qui seraient enregistrées en la cour des comptes.

Précédemment, les évaluations étaient faites par des commissaires particuliers du conseil, ou par des commissaires que les chambres des comptes nommaient et choisissaient de leur autorité.

317. Sous Louis XV, la chute du système financier de Law amena une telle pénurie dans les finances qu'il ne fut plus possible de songer à des réunions au domaine, dont la première condition eût été un remboursement qu'on était hors d'état d'effectuer. On prit donc une voie toute opposée; on imagina d'engager les biens du domaine à de nouveaux concessionnaires, qui rembourseraient les finances dues aux anciens et qui serviraient en outre une rente à l'état. Les nouveaux engagemens ne se devaient faire que sous la stipulation de la faculté de rachat perpétuel, au profit de l'état. Mais on garantissait aux nouveaux engagistes que, en cas de réunion des domaines, ils demeureraient dé

T. II.

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gagés du paiement de leurs rentes, à partir du jour de leur dépossession, laquelle ne pourrait être faite qu'en les remboursant, en un seul paiement, des finances qu'ils auraient payées aux anciens engagistes.

Ces nouvelles dispositions furent établies par les arrêts du conseil des 13 mai et 20 juin 1724.

D'après cela, on a dit quelquefois que, à partir de cette époque, les engagemens avaient entièrement cessé d'avoir lieu avec finances et deniers d'entrée. On voit comment cette proposition doit s'entendre. Les remboursemens faits par les nouveaux engagistes dépossédés n'étaient-ils pas de véritables finances d'engagement, dont l'article du réglement du 13 mai ordonnait la restitution en cas d'éviction?

Du reste, il faut dire que si quelques engagemens eurent lieu effectivement selon les arrêts de 1724, le nombre n'en fut pas considérable.

318.- Un arrêt du conseil du 16 juin 1771 eut principalement pour objet de révoquer les aliénations précédemment faites aux engagistes des domaines des droits casuels et de mutation; il en défendit l'aliénation pour l'avenir, et voulut que les engagistes, qui continueraient à en jouir, fussent contraints à restitution et au paiement de l'amende du triple desdits droits.

319.Le 14 janvier 1781, un arrêt du conseil d'état de Louis XVI offrit une sorte de transaction aux engagistes. Il avait pour objet

er

De forcer les engagistes à rapporter, avant le 1 janvier 1782, à l'administrateur général des finances, les titres en vertu desquels ils jouissaient,

les quittances des finances, et une déclaration contenant, en détail, les objets par eux possédés, revenus, etc. (art. 1o);

D'accorder aux détenteurs la faculté d'obtenir confirmation dans leur jouissance, sur l'offre d'une rente ou supplément de rente d'engagement (art. 4); De confirmer, pendant la durée du règne, les engagistes ou autres détenteurs qui se seraient soumis aux dispositions dudit arrêt (art. 9);

De réserver au roi la faculté de réunir à son domaine, en remboursant préalablement les finances d'engagement, les portions de terrain enclavées dans les forêts, ou qui y étaient contiguës et à la proximité des maisons royales, même les petites portions démembrées du corps du domaine, qui y étaient tellement enclavées qu'elles nuisaient à son exploitation (art. 10);

Enfin d'étendre la confirmation aux détenteurs sans titres, avec remise des fruits du passé, s'ils se conformaient aux dispositions précédentes (art. 12).

Telle est la législation antérieure à 1789 relativement aux domaines engagés ou échangés. Avant de passer à l'examen d'une seconde période, il est bon de résumer cette première partie.

320. 1789

De ce qui précède il résulte qu'avant

1o Le domaine de l'état était inaliénable et imprescriptible;

2o Que les aliénations de ce domaine, faites depuis l'édit de 1566, n'avaient été faites que sous la réserve du rachat et ne constituaient qu'un engage

ment ou un titre précaire, toujours révocable, en remboursant les finances des détenteurs avec les frais et loyaux coûts;

3o Que, par des considérations d'utilité publique, les petits domaines ou édifices particuliers, susceptibles de réparations, et les terres vaines et vagues, ont pu être aliénés à titre d'inféodation et de propriété incommutable;

4° Que les aliénations du domaine par la voie de l'échange étaient également irrévocables, lorsque les formalités prescrites par les lois avaient été observées.

Enfin il est des auteurs qui établissent un cinquième principe, savoir: que les règles du droit civil ou du droit public intérieur ne peuvent être appliquées aux échanges qui se sont faits avec des princes étrangers, ou même avec leurs sujets, attendu que ces échanges ne peuvent être régis que par les principes du droit international.

Les personnes qui posent ce principe font remarquer que l'édit de 1711 ne trace des règles que pour les échanges du domaine contre des terres et seigneuries des sujets du roi. (V. ci-dessus p. 17.) Ils s'arment aussi d'une loi du 21 septembre 1791, qui, par respect pour la foi des traités, déclara qu'il n'y avait lieu à délibérer sur la demande de la révocation des concessions faites, en France, au prince de Monaco, en exécution du traité conclu à Péronne, le 14 septembre 1741, et qu'il y avait même lieu à indemnité en faveur du prince de Monaco, à cause de la suppression des droits féodaux, de justice, de péage dépendant des concessions.

« Car, disait le rapporteur, au nom des comités

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