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Pendant ce rapide espace de temps, malgré les barrieres opposées par les places fortes, l'hiver et la contrariété du temps, l'armée française, dans cette première partie de la campagne, a parcouru dans sa route victorieuse plus de trois cents lieues de pays, fait deux cent mille prisonniers, pris quatre mille huit cents canons, quatre cents drapeaux, conquis la Prusse, occupé la Pologne, menacé la Russie. Les forteresses de la Prusse tombaient les unes à la suite des autres; Stettin, Custrin, Magdebourg, Breslau, Glogau, Brieg, Nieubourg, avaient capitulé. Les débris d'une armée fugitive avaient rendu les armes, et l'électorat d'Hanovre, tour à tour confié en dépôt à la Prusse par l'Angleterre, ou disputé entre ces deux états, était retombé sous la puissance de la France.

>> La Pomeranie suédoise était occupée. La Pologne, encouragée par l'éclat de ces triomphes, s'était élevée contre ses oppresseurs; elle armait ses généreux soldats, souvent témoins et compagnons de la valeur française.

"La Perse et l'empire Ottoman, éveillés par le bruit de ces triomphes, saisissaient avec ardeur l'occasion offerte de secouer le joug d'une longue oppression, et l'Asie entière se soulevait à la voix de l'empereur pour seconder ses desseius. Le Bosphore était devenu libre par l'apparition et la fuite d'une flotte anglaise.

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Schweidnitz, Neyss, Kopel avaient été pris pendant le repos de l'hiver. Dautzick, qui semblait être l'objet de la campagne, venait de succomber. Les lauriers de Friedland ont amené la paix de Tilsitt: Friedland, nom immortel que la France répète avec orgueil avec ceux de Marengo, d'Austerlitz et d'léna! Tilsitt, si cher aux peuples de l'Europe, qui ont enfiv vu le terme des longues calamités d'une guerre si souvent renouvelée! On conservera à jamais le souvenir de cette circonstance mémorable qui rapprocha et réunit deux puissans souverains. Ils seront fidèles aux engagemens qu'ils ont contractés. Puissent les événemens, que les princes ne maîtrisent pas toujours, seconder leurs vœux et maintenir cet accord qui garantit le repos du monde ! Alors ces jours si longtemps et si vainement appelés par la philantropie auront lui pour la terre; le bonheur du genre humain aura cessé d'être un rêve; il datera de l'entrevue du Niémen

» Je rappelle ces faits sans prétendre les décrire. Ils sont consignes dans les bulletins, cette partie brillante de nos annales, qui, rédigés par ceux mêmes qui furent témoins de tant de prodiges, pourront seuls rendre croyables à la postérité tant de merveilleux événemens. Vous les avez lus dans vos départemens avec l'enthousiasme qu'excite la gloire parmi des

Français; ils sont présens à votre mémoire, et mon faible pin- ceau n'égalerait pas les souvenirs qu'ils vous ont laissés.

>> Examinez le résultat de tant d'événemens mémorables.

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Voyez comment une sage politique a resserré tous les liens qui unissaient à la France des états que rapprochaient d'elle leurs propres intérêts. Les princes placés sur les rives du Rhin, qui pendant les longues dissensions de l'Allemagne n'avaient trouvé de protection efficace que celle de la France, ont changé en une convention durable ces rapports passagers; confédérés entre eux, unis à la France sans en dépendre, ils ont fixé le règne de la concorde sur un rivage trop longtemps ensanglanté. L'Allemagne entière est toute dévouée ou soumise. La Saxe á été délivrée du joug pesant de la Prusse après cinquante ans d'oppression, le traité de Posen lui a rendu son indépendance; son territoire, agrandi, et protégé par la France, sera aussi inviolable que celui du Rhin; nos aigles le défendent contre tout ennemi. Les acclamations des peuples, l'estime et l'amitié d'un souverain vertueux, ont été dans cette heureuse contrée la plus douce de nos conquêtes.

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» La portion de la Pologne qui avait mérité notre reconnaissance a acquis son indépendance et recouvré ses droits; une constitution sage et libérale remplace son anarchie cons-titutionnelle. Cette généreuse noblesse, qui de son propre mouvement a marché au-devant de son législateur pour rendre la liberté à ses compatriotes, a acquis de nouveaux titres à l'estime de l'Europe. Trois millions d'hommes sont redevenus libres, et ont retrouvé une patrie. Cet article seul de ses lois nouvelles place la constitution de Pologne sous la garantie de tout ce qui professe en Europe des idées libérales et des sentimens élevés.

» Cette noble paix semble avoir été faite pour l'intérêt de l'humanité et de l'Europe entière; le vainqueur n'a stipulé pour lui aucun avantage. Dantzick a été rendue au commerce et à la liberté ; la navigation de la Vistule a été dégagée de ses entraves; un juste équilibre a été réglé entre des princes voisins; tout ce qui doit les unir a été établi; tout ce qui pouvait les diviser a été écarté. Un nouveau royaume a été fondé: il sera le lien de la France avec des contrées plus lointaines; il donnera l'existence à un peuple qui, divisé entre un si grand nombre de souverains, n'avait pas même un nom; les habitans de tant de petits états auront enfin une patrie; ils seront gouvernés par un prince français.

