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» Un changement assez notable aura lieu dans les lois du budget. Au moment où ces lois vous seront présentées vous y verrez l'intention de l'empereur d'établir un système permanent de finances : c'est un des plus grands bienfaits que son peuple puisse attendre de lui. Il faut un prince éclairé et fort pour pouvoir se décider entre les différens partis qui dans ces derniers siècles ont partagé les administrateurs et ceux qui se sont occupés d'économie politique.

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L'expérience a fait justice du principe d'une imposition unique tant vantée, et d'un autre côté les abus du passé ont signalé tous les inconvéniens attachés aux impositions indirectes, vexatoires et fatigantes; et c'est en vain que leurs partisans appellent en témoignage l'Angleterre. Dans les propositions qui vous seront faites sur cet objet, comme sur tous les autres, vous reconnaîtrez modération dans les taxes personnelles, exclusion de tout système absolu, etc.

» Mais ici, il faut le dire avec courage à la nation, sa sûreté veut qu'une armée nombreuse soit maintenue, que des flottes soient construites et équipées pour protéger notre commerce, nos colonies et nos droits. Ces circonstances exigent des finances productives. L'empereur estime que huit cent millions sont nécessaires en temps de guerre, et plus de six cent millions en temps de paix ; car jamais le sort de son peuple ne doit être à la merci de quelque complot obscur, ni de quelques intrigues de cabinet, et dans tous les instans il doit être prêt à faire face à l'orage, ou à faire taire les jalouses clameurs de ses ennemis.

» La nouvelle législation propose des diminutions dans les impositions directes. Dans les temps ordinaires, la charge n'en est que trop pesante pour les propriétaires. Mais tout ce qui vous sera proposé a été profondément médité, et aucun abus dont on ait eu à se plaindre avec raison ne sera renouvelé.

» Vous verrez dans la loi sur les douanes le soin qu'on a mis à protéger notre commerce, nos manufactures, et à mettre autant qu'il dépend de nous des bornes à la prospérité des manufactures de nos ennemis.

» L'année dernière la solde a été augmentée par la fourniture qui a été faite au soldat du pain blanc pour la soupe, qu'il payait auparavant sur sa solde. Cette année l'empereur a pensé que les soldats, qui ne sont autres que nos enfans, doivent en guerre et en paix avoir le même genre de nourriture, et que son peuple n'approuverait aucune économie sur cet objet de dépense.

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L'augmentation d'une demi-ration de viande, accordée également en temps de paix au soldat, fera aussi une augmen

tation notable dans la dépense, mais qui ne sera pas plus regrettée que la précédente.

» Les domaines nationaux, par une combinaison ingénieuse et sage, passeront dans les mains de la caisse d'amortissement. Le Sénat, la Légion-d'Honneur, le Prytanée, par des contrats où leurs intérêts sont ménagés, ont cédé des domaines à la caisse d'amortissement, qui leur a donné en échange des rescriptions sur le grand-livre. Tout le fonds d'amortissement décrété par la loi du 30 ventose an 9 a été, depuis l'an 12, également soldé en domaines. Les cinquante-deux millions que le trésor devait à cette caisse sont soldés de la même manière, et par là la dette publique a cessé d'être flottante, et a été fixée dans des mains qui la possèdent comme immeuble. On a trouvé aussi dans ces différentes combinaisons de quoi faire cesser les services des années 9, 10, 11, 12 et 13, de rattacher au service courant tout ce que le trésor percevra sur ces exercices antérieurs.

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» Il est dans la volonté de l'empereur, comme dans les intentions de la nation, d'accroître notre marine, et si nous avons perdu quelques vaisseaux dans les derniers combats de mer c'est un nouveau motif pour redoubler d'énergie. Un grand nombre de nos escadres parcourent les mers, et ont attaqué le commerce de nos ennemis jusque dans ses routes les plus éloignées. Notre flottille tout entière va bientôt être ranimée par le retour à son bord des vainqueurs d'Ulm et d'Austerlitz. Mais tous ces moyens de guerre ne seront jamais que des moyens de paix, d'une paix égale, où nous puissions trouver la garantie que nous ne serous point soudainement attaqués et envahis sous les prétextes les plus frivoles et les plus mensongers: mieux vaut prolonger encore la guerre et tous ses maux que de faire une paix qui nous donnerait la certitude de nouvelles pertes, et offrirait un nouvel aliinent à la mauvaise foi et à la cupidité de nos ennemis.

