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» Notre perte est évaluée à mille ou onze cents tués, et trois >> mille blessés.

» Le grand-duc de Berg investit en ce moment la place d'Erfurth, » où se trouve un corps d'ennemis que commandent le maréchal de >> Mællendorff et le prince d'Orange....

» Au fort de la mêlée l'empereur, voyant ses ailes menacées par » la cavalerie, se portait au galop pour ordonner des manœuvres et » des changemens de front en carré; il était interrompu à chaque » instant par des cris de vive l'empereur! La garde impériale à pied » voyait avec un dépit qu'elle ne pouvait dissimuler tout le monde >> aux mains, et elle dans l'inaction. Plusieurs voix firent entendre » les mots en avant! Qu'est-ce? dit l'empereur; ce ne peut être » qu'un jeune homme qui n'a pas de barbe qui peut vouloir préjuger » ce que je dois faire; qu'il attende qu'il ait commandé dans trente » batailles rangées avant de prétendre me donner des avis. — C'était >> effectivement des vélites, dont le jeune courage était impatient » de se signaler...

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» Une partie de l'armée n'a pas donné, ou est encore sans avoir » tiré un coup de fusil. »

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Le sixième bulletin, daté de Weimar, le 15 octobre, annonce que << six mille Saxons et plus de trois cents officiers ont été faits pri» sonniers. L'empereur a fait réunir les officiers, et leur a dit qu'il » voyait avec peine que leur armée lui faisait la guerre ; qu'il n'avait pris les armes que pour assurer l'indépendance de la nation » saxonne, et s'opposer à ce qu'elle fût incorporée à la monarchie >> prussienne; que son intention était de les renvoyer tous chez eux » s'ils donnaient leur parole de ne jamais servir contre la France; » que leur souverain, dont il reconnaissait les qualités, avait été » d'une extrême faiblesse en cédant ainsi aux menaces des Prus» siens, et en les laissant entrer sur son territoire ; mais qu'il fallait » que tout cela finit ; que les Prussiens restassent en Prusse, et qu'ils >> ne se mêlassent en rien des affaires de l'Allemagne ; que les Saxons >> devaient se trouver réunis dans la Confédération du Rhin sous la » protection de la France; protection qui n'était pas nouvelle, >> puisque depuis deux cents ans, sans la France, ils eussent été » envahis par l'Autriche ou par la Prusse; que l'empereur n'avait » pris les armes que lorsque la Prusse avait envahi la Saxe; qu'il » fallait mettre un terme à ces violences; que le continent avait >> besoin de repos, et que, malgré les intrigues et les basses passions » qui agitent plusieurs cours, il fallait que ce repos existât, dût-il » en résulter la chute de quelques trônes...... Effectivement, tous les » prisonniers saxons ont été renvoyés chez eux. » Les officiers, tant

pour eux qu'au nom de tous les soldats, avaient sígné l'engagement d'honneur de ne plus porter les armes contre l'empereur des Français et ses alliés.

La bataille d'Iéna fut suivie de la capitulation d'Erfurth, de la prise de Leipsick, et de l'occupation de plusieurs provinces ; partout l'enne mi continuait d'abandonner à l'armée française des prisonniers en grand nombre, d'immenses approvisionnemens, des canons, des drapeaux, parmi lesquels on remarquait ceux que le grand Frédéric avait donnés à ses soldats, et ceux que la reine avait tout récemment brodés de sa main et distribués aux troupes.... « La reine de Prusse » s'est montrée plusieurs fois en vue des postes français. Elle passait » son régiment en revue; elle excitait sans cesse le roi et les généraux. » Elle voulait du sang : le sang le plus précieux a coulé ; les généraux » les plus marquans sont ceux sur qui sont tombés les premiers coups... » C'est une femme d'une jolie figure, mais de peu d'esprit, incapable » de présager les conséquences de sa conduite.... »

Avant la bataille d'Austerlitz Napoléon envoya un de ses aides de camp à l'empereur Alexandre; il fit une semblable démarche auprès du roi de Prusse avant la bataille d'Iéna. Il lui avait écrit (1): « Le suc»cès de mes armes n'est point incertain. Vos troupes seront battues; >> mais il en coûtera le sang demes enfans: s'il pouvait être épargné par >> quelque arrangement compatible avec l'honneur de ma couronne, il » n'y a rien que je ne fasse pour épargner un sang si précieux. Il n'y a » que l'honneur qui à mes yeux soit encore plus précieux que le sang » de mes soldats. » Le roi de Prusse ne répondit qu'après la bataille. Il fit demander un armistice de six semaines: Napoléon le refusa. Cependant les Prussiens, qui, dispersés et poursuivis de toutes parts, ne voyaient de salut que dans une suspension d'armes, répandirent le bruit qu'elle avait été conclue; ils parvinrent ainsi à surprendre quelques chefs d'avant - postes français. Au moyen de cette imposture, le général Blücher se sauva avec cinq mille hommes. Le général Kalkreuth fit en vain une tentative semblable auprès du maréchal Soult « Que voulez-vous de nous? lui disait le général » prussien. Tous nos généraux sont tués, blessés ou pris; la » plus grande partie de notre armée est en fuite. Vos succès sont » assez grands. Le roi a demandé une suspension d'armes ; il est » impossible que votre empereur ne l'accorde pas. Monsieur le général, répondit le maréchal Soult, il y a longtemps qu'on en agit ainsi avec nous; on en appelle à notre générosité quand on est » vaincu, et on oublie un instant après la magnanimité que nous

