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affections, dirige tous les mouvemens, prépare tous les succès; et cet esprit se compose de l'amour, de la confiance de la nation, et du génie de son chef.

» Toutefois, Sire, Votre Majesté sait que, même à ses favoris, la fortune ne donne jamais, et que souvent elle vend chèrement la victoire: père du peuple comme de l'armée, vous serez cependant forcé de payer du sang de vos enfans les triomphes auxquels vous les conduirez !

» Mais, Sire, un noble sentiment de dévouement et de patriotisme donnera au peuple comme à l'armée le courage de vouloir, d'exécuter, de réparer les sacrifices nécessaires : un brave remplacera un brave; dans les bataillons de réserve, toujours complets, Votre Majesté sera sûre de trouver constamment de quoi remplir les vides que les combats auraient laissés dans les bataillons de guerre. Les conscrits que vous appellerez le disputeront de zèle et de fidélité, d'empressement et de bravoure aux vieux guerriers de vos légions.

>> J'en atteste, Sire, et cette marche de votre armée des côtes de l'Océan aux rives du Rhin, cette marche presque sans séjour, durant laquelle nul soldat ne s'est éloigné de son drapeau! J'en atteste le vœu de ces conscrits désolés d'être condamnés à l'inaction d'un dépôt, et qui ont réclamé leurs places dans les rangs des combattans.

» Le peuple français, Sire, vous a remis le droit de vouloir pour lui, et sa volonté, libre, fière, courageuse, est, comme la vôtre, de maintenir l'intégrité de son territoire, et de défendre ses intérêts, sa gloire et tous les biens qu'elle tient de Votre Majesté.

» Votre Majesté soutiendra de sa force toute puissante, de l'énergie de ses regards inspirateurs, la force et l'énergie de la nation, et vous ne prononcerez, Vous ne lui ferez entendre le nom de paix que quand elle sera par vous victorieuse et vengée.

» Tel est, Sire, le vœu de la France, à l'accomplissement duquel le Sénat va concourir en ordonnant la levée de quatrevingt mille guerriers, qui assureront que nos bataillons et nos escadrons seront toujours complets, toujours renouvelés jusqu'à la dernière victoire.

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Quand Votre Majesté, dont la personne est infatigable comme la pensée, se fait du travail un devoir qui remplit ses jours et abrége ses nuits; quand elle va présenter aux hasards de la guerre sa tête auguste, les Français, Sire, nous en jugeons, nous en jurons d'après nos cœurs, ne disputeront que d'émulation, d'empressement, de dévouement: les regrets ne seront que pour ceux qui, soumis à d'autres devoirs ou eon

damnés à suivre une autre carrière, ne peuvent aspirer à l'honneur de partager les périls et la gloire de vos braves, d'affronter les dangers avec eux, et de vaincre ou de mourir sous les yeux de Votre Majesté, pour elle et pour la patrie. » (Suivait le projet de sénatus-consulte.)

MOTIFS du projet de senatus-consulte relatif à la réorganisation des gardes nationales; exposés par M. de Ségur, orateur du gouvernement. (1)

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Sire, Votre Majesté se voit contrainte d'aller chercher de nouveaux combats : elle y est forcée par l'injuste agression d'une puissance dont le trône, ébranlé par vos armes, avait été relevé par votre générosité. La passion de la jalousie fait taire la voix de l'humanité; la séduction ferme les yeux sur les leçons de l'expérience; les Autrichiens oublient Marengo. Le vainqueur voulait conserver la paix ; les vaincus redemandent la guerre. Hé bien, la guerre ne tardera pas à leur apprendre qu'une politique artificieuse ne peut tromper votre vigilance, qu'on ne brave pas en vain vos armées, qu'on expose ses propres états en attaquant ceux de nos alliés, que toute proposition contre l'honneur est une offense pour nous, et qu'un grand peuple ne reçoit jamais la loi de ses ennemis.

» Mais en partant, pour exiger une juste et éclatante satisfaction, Votre Majesté a voulu prendre toutes les mesures propres à maintenir dans l'intérieur de l'Empire l'ordre et la paix ; la guerre ne doit troubler que le sein des pays qui osent la recommencer contre nous. Vous avez voulu que l'armée sédentaire reprît les armes au moment où l'armée active portait les siennes loin de nos frontières; et vous nous avez chargés de présenter au Sénat un projet de senatus-consulte dont l'objet est de réorganiser la garde nationale.

