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bienfaits, on ne pouvait former qu'un seul vou, et ce vœu a été exprimé.

>> L'Assemblée n'a pas négligé de peser avec la plus mûre attention les vues ultérieures que votre profonde sagesse lui avait indiquées; mais quoiqu'elles fussent éminemment importantes, et parfaitement d'accord avec nos plus chers intérêts il ne fut pas difficile de se convaincre que les choses n'étaient pas encore assez mûres pour atteindre à ce dernier degré d'indépendance politique. Il est dans l'ordre naturel des choses que la république italienne se ressente pendant un temps en ore de la condition de tous les états nouvellement formés; le moindre nuage qui s'élève sur l'horizon doit nécessairement provoquer ses sollicitudes et exciter ses alarmes, et dans cette situation où trouver un meilleur gage de sa tranquillité et de son bonheur, où retrouver une garantie plus solennelle de sa consolidation et de son existence? Sire, vous en êtes encore une condition nécessaire.

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» Il n'appartient qu'aux conseils de votre haute sagesse d'en signaler le terme pour désarmer toute jalousie extérieure; il n'appartenait qu'à la modération la plus généreuse de consentir à retrouver ce terme précisément dans celui de nos dangers. L'Assemblée, pénétrée de toutes les preuves de votre intérêt, qui ont marqué les communications précédentes, s'y est livrée avec cette pleine confiance qui vous était due, dernier vœu et sa dernière prière vous demandent des constitutions où soient consacrés ces principes que vous avez déjà proclamés, que réclame l'éternelle raison, et sans lesquels le sort des nations serait abandonné aux passions des hommes.

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Daignez, Sire, accepter, daignez combler le vœu de l'Assemblée que j'ai eu l'honneur de présider! Interprète de tous les sentimens qui animent le cœur des citoyens italiens, elle vous en apporte dans ce vœu l'hommage le plus sincère : elle leur rapportera avec joie qu'en l'acceptant vous avez redoublé la force des liens qui vous lient à la conservation, à la défense, à la prospérité de la nation italienne.

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Oui, Sire, vous voulûtes que la république italienne existât, et elle a existé. Veuillez que la monarchie italienne soit heureuse, et elle le sera. »

M. Melzi fait lecture d'une délibération de la Consulte d'état du 15 mars 1805, signée de tous ses membres, et portant entr'autres vœux et dispositions : « 1° que le moment est arrivé de donner la » dernière main aux institutions dont les bases ont été posées à » Lyon, et à cet effet de déclarer le gouvernement de la république

italienne monarchique héréditaire, suivant les mêmes principes » que ceux qui constituent le gouvernement de l'Empire français; 2° que l'empereur Napoléon, fondateur de la république italienne, soit déclaré roi d'Italie; 3o que le trone d'Italie soit héréditaire » de mâle en mâle, dans sa descendance directe et légitime, natuvrelle ou adoptive, à l'exclusion perpétuelle des femmes, etc. ; 4° que l'empereur Napoléon soit prié de se rendre à Milan pour y » prendre la couronne, et donner au royaume une constitution » définitive qui garantisse au peuple sa religion, l'intégrité de son » territoire, l'égalité des droits, la liberté politique et civile, l'ir» révocabilité des ventes des propriétés nationales, etc., etc. »

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RÉPONSE de l'empereur.

Depuis le moment où nous parûmes pour la première fois dans vos contrées, nous avons toujours eu la pensée de créer indépendante et libre la nation italienne: nous avons poursuivi ce grand objet au milieu des incertitudes des événemens. Nous formâmes d'abord les peuples de la rive droite du Pô en république cispadane, et ceux de la rive gauche en république transpadane.

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Depuis de plus heureuses circonstances nous permirent de réunir ces états, et d'en former la république cisalpine.

» Au milieu des soins de toute espèce qui nous occupaient alors, nos peuples d'Italie furent touchés de l'intérêt que nous portions à tout ce qui pouvait assurer leur prospérité et leur bonheur; et lorsque quelques années après nous apprîmes au bord du Nil que notre ouvrage était renversé, nous fûmes sensibles aux malheurs auxquels vous étiez en proie. Grâce à l'invincible courage de nos armées, nous parûmes dans Milan lorsque nos peuples d'Italie nous croyaient encore sur les bords de la mer Rouge.

