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blâme sur cette nation, qui alimente son monopole avec le sang du continent. Nous trouverons dans notre énergie, dans le courage, le dévouement et la puissance de nos peuples, des moyens assurés pour rendre vaines les coalitions qu'ont cimentées l'injustice et la haine, et pour les faire tourner à la confusion de leurs auteurs. Français, nous bravons tous les périls pour la gloire et pour le repos de nos enfans!

» Donné en notre camp impérial d'Osterode, le 20 mars 1807. Signé NAPOLÉON. »

Lecture faite de ces pièces, M. le conseiller d'état Regnault ( de Saint-Jean-d'Angely ) développe encore les motifs du projet de senatus-consulte qui met à la disposition du gouvernement quatrevingt mille hommes de la conscription de 1808, à prendre parmi les jeunes gens nés depuis le 1er janvier 1788 jusqu'au 1er janvier 1789. Ce projet est renvoyé à l'examen d'une commission spéciale.

La commission fit son rapport le 7 du même mois, et conclut à l'adoption du projet; elle proposa en outre une adresse contenant l'expression de la reconnaissance, du dévouement, du respect et de la fidélité du Sénat envers Sa Majesté impériale et royale; et le Sénat adopta immédiatement le senatus-consulte et l'adresse.

:

Les nouveaux conscrits ne prendront point part à cette guerre; elle touche à son terme. Toutefois elle fournira encore vingt bulletins de la grande armée. (Il y en eut quatre-vingt-sept. ) — La garnison de Dantzick, augmentée de Russes et de Prussiens qui y arrivaient par mer, faisait de fréquentes sorties; elles lui étaient funestes; mais elles prolongeaient le siége, conduit par le maréchal Lefebvre avec autant de vigueur que d'habileté il montre toute l'activité d'un jeune homme, disait l'empereur, et toute l'expérience d'un vieux guerrier (1). Cette place importante capitula le 21 mai 1807; elle avait résisté près de trois mois. On y trouva huit cents pièces d'artillerie, cinq cent mille quintaux de grains, d'immenses magasins de draps et d'épiceries, plusieurs milliers de chevaux, enfin des ressources de toute espèce pour l'armée. Le maréchal Mortier battait les Suédois, à qui l'ennemi avait inspiré la frénésie de la guerre. Mais Napoléon les éclaira sur leurs propres intérêts. Il voulut qu'on les traitât comme des amis égarés que la nature des choses ne tarde

(1) Voyez plus loin les lettres patentes qui instituent duc de Danizick le maréchal Lefebvre.

XIX.

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presque

aussitôt

pas à ramener. L'intérêt de l'Etat, dit-il, l'emporte tốt ou tard sur les petites passions. Est-ce à nous à faire du mal à la Suède? Il contremanda le siége de Stralsund, et l'on cessa de se battre. — Sur d'autres points les combats se succédaient, toujours à l'avantage des Français ; l'ennemi s'épuisait en s'obstinant à les lasser. Ils enlevaient et faisaient capituler les dernières places occupées par les Russes et les Prussiens. Napoléon avait donné dans son camp une audience solennelle aux ambassadeurs de Perse et de Constantinople, et promis à leurs maîtres la continuation de son alliance et de sa protection. - Des ouvertures de paix avaient été faites, mais abandonnées par suite des prétentions des vaincus. La Russie ne voulait pas que la Porte Ottomane entrât dans les négociations : Napoléon l'exigeait. La reprise des hostilités amena des coups de foudre. Six glorieux combats précédèrent le dernier et l'un des plus beaux faits d'armes de cette guerre. La bataille de FRIEDLAND, donnée le 14 juin, fut placée par l'empereur à côté de celles d'Austerlitz et d'Iéna. C'est un jour de bonheur, avait dit Napoléon ; c'est l'anniver saire de Marengo. La victoire ne fut pas un moment douteuse; il n'y eut aucune tentative désespérée; partout l'armée française conserva une étonnante supériorité, non par le nombre, mais par ses manœuvres, et surtout par son impétuosité, plus remarquable encore qu'aux premiers jours de l'entrée en campagne. On eût dit que, piquée de la tenacité de l'ennemi, la grande armée avait voulu finir en lui infligeant un grand châtiment. Dix - huit mille Busses furent tués à Friedland ; on en fit prisonniers quarante mille. Cette bataille décisive conduisit à la possession de Koenigsberg, dont les immenses approvisionnemens en tout genre, joints aux richesses trouvées à Dantzick, suffirent pour remonter l'armée, infanterie et cavalerie. Le roi de Prusse avait définitivement tout perdu. L'empereur Alexandre venait de recevoir une nouvelle leçon. Ils entrèrent alors plus franchement en négociation. Un armistice fut conclu à TILSIT le 21 juin.