» Je vais, d'après les ordres de Votre Majesté, expliquer au Sénat les dispositions de ce projet, et lui en développer les

motifs.

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Sénateurs, vous venez de l'entendre! On menace la France, on envahit les états de ses alliés : l'indignation que

(1) L'idée de cette réorganisation des gardes nationales appartient à M. Champagny, qui la soumit à l'empereur le 1er jour complémentaire an 13. Elle devint aussitôt l'objet d'un rapport au Conseil d'état par Regnault (d'Angely). Les motifs exposés devant le Sénat par M. de Ségur sont la substance des rapports faits à l'empereur par MM. Champagny et Regnault.

vous éprouverez sera le sentiment de tous les citoyens de l'Empire. Cette attaque, injuste autant que téméraire, va réveiller avec une nouvelle force dans le cœur des Français ce dévouement au prince qui dans tous les temps enfanta tant de prodiges. L'ennemi a déjà senti ce que produisent sur nous les mots sacrés d'honneur et de patrie; bientôt nos efforts lui prouveront plus que jamais quelle est leur puissance.

» Mais si le génie qui nous gouverne vole à la victoire à la tête de nos armées, et poursuit loin de nos frontières un ennemi qu'il a déjà tant de fois forcé à la retraite, sa sagesse, qui veille à notre tranquillité intérieure, a cru devoir vous proposer la mesure la plus propre à garantir cette tranquillité, et à prévenir tous les projets hostiles que l'éloignement d'une partie de nos troupes pourrait faire naître. Sa Majesté a pensé qu'il était convenable et nécessaire de réorganiser la garde nationale.

» Cette institution, dont le nom seul réveille tant de glorieux souvenirs, est encore autorisée par nos lois; elle n'est pas en activité, mais elle existe : les décrets des 7 janvier et 16 mars 1790, des 14 octobre et 3 août 1791, et du 28 prairial an 3, n'ont pas été révoqués. L'empereur lui-même a de nouveau sanctionné cette institution; il a convoqué à son couronnement les députés de toutes les gardes nationales de l'Empire il a reçu leur serment dans le champ de Mars ; il leur a solennellement donné ces mêmes drapeaux qu'à sa voix ils doivent déployer aujourd'hui. Qu'ils s'arment donc ! que leur barrière imposante garnisse au besoin nos frontières, défende nos côtes, garde nos places fortes! que cette armée intérieure déconcerte tout espoir hostile! que cette force en repos apprenne à l'ennemi que la guerre n'existera que sur son sol, et qu'il tenterait vainement de la porter sur notre territoire!

Il est d'autres devoirs aussi sacrés qu'ils ont à remplir. Tandis que leurs amis, leurs frères, leurs enfans, sous les drapeaux de l'armée active, portent au loin notre gloire, il faut que notre armée sédentaire, occupée de notre repos, veille au maintien de l'ordre et des lois, assure le respect dû à la religion et aux autorités publiques, garantisse les propriétés, protége la paix des champs, l'industrie des ateliers, la sûreté des routes, et maintienne cette prospérité qui excite à la fois et l'étonnement et l'envie de nos rivaux. Mais, sénateurs, pour recueillir tous les avantages qu'on doit attendre de cette institution salutaire, il est indispensable qu'elle reçoive une organisation nouvelle et plus parfaite; les lois qui l'ont précédemment réglée doivent subir aujourd'hui des changemens dont l'expérience a démontré la nécessité.

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Cependant il est des circonstances qui peuvent exiger des mesures sûres et rapides; partout on doit être prêt à montrer la France armée de la force de son chef et de la force de ses citoyens. Mais si cette force doit être toujours prête, c'est à la sagesse à en faire un prudent emploi ; son développement doit être proportionnel avec les besoins, réglé sur les facultés les occupations des citoyens, sur les moyens différens que présentent les différentes localités; cette force armée doit enfin offrir toute la garantie que les propriétés exigent des hommes appelés à les défendre ; et vous jugerez sans doute que dans le moment actuel il est convenable et nécessaire de donner à l'empereur le droit de faire à l'organisation de la garde nationale, par un réglement, les changemens que dans une circonstance moins pressante on aurait pu attendre de la loi.