La réunion du Piémont à la France, exécutée depuis deux ans, rendait indispensable la réunion de Gênes, qui en est le port. Celle de la place de Gênes, occupée depuis longtemps par les Français, défendue par eux dans la seconde coalition, a été la suite de la volonté et de l'indépendance de cette répu blique. Cette réunion n'augmenterait pas notre puissance continentale; l'Angleterre seule avait le droit de s'en plaindre. Elle n'a pas été la cause de la guerre que nous venons de terminer; la réunion n'a eu lieu qu'au mois de juin, et dès le mois d'avril les intrigues de l'Angleterre avaient séduit le cabinet de Pétersbourg; l'humiliation de la France et le démembrement de ses provinces étaient résolus. Ce n'est pas sim

plement le royaume d'Italie que l'on voulait nous enlever; le Piémont, la Šavoie, le comté de Nice, Lyon même, les départemens réunis, la Hollande, la Belgique, les places de la Meuse, tel était le démembrement qui était dicté par l'Angleterre aux coalisés, et sans doute ils ne s'y seraient point arrêtés s'ils avaient triomphé de la constance du peuple français. L'Angleterre prend peu d'intérêt à l'Italie. La Belgique, voilà le véritable motif de la haine qu'elle nous porte.

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» Mais la Hollande, les cent dix départemens de la France,. le royaume d'Italie, Venise, la Dalmatic, l'Istrie, Naples, sont désormais sous la protection de l'aigle impériale, et la réunion de ces états ne nous donne que les moyens nécessaires pour être redoutables sur nos frontières et sur nos côtes.

» La Bavière, Wurtemberg, Baden et plusieurs des principales puissances d'Allemagne sont nos alliés.

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L'Espagne, constante dans sa marche, a montré une activité, une bravoure, une fidélité dont nous n'avons qu'à nous louer.

» Dans les guerres précédentes l'Angleterre et la Russie avaient toujours présenté à l'empereur d'Autriche l'appât d'un agrandissement en Italie pour la déterminer à y prendre part; mais ce souverain, maintenant mieux instruit de l'état des choses, a reconnu le danger de l'alliance de l'Angleterre, et laisse à la France seule le soin de se mêler des affaires d'Italie : n'ayant recouvré ses états que par la modération et la générosité de l'empereur, il sait que ce n'est que dans l'amitié de la France qu'il pourra trouver la tranquillité et le bonheur dont ses sujets ont besoin plus qu'aucun autre peuple de l'Europe. L'empereur de Russie, impuissant pour nous faire du mal, sentira que la véritable politique de son pays est aussi dans l'amitié de la France, tout comme sa véritable gloire est dans l'affranchissement des mers et dans le refus de reconnaître des principes qui soulèvent même les plus petits états, et qui les ont mis dans le cas de braver les bombardemens et les blo

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cus plutôt que de s'y soumettre.

» L'empereur offrait la paix à l'Autriche après chaque victoire. Il l'avait accordée à Naples avant la guerre ; paix violée aussitôt que jurée, ce qui a entraîné la ruine de cette maison. Il offre également la paix à l'Angleterre. Il ne prétend pas faire revenir cette puissance sur les immenses changemens faits aux Indes, pas plus qu'il ne prétend faire revenir l'Autriche et la Russie sur le partage de la Pologne ; mais il a le droit de se refuser à revenir sur les alliances et sur les réunions qui composent les nouveaux élémens fédératifs de l'Empire français.

» La Turquie a été constamment sous l'oppression de la

Russie, et l'empereur, en acquérant la Dalmatie, a eu principalement pour but de se trouver à portée de protéger le plus ancien de nos alliés, et le mettre en état de se maintenir dans son indépendance, à laquelle la France est intéressée plus que toute autre puissance.

» La première coalition, terminée par le traité de CampoFormio, a eu pour résultat favorable à la France l'acquisition de la Belgique, la limite du Rhin, la Hollande mise sous l'influence fédérative de la France, et la conquête des états qui aujourd'hui forment le royaume d'Italie.

» La deuxième coalition lui a donné le Piémont, et la troisième met dans son système fédératif Venise et Naples.