PROCLAMATION.

L'empereur à la grande armée.

Soldats, le 5 juin nous avons été attaqués dans nos cantonnemens par l'armée russe. L'ennemi s'est mépris sur les causes de notre inactivité. Il s'est aperçu trop tard que notre repos était celui du lion; il se repent de l'avoir trouble.

» Dans les journées de Guttstadt, de Heilsberg; dans celle à jamais mémorable de Friedland; dans dix jours de campagne enfin nous avons pris cent vingt pièces de canon, sept drapeaux; tué, blessé ou fait prisonniers soixante mille Russes; enlevé a l'armée ennemie tous ses magasins, ses hôpitaux, ses ambulances, la place de Koenigsberg, les trois cents bâtimens qui étaient dans ce port, chargés de toute espèce de munitions,

cent soixante mille fusils que l'Angleterre envoyait pour armer nos ennemis.

» Des bords de la Vistule nous sommes arrivés sur ceux du Niemen avec la rapidité de l'aigle. Vous célébrâtes à Austerlitz l'anniversaire du couronnement; vous avez cette année dignement célébré celui de la bataille de Marengo, qui mit fin à la guerre de la seconde coalition.

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Français, vous avez été dignes de vous et de moi. Vous rentrerez en France couverts de tous vos lauriers, et après avoir obtenu une paix glorieuse qui porte avec elle la garantie de sa durée. Il est temps que notre patrie vive en repos à l'abri de la maligne influence de l'Angleterre! Mes bienfaits vous prouveront ma reconnaissance et toute l'étendue de l'amour que je vous porte.

» Au camp impérial de Tilsit, le 22 juin 1807. Signé NAPOLÉON. »

C'est à Tilsit que les deux maîtres de l'Europe en régleront le partage et les destinées; et c'est à la sollicitation de l'empereur de Russie, à l'amitié de l'empereur des Français pour ce czar que le roi de Prusse obtiendra de recouvrer sa couronne et les deux tiers environ des états qu'il possédait avant la guerrc. Cette amitié sera funeste aux Polonais : ils avaient reçu les Français comme des libérateurs; dans un de ses bulletins (voyez plus haut, page 321), Napoléon avait donné l'espoir que cette grande nation reprendrait son existence et son indépendance: mais il n'entrera pas dans les calculs des deux empereurs de rétablir le royaume de Pologne, dont l'ancienne capitale ne sera soustraite à un joug que pour se courber sous un autre. Varsovie et les pays dépendans de cette grande cité, enlevés à la Prusse, seront érigés en un grand duché donné au roi de Saxe: ces pays comprenaient près de quatre millions d'habitans. Une autre partie de la Pologne entrera dans le nouveau royaume de Westphalie. Ainsi les malheureux Polonais encore une fois sacrifiés, n'auront changé que de domination.

La première entrevue de Napoléon avec Alexandre eut lieu sur le Niémen, le 25 juin. Un pavillon, élevé sur un radeau au milieu du fleuve, avait été préparé pour les recevoir; leurs armées bordaient les deux rives. En s'abordant ils se sont étroitement embrassés. Ils restèrent ensemble deux heures: Napoléon croyait faire un ami digne de lui: Alexandre se croyait l'égal d'un grand homme. Quoi qu'il en soit de cette double erreur, la scène du Niémen sera retracée dans l'histoire.

Ce fleuve fut témoin de plusieurs entrevues semblables: le roi de Prusse Ꭹ fut admis à la seconde. Les trois monarques occupèrent ensuite chacun un palais dans Tilsit. Ils curent de fréquentes et

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longues conférences. Dans leurs visites d'apparat Napoléon se montra avec le grand cordon de l'ordre de Saint-André, et Alexandré avec le grand cordon de la Légion-d'Honneur. Ils dinèrent souvent ensemble, mais toujours chez Napoléon. La reine de Prusse vint à Tilsitt; aussitôt arrivée, elle reçut une visite de Napoléon, et prit part à ses Banquets: Napoléon avait porté la santé de cette princesse dans le premier diner qu'il donna à son époux. La reine de Prusse ne pouvait ignorer les bulletins qui l'accusaient de la guerre, révélaient ses intrigues et même les secrets présumés de son cœur ; elle dút rougir en se trouvant à table entre Napoléon et le bel Alexandre (1), et en présence de son mari. L'empereur de Russie fit passer le Niémen å une douzaine de baskirs, qui exécutèrent devant Napoléon un Concert à la manière de leur pays.