» Il est également important que les officiers de la garde nationale soient nommés par l'empereur. Toute force doit émaner du pouvoir suprême; tout doit être en harmonie dans nos institutions, et une même et unique direction doit étré donnée à tout ce qui commande des citoyens armés: d'ailleurs n'est-ce pas au modèle et au juge des braves à les choisir, et à leur chef à les nominer? Il est juste aussi, en imposant des devoirs aux citoyens, ou plutôt en les leur rappelant, de leur annoncer d'avance leur destination, et les conditions sous lesquelles ils seront tenus de faire le service auquel l'empereur les appellera; il faut qu'ils sachent qu'ils seront employés au maintien de l'ordre dans l'intérieur, à la défense des frontières et des côtes, et que les places fortes sont spécialement confiées à leur honneur et à leur bravoure. Quel Français attaché à l'ordre par son éducation, ses propriétés, son industrie, pourrait ne pas sentir la justice d'une loi intérêts dictent ses que les plus chers! Ils doivent en même temps être assurés que lorsqu'ils auront été requis pour un service militaire il leur sera complé comme tel, leur en donnera les avantages et les droits, et qu'en défendant leurs propres foyers contre l'ennemi ils parlageront la gloire et les récompenses des guerriers qui de conquêtes en conquêtes ont porté notre nom aux extrémités de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie.

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Sénateurs, telles sont les dispositions du projet de senatusconsulte que Sa Majesté nous a ordonné de vous présenter, et dont je viens de vous développer les motifs. En l'adoptant vous donnerez un nouveau lustre, une utilité plus solide à cette garde nationale, qui dans sa naissance, malgré les défauts de son organisation, fit évanouir l'espérance d'une coalition redoutable; et cette garde d'élite, imposante au dehors, rassuante au dedans, sagement distribuée, jamais prodiguée,

inactive dans les momens, dans les lieux où les circonstances ne la rendraient pas nécessaire, mais toujours organisée, toujours prête au premier besoin et au premier péril, réunira tous les avantages de la force dirigée par la sagesse. Dans d'autres temps la France lui dut son salut: aujourd'hui elle lui devra son repos. »(Suivait le projet, qui plaçait la garde nationale sous le régime des décrets impériaux.)

DÉCRET du Sénat.

(Seconde séance du méme jour.)

« Le Sénat conservateur, délibérant en séance ordinaire sur les communications importantes qu'il vient de recevoir dans la séance impériale;

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Pénétré, comme tous les Français, de la plus vive indignation à la nouvelle inopinée de l'envahissement de l'électorat de Bavière par les troupes autrichiennes ;

» Considérant que plus la nation française a dû être sensible aux nombreux sacrifices que fait depuis longtemps la patience magnanime de S. M. l'empereur et roi pour maintenir la paix que lui devait le continent, et plus elle doit déployer sa valeur et son énergie lorsqu'elle est forcée à la guerre ;

» Décrète ce qui suit :

» Art. 1er. Attendu que, d'après le prompt départ de S. M. l'empereur et roi pour se mettre à la tête de ses armées, le Sénat ne peut se rendre en corps auprès de S. M. afin de lui porter son vœu pour le succès de ses armes, le Sénat charge son président et ses secrétaires de se transporter à Saint-Cloud à l'issue de la séance, et d'exprimer à S. M. impériale et royale le dévouement profond et unanime du Sénat et du peuple, leur attachement à sa gloire, à sa personne et à sa famille, leur confiance dans son génie, enfin la résolution où sont tous les Français de venger sous ses ordres l'outrage que leur fait une agresssion aussi inattendue.

» 2. Le Sénat se rassemblera extraordinairement sur la convocation de son président pour entendre, sur les mesures proposées par le gouvernement, le rapport de la commission spéciale qui vient d'être nommée au scrutin.

» 3. Le présent décret sera imprimé à la suite des discours prononcés dans la séance impériale, et une expédition en sera remise par M. le président à S. M. l'empereur et roi. »

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