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que

(1) Voyez plus loin le texte de cette lettre. On a prétendu le roi de Prusse ne l'avait reçue qu'après la bataille.

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>> avons coutume de montrer. Après la bataille d'Austerlitz l'empereur accorda un armistice à l'armée russe; cet armistice sauva » l'armée. Voyez la manière indigne dont agissent aujourd'hui les >> Russes: on dit qu'ils veulent revenir. Nous brûlons du désir de les » revoir. S'il y avait eu chez eux autant de générosité que chez nous, >> on nous aurait laissés tranquilles enfin après la modération que nous avons montrée dans la victoire. Nous n'avons en rien provoqué » la guerre injuste que vous nous faites; vous l'avez déclarée de » gaieté de cœur. La bataille d'Iéna a décidé du sort de la campagne. >> Notre métier est de vous faire le plus de mal que nous pourrons. » Posez les armes, et j'attendrai dans cette situation les ordres de » l'empereur.» Les deux généraux s'étant séparés après cet entretien, les hostilités recommencèrent aussitôt, et, sur ce point comme sur tous les autres, l'ennemi fut mis en pleine déroute.

Le premier objet de la campagne se trouve rempli. La Saxe, la Westphalie, et tous les pays situés sur la rive gauche de l'Elbe, sont délivrés de la présence de l'armée prussienne. Ainsi, de cette belle et superbe armée qui, il y a peu de jours, nfenaçait d'envahir la Confédération du Rhin, et qui inspirait à son souverain une telle confiance qu'il osait ordonner à l'empereur Napoléon de sortir de l'Allemagne avant le 8 octobre s'il ne voulait pas y être contraint par la force (note diplomatique); de cette belle et superbe armée il ne reste que des débris, chaos informe qui mérite plutôt le nom de rassemblement que celui d'armée. De cent soixante mille hommes qu'avait le roi de Prusse, il serait difficile d'en réunir plus de cinquante mille. En quittant Paris l'empereur Napoléon avait dit à ses ministres : Je suis innocent de cette guerre ; je ne l'ai provoquée en rien; ellen'est point entrée dans mes calculs. Que je sois battu si elle est de mon fait! Un des principaux motifs de la confiance dans laquelle je suis que mes ennemis seront détruits, c'est que je vois dans leur conduite le doigt de la Providence, qui, voulant que les traîtres soient punis, a tellement éloigné toute sagesse de leurs conseils, que, lorsqu'ils pensent m'attaquer dans un moment de faiblesse, ils choisissent l'instant même où je suis le plus fort, » (Du septième au treizième bulletin compris ; du 15 au 20 octobre,)

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Cependant la grande armée continuait sa marche victorieuse, Magdebourg était bloquée. La confusion régnait dans Berlin. Les Prussiens, poursuivis à outrance, demandaient en grâce quelques momens de repos. Ces messieurs étaient sans doute accoutumés aux manoeuvres de la guerre de sept ans. Ils voulaient au moins trois jours pour enterrer les morts : Songez aux vivans, répondit. l'empereur, et laissez-nous le soin d'enterrer les morts; il n'y a pas besoin de trève pour cela. (Quatorzième bulletin.)

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Les quinzième et seizième bulletins, datés de Wittemberg, le 23 octobre, annonçaient que les marchandises anglaises trouvées dans Leipsick étaient en telle quantité qu'on avait offert soixante millions pour les racheter ; mais que l'empereur voulait que les draps fussent donnés en présent à l'armée, pour en faire un habillement complet à chaque officier, une capotte et un habit à chaque soldat. · On y montrait comme prochain le temps où l'on pourrait déclarer l'Angleterre en état de blocus continental. Ces bulletins contenaient des révélations sur les intrigues de cabinet, et sur les menées des agens de l'Angleterre qui étaient venus marchander le sang prussien. On y signalait tous les personnages qui avaient placé le roi de Prusse dans la nécessité de faire la guerre en élevant des doutes sur son courage; et ce monarque, au lieu d'écarter de sa personne d'aussi perfides conscillers, avait préféré de risquer son trône pour leur prouver qu'il était brave: il eut deux chevaux tués sous lui, et reçut un coup de fusil dans le bras.