» Notre première volonté, encore tout couvert du sang et de la poussière des batailles', fut la réorganisation de la patrie italienne.

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Les statuts de Lyon remirent la souveraineté entre les maius de la Consulte et des collèges, où nous avions réuni les différens élémens qui constituent les nations.

>> Vous crûtes alors nécessaire à vos intérêts que nous fussions le chef de votre gouvernement; et aujourd'hui, persistant dans la même pensée, vous voulez que nous soyons le premier de vos rois. La séparation des couronnes de France et d'Italie, qui peut être utile pour assurer l'indépendance de vos descendans, serait dans ce moment funeste à votre exis

tence et à votre tranquillité. Je la garderai cette couronne, mais seulement tout le temps que vos intérêts l'exigeront ; et je verrai avec plaisir arriver le moment où je pourrai la placer sur une plus jeune tête, qui, animée de mon esprit, continue mon ouvrage, et soit toujours prête à sacrifier sa personne et ses intérêts à la sûreté et au bonheur du peuple sur lequel la Providence, les constitutions du royaume et ma volonté l'auront appelé à régner. »

SÉNAT CONSERVATEUR.

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Séance impériale du 27

ventose an 13 (18 mars 1805).

MESSAGE de l'empereur, lu en sa présence par son ministre secrétai: e d'état.

« Sénateurs, la principauté de Piombino, que la France possède depuis plusieurs années, a été depuis ce temps administrée sans règle et sans surveillance. Située au milieu de la Toscane, éloignée de nos autres possessions, nous avons jugé convenable d'y établir un régime particulier. Le pays de Piombino nous intéresse par la facilité qu'il offre pour communiquer avec l'île d'Elbe et la Corse; nous avons donc pensé devoir donner ce pays, sous le haut domaine de la France, à notre sœur la princesse Eliza, en conférant à son mari le titre de prince de l'Empire. Cette donation n'est pas l'effet d'une tendresse particulière, mais une chose conforme à la saine politique, à l'éclat de notre couronne et à l'intérêt de nos peuples. Signé NAPOLÉON.»>

(Suivait le décret, daté du même jour, 27. En voici deux articles : « I. L'empereur Napoléon cède et donne en toute propriété » la principauté de Piombino à la princesse Eliza, sa sœur.-VI. Le » mari de la princesse Eliza prend le nom et le titre de prince de » Piombino; il jouira du rang et des prérogatives de prince de » l'Empire français. » — - C'est le premier prince créé contre le vœu de l'article 9 du senatus-consulte du 28 floréal an 12, qui portait : « Les membres de la famille impériale, dans l'ordre de l'hérédité, portent le titre de prince français. )

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RAPPORT fait à l'empereur, en séance du Sénat, par M. de Talleyrand, ministre des relations extérieures.

« Sire, les pensées dont je vais occuper Votre Majesté tiennent à ses affections les plus chères, comme aux intérêts les

plus importans de l'Empire; et en même temps l'objet de ces pensées se lie par les plus intimes rapports aux grands principes de la politique extérieure, à la sûreté d'un grand nombre d'états qui ne peuvent se maintenir et prospérer sans votre appui, et enfin à la tranquillité de toutes les puissances du continent.

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Depuis plusieurs mois l'Europe entière a les yeux fixés sur l'Italie. Les plus grands souvenirs, une longue suite de malheurs, et l'immense gloire que Votre Majesté y a recueillie, attachent tous les esprits à sa destinée. On se demande si le sort de cette belle contrée, qui si longtemps gouverna le monde, qui, depuis qu'elle est déchue de sa première grandeur, de siècle en siècle est devenue le théâtre et le jouet de toutes les ambitions, sera enfin déterminé ; de toutes parts on entend éclater le vœu généreux que l'Italie retire, de l'honneur d'avoir décidé du sort de la dernière guerre, l'avantage inespéré d'exister par elle-même, de se conduire par les règles d'une politique indépendante, et enfin de rester pour toujours étrangère aux débats, à la mésintelligence, à la jalousie des grandes puissances.