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Que l'Angleterre soit donc enfin convaincue de son impuissance; qu'elle n'essaie pas d'une quatrième coalition quand même il serait dans l'ordre des choses possibles qu'elle pût la renouveler.

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Voilà ce que le gouvernement a fait pour la gloire et la prospérité de la France. L'empereur n'envisage que ce qui reste à faire, et il le trouve bien au dessus de ce qu'il a fait. Mais ce ne sont pas des conquêtes qu'il projette; il a épuisé la gloire militaire; il n'ambitionne pas ces lauriers sanglans qu'on l'a forcé de cueillir. Perfectionner l'administration, en faire pour son peuple la source d'un bonheur durable, d'une prospérité toujours croissante, et de ses actes l'exemple et la leçon d'une morale pure et élevée; mériter les bénédictions de la génération présente et celle des générations futures, dont sa pensée embrasse aussi les intérêts; telle est la gloire qu'il ambitionne, telle est la récompense qu'il se promet d'une vie vouée tout entière aux plus nobles, mais aux plus pénibles fonctions. »

ADRESSE du Corps législatif à l'empereur, présentée par M. Fontanes, président. Du 9 mars 1806.

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« Sire, l'adresse de remercîment et de félicitation que les membres du Corps législatif portent en ce moment au pied du trône est le tribut unanime de l'admiration et de la reconnaissance que font naître vos grandes actions.

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» Les années sous votre règne sont plus fécondes en événemens glorieux que les siècles sous d'autres dynasties. Quelques jours valent une campagne : une seule campagne vous a rendu maître des provinces d'un grand empire, qui ne s'est raffermi que par votre modération.

» Le monde se croit revenu à ces temps où, comme l'a dit le plus brillant et le plus profond des écrivains politiques, la mar

che du vainqueur était si rapide que l'univers semblait plutôt le prix de la course que celui de la victoire (1).

»Le Corps législatif laisse à d'autres le soin de vous suivre sur le champ de bataille, et de retracer tant d'illustres faits d'armes; il doit chercher avant tout dans ces événemens mémorables ce qui peut améliorer le sort des peuples en prévenant de nouvelles guerres ; il hâte de tous ses vœux le développement de ces hautes pensées que renferme le discours de Votre Majesté. Tout ce qu'elle a fait est grand; tout ce qu'elle laisse prévoir est plus grand encore.

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Déjà les plus anciennes maisons souveraines brillent d'un nouvel éclat en se rapprochant des rayons de votre couronne. Le repos du continent sera le fruit de vos conquêtes. Le Corps législatif peut donc applaudir sans regret la gloire militaire ; il aime à louer surtout ce désir d'épargner le sang des hommes que vous avez si souvent manifesté, jusque dans la première ivresse du triomphe : c'est la victoire la moins sanglanté qui est la plus honorable à nos yeux.

» L'amour de mon peuple fait ma gloire. Sire, voilà les paroles de votre discours qui ont pénétré nos cœurs. Les plus grandes actions ont quelquefois des motifs équivoques; mais les sentimens d'une grande âme ne peuvent tromper; c'est là qu'on reconnaît un monarque digne de régner sur le peuple français. Il ne suffit pas à Votre Majesté de l'avoir rendu le plus puissant de tous les peuples; elle veut encore qu'il soit le plus heureux, qu'on redise partout qu'une si noble ambition Vous occupe sans cesse, et que pour la satisfaire vos jours sont aussi remplis dans votre palais que dans vos camps.

» Toutes vos pensées sont empreintes de ce caractère qui seul attire la vénération et l'amour.

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Après avoir fait et défait les rois, vous avez vengé leurs tombeaux : ce lieu qui fut le berceau de la France chrétienne voit se relever le temple célèbre où depuis douze siècles la mort confondit les cendres de trois races royales, dont toutes les grandeurs égalaient à peine le vôtre.

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Sire, de pareils actes de votre puissance sont les premiers de tous les bienfaits; ils remettent en honneur tous les principes utiles à la société, tous les sentimens chers au cœur de l'homme; ils promettent à la France qu'un souverain qui venge ainsi la morale publique et la religion, profanées, respectera toujours ce qu'elles commandent l'une et l'autre au nom de Dieu et du genre humain.

» Le Corps législatif n'est point le théâtre de la faveur;

(1) Montesquieu, Esprit des lois, chapitre d'Alexandre.

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