Les mêmes bulletins contenaient en outre :

1o. Le texte de la lettre que l'empereur Napoléon avait écrite au roi de Prusse avant la bataille d'Iéna; et l'on ajoutait quelque foi au rapport qui établissait que, par l'infidélité de ses agens, ce prince ne l'avait reçue que lorsque le combat était engagé : « Si >> cette lettre était arrivée plus tôt, aurait dit le roi de Prusse, peut» être ne se serait-on point battu ; mais ces jeunes gens ont la tête » tellement montée, que s'il eût été question hier de la paix je » n'aurais pas ramené le tiers de mon armée à Berlin. »•

2o. Le texte d'une réponse verbale faite par Napoléon à un envoyé du duc de Brunswick,

1. LETTRE de l'empereur des Français au roi de Prusse, portée par M. de Montesquiou, officier d'ordonnance, parti de Géra le 13 octobre 1806, à dix heures du matin, arrivé au camp du général Hohenlohe à quatre heures après midi.

« Monsieur mon frère, je n'ai reçu que le 7 la lettre de Votre Majesté du 25 septembre. Je suis fàché qu'on lui ait fait signer cette espèce de pamphlet. Je ne lui réponds que pour lui protester que jamais je n'attribuerai à elle les choses qui y sont contenues; toutes sont contraires à son caractère et à l'honneur de tous deux. Je plains et dédaigne les rédacteurs d'un pareil ouvrage. J'ai reçu immédiatement après la note de son ministre du 1er octobre. Elle m'a donné rendez-vous le 8: en bon chevalier, je lui ai tenu parole; je suis au milieu de la Saxe. Qu'elle m'en croie, j'ai des forces telles que toutes ses forces ne peuvent balancer longtemps la victoire. Mais pourquoi répandre tant de sang? A quel but? Je tiendrai à Votre Majesté le même langage que j'ai tenu à l'empereur Alexandre

deux jours avant la bataille d'Austerlitz. Fasse le ciel que des hommes vendus ou fanatisés, plus les ennemis d'elle et de son règne qu'ils ne le sont des miens et de ma nation, ne lui donnent pas les mêmes conseils pour la faire arriver au même résultat! » Sire, j'ai été votre ami depuis six ans. Je ne veux point profiter de cette espèce de vertige qui anime les conseils de Votre Majesté, et qui lui ont fait commettre des erreurs politiques dont l'Europe est encore tout étonnée, et des erreurs militaires de l'énormité desquelles l'Europe ne tardera pas à retentir. Si elle m'eût demandé des choses possibles par sa note, je les lui eusse accordées : elle a demandé mon déshonneur; elle devait être certaine de ma réponse. La guerre est donc faite entre nous, l'alliance rompue pour jamais. Mais pourquoi faire égorger nos sujets ? Je ne prise point une victoire qui sera achetée par la vie d'un bon nombre de mes enfans. Si j'étais à mon début dans la carrière militaire, et si je pouvais craindre les hasards des combats, ce langage serait tout à fait déplacé. Sire, Votre Majesté sera vaincue; elle aura compromis le repos de ses jours, l'existence de ses sujets, sans l'ombre d'un prétexte. Elle est aujourd'hui intacte, et peut traiter avec moi d'une manière conforme à son rang; elle traitera avant un mois dans une situation différente. Elle s'est laissée aller à des irritations qu'on a calculées et préparées avec art. Elle m'a dit qu'elle m'avait souvent rendu des services hé bien, je veux lui donner la plus grande preuve du souvenir que j'en ai. Elle est maîtresse de sauver à ses sujets les ravages et les malheurs de la guerre; à peine commencée, elle peut la terminer, et elle fera une chose dont l'Europe lui saura gré. Si elle écoute les furibons qui, il y a quatorze ans, voulaient prendre Paris, et qui aujourd'hui l'ont embarquée dans une guerre, et immédiatement après dans des plans offensifs également inconcevables, elle fera à son peuple un mal que le reste de sa vie ne pourra guérir. Sire, je n'ai rien à gagner contre Votre Majesté; je ne veux rien, et n'ai rien voulu d'elle. La guerre actuelle est une guerre impolitique. Je sens que peut-être j'irrite dans cette lettre une certaine susceptibilité naturelle à tout souverain; mais les circonstances ne demandent aucun ménagement; je lui dis les choses comme je les pense. Et d'ailleurs, que Votre Majesté me permette de le lui dire, ce n'est pas pour l'Europe une grande découverte que d'apprendre que la France est du triple plus populeuse, et aussi brave et aussi aguerrie que les états de Votre Majesté. Je ne lui ai donné aucun sujet réel de guerre. Qu'elle ordonne à cet essaim de malveillans et d'inconsidérés de se taire à l'aspect de son trône dans le respect qui lui est dû, et qu'elle rende la tranquillité à elle et à ses états. Si elle ne retrouve plus jamais en moi un allié, elle retrouvera un homme désireux de

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