» Sire, sous un règne tel que le vôtre toutes les conjectures qui s'attachent à des choses justes et grandes ne sont que le pressentiment et le présage des desseins magnanimes du sou verain. L'Italie, ses intérêts, ses besoins n'ont cessé d'être l'objet de votre sollicitude; et, on peut l'annoncer avec confiance, le sort que vous lui destinez comblera toutes les espérances qu'elle put former lorsqu'à la suite de vos belles victoires, la première entre toutes les nations, elle fit éclater son admiration et sa reconnaissance, et vous exprima le vœu de s'attacher pour toujours à votre grande destinée.

» Ce fut par suite de ce vou, souvent renouvelé, que vingt peuples réunis, impatiens de consolider leur liberté et de consacrer leur obéissance par la solennité d'une transaction publique, reçurent à Lyon une organisation commune, et déférèrent à Votre Majesté la première magistrature. Cette institution, indéterminée par sa dénomination et indécise par sa durée, ne répondait qu'à l'intérêt et au besoin d'associer les affections et d'apaiser les inquiétudes du moment; mais si l'organisation de la France avait permis à ces peuples de s'ouvrir sans réserve sur le gouvernement qu'ils préféraient, dès lors ils auraient exprimé à Votre Majesté tout ce que, depuis la fondation de l'Empire, l'armée italienne, les autorités constituées et des réunions nombreuses de citoyens, doués de prévoyance et de lumières, lui ont unanimement exposé dans leurs adresses, que, même quand le système héréditaire ne se

rait pas établi en France, le nombre, la diversité, la rivalité, la faiblesse, les habitudes, les opinions des peuples qui habitent l'Italie y rendaient son rétablissement indispensable.

» De telles considérations ont dû prévaloir sur toutes les théories. Votre Majesté voulait assurer à ce peuple une existence indépendante. Elle a senti que, quelle que fût la force de son autorité et celle de son génie, elle ne pourrait remplir ce généreux dessein si elle entreprenait de lutter contre l'empire de toutes les circonstances et contre la tendance de toutes les opinions; et la monarchie italienne a été fondée.

» Mais un autre obstacle s'opposait à l'accomplissement des destinées de cet état. Deux trônes réunis ont paru présenter à Votre Majesté une complication difficile et dangereuse de puissance et de devoirs, et elle a voulu que la séparation des couronnes fût positivement déterminée. A regret ses sujets d'Italie ont dû se soumettre à cette disposition; mais ils ont hautement demandé que l'exécution en fût différée : « Sire, vous » ont-ils dit, il n'appartient à aucun homme, quelque grand » qu'il puisse être, de subordonner à des vues de modération » les sentimens libres et unanimes des peuples.

» Il n'appartient à aucun homme, quelque puissant qu'il » soit, de devancer la marche des temps. Plus d'un grand » dessein a échoué par l'effet d'une précipitation peu réfléchie ; plus d'une nation a manqué sa destinée parce qu'on a voulu » accélérer pour elle ce qui, faute de patience et de durée, » n'avait pu acquérir une suffisante maturité.

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» Nous sommes un peuple nouveau, et vous êtes le souverain » d'un grand empire. En séparant aujourd'hui les deux cou»ronnes, que deviendrons-nous, éloignés que nous sommes » des regards immédiats de notre fondateur, et délaissés, sans appui et sans guide, au milieu des discussions qui peuvent » s'élever dans notre sein et autour de nous ? Qui nous dé» fendra des agitations, suite nécessaire d'une situation longtemps indécise? Qui nous préservera du tort de trop nous » défier de nous-mêmes, ou du malheur d'une trop aveugle » confiance?

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La séparation des deux couronnes déterminera-t-elle l'éloignement des troupes françaises de notre territoire ? Mais " le royaume d'Italie n'est pas isolé; il est contigu à de puis"sans voisins.

» Il se compose d'un grand nombre d'éléniens autrefois en"nemis, récemment incorporés. Il touche à des rivages qui peuvent être exposés à des invasions soudaines. La forma» tion d'une armée nouvelle, quelle que soit sa fidélité, quel que soit son courage, calmera-t-elle toutes les alarmes qui

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