Les trois monarques restèrent vingt jours à Tilsit. Ils y signèrent la paix. En se quittant Napoléon et Alexandre se donnèrent publiquement les assurances de l'amitié qu'ils s'étaient jurée. Alexandre conféra les ordres de son empire à plusieurs Français; Napoléon honora les troupes russes en décorant du signe de sa Légion quelques uns de leurs chefs. Il se fit amener le soldat russe de la garde impériale qui s'était le plus distingué, et lui donna l'aigle d'or en témoignage de son estime pour cette garde. Il fit présent de son portrait à l'hetman des cosaques, Platow. Enfin la garde impériale française donna un dîner à la garde impériale russe.

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L'empereur Napoléon était de retour à Paris le 27 juillet. Pour la première fois les Français avaient vu, non pas les Russes, mais les hordes du nord de l'Asie, dont quelques-unes combattirent encore avec des flèches, ce qui donna un spectacle fort gai à la grande armée. L'épouvante qui avait précédé ces bandes s'était dissipée devant les aigles françaises; elles avaient tout soumis, et détruit tous les prestiges. Mais dans les circonstances où venaient de se montrer tant de peuples divers, on a pu les apprécier, soit avant les combats, soit dans les défaites, soit surtout dans leur conduite envers les blessés et les prisonniers. Hé bien, à l'exception des cosaques, qui sont voleurs, lâches et cruels,, la qualification de barbares n'est pas restée dans cette guerre aux hommes de l'empereur de Russie; elle fut méritée par les Prussiens.

Voici les principales bases des traités de paix.

Dans le traité avec la Russie, conclu à Tilsit le 7 juillet 1807, ratifié le 9, il est dit :

et

« S. M. l'empereur Napoléon, par égard pour S. M. l'em

(1) Expression d'un bulletin.

-

pereur de toutes les Russies, et voulant donner une preuve du désir sincère qu'il a d'unir les deux nations par les liens d'une confiance et d'une amitié inaltérables, consent à restituer à S. M. le roi de Prusse, allié de S. M. l'empereur de toutes les Russies, tous les pays, villes et territoires conquis et dénommés ci-après, etc. (Le roi de Prusse perdait entr'autres les provinces qu'il avait obtenues dans le célèbre partage de' la Pologne; elles étaient données en toute propriété et souveraineté au roi de Saxe, et formaient en partie te grand duché de Varsovie.) — La ville de Dantzick, avec un territoire de deux lieues de rayon autour de son enceinte, sera rétablie dans son indépendance, sous la protection de S. M. le roi de Prusse et de S. M. le roi de Saxe, et gouvernée par les lois qui la régissaient à l'époque où elle cessa de se gouverner elle-même.-S. M. l'empereur Napoléon accepte la médiation de S. M. l'empereur de toutes les Russies à l'effet de négocier et conclure un traité de paix définitive entre la France et l'Angleterre, dans la supposition que cette médiation sera aussi acceptée par l'Angleterre un mois après l'échange des ratifications du présent traité. L'empereur de toutes les Russies reconnaît S. M. le roi de 'Naples Joseph Napoléon et S. M. le roi de Hollande Louis Napoléon.

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entrer.

S. M. l'empereur de toutes les Russies reconnaît pareillement la Confédération du Rhin, l'état actuel de possession de chacun des souverains qui la composent, et les titres donnés à plusieurs d'entre eux soit par l'acte de Confédération, soit par les traités d'accession subséquens. Sadite Majesté promet de reconnaître, sur les notifications qui lui seront faites de la part de S. M. l'empereur Napoléon, les souverains qui deviendront ultérieurement membres de la Confédération, en la qualité qui leur sera donnée par les actes qui les y feront S. M. l'empereur de toutes les Russies cède en toute propriété et souveraineté à S. M. le roi de Hollande la seigneurie de Jever, dans l'Ost-Frise.-S. M. l'empereur de toutes les Russies reconnaît aussi S. A. I.. le prince Jérôme Napoléon comme roi de Westphalie. Le royaume de Westphalie sera composé des provinces cédées par S. M. le roi de Prusse à la gauche de l'Elbe, et d'autres états actuellement possédés par S. M. l'empereur Napoléon. Les troupes russes se retireront des provinces de Valachie et de Moldavie, et S. M. l'empereur de Russie accepte la médiation de S. M. l'empereur des Français à l'effet de négocier une paix définitive entre la Russie et la Porte Ottomane. -S. M. l'empereur des Français et S. M. l'empereur de toutes les Russies se garantissent mutuellement l'intégrité de leurs possessions et celle des puissances comprises au présent traité de paix.

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