» Naples, à qui plus d'une fois la valeur française donna et ses lois et ses princes, Naples doit aussi à un prince français tous les biens d'une administration douce et équitable, d'un

gouvernement régulier, d'une politique invariable; l'ordre règne dans ses murs, la paix dans ses campagnes : le caractère de son prince promet à cet état d'heureuses destinées.

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»La Hollande, aspirant enfin à terminer des essais de constitutions politiques que la condescendance avaient admis, que la patience avait prolongés, a sagement adopté un gouvernement propre à diriger vers un but utile les moyens et les ressources qui lui restent. Déjà elle attend du prince qu'elle s'est donné le rétablissement de son antique gloire et de sa longue prospérité; douce espérance, qui lui fait oublier toutes ses pertes, et semble ranimer l'énergie et l'activité de e peuple industrieux. Uni de sentimens comme d'intérêts au peuple français, il déplore comme lui un malheur domestique qui leur est commun: sous le règne d'un bon prince, ce sont presque les seuls maux qu'un peuple fidèle puisse redouter. De tous côtés, au-delà des Alpes et des Pyrénées, de la mer du Nord jusqu'au golfe de Tarente, de l'embouchure de l'Elbe jusqu'aux sources de l'Inn, la France ne se trouve plus environnée que d'une vaste chaîne de peuples amis, que ses armes avaient subjugués, que la sagesse de son chef a rendus à l'indépendance et au bonheur; et si cette sage et humaine politique, préparée depuis plusieurs années, n'a pu prévenir la guerre dernière, du moins en a-t-elle reculé le théâtre à une immense distance de nos frontières. La France, tranquille lorsque l'Europe était dévastée par la guerre, tout entière au sentiment de sa force, envisageait l'avenir avec cette sécurité que donne le souvenir du passé, désirant la paix sans être fatiguée de la guerre, et prête à suivre les hautes destinées que Jai préparait celui en qui elle a mis sa confiance, sa gloire et son amour. Cette attente d'un grand peuple a été remplie, ses espérances surpassées; le moment de la prospérité est venu : qui oserait en fixer les limites?

» Tel est le tableau que j'ai eu à mettre sous vos yeux. Plusieurs branches de l'adininistration perfectionnées ; les finances dans l'état le plus heureux; la France, seule entre tous les états de l'Europe, n'ayant pas de papier-monnaie; son commerce, au milieu d'une stagnation inévitable, conservant toutes ses espérances, et préparant les germes de sa prospérité future; nos colonies maintenues dans un état qui doit un jour enrichir la métropole ; les armes de la France portées par une suite de succès sans exemple jusqu'aux extrémités de l'Europe; son influence s'étendant au delà du Bosphore, et jusqu'au milieu du continent de l'Asie; le plus graud ordre, la plus profonde tranquillité régnant dans son intérieur lorsque son

souverain a été pendant dix mois éloigné de six cents lieues ; l'Europe étonnée, nos ennemis confondus; l'Angleterre restant seule chargée du fardeau de la guerre et de la haine des peuples: telles sont, messieurs, les opérations d'une année, et les espérances de celle qui va suivre. Ce tableau s'embellira du bien que vous allez faire, et sans doute vous vous trouverez heureux d'avoir à concourir à l'accomplissement des vœux d'un souverain qui, parvenu au plus haut degré de gloire auquel un morte! puisse arriver, fonde son bonheur sur le bonheur de son peuple, et n'ambitionne d'autre récompense de tant de pénibles travaux, de soins infatigables, d'inquiétudes et de dangers, que l'amour de ses sujets et le suffrage de la postérité. »

TRIBUNAT; sa suppression.

législative.

CLÔTURE de la session

SÉANCE DU TRIBUNAT DU 18 SEPTEMBRE 1807.

DISCOURS de M. Bérenger, conseiller d'état.

l'heureux assem

«En abordant cette tribune, illustrée par blage du talent, des lumières et de la sagesse, où éprouve une émotion profonde; de grands souvenirs se présentent à l'esprit celui du 18 brumaire nous montre le terme des malheurs de la France, et l'origine de sa puissance et de sa félicité. Il vous souvient, messieurs, de l'époque à jamais mémorable où le retour d'un grand homme prévint la dissolution de cet Empire, aujourd'hui si florissant! Vos vœux avaient devancé l'exécution de ses desseins; plusieurs d'entre vous contribuèrent au succès de la révolution qui fit cesser les désordres révolutionnaires, et tous applaudirent à ses résultats. Bientôt après vous vîtes s'ouvrir devant vous une vaste carrière; le Tribunat fut institué conseil du peuple, et son organe auprès du Corps législatif. Il fut chargé de défendre les principes constitutionnels et d'appeler par ses vœux les réformes salutaires, les institu tions utiles et tous les genres d'amélioration. Vous devîntes possesseurs de cette tribune, si terrible autrefois, dont vous avez conservé tout l'éclat et purifié l'usage. Dès l'ouverture de vos séances l'attention publique se fixa sur vos délibérations ; l'emploi que vous alliez faire de tant et de si importantes attributions fut considéré comme l'augure de nos destinées : vous vous empressâtes de répondre à cette interrogation silencieuse et solennelle. Les résultats de vos premières discussions annoncèrent aux factieux qu'ils devaient renoncer à leurs desseins, et perdre toute espérance: ils firent apercevoir à la nation

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tout ce qu'elle pouvait attendre de votre zèle, de vos lumieres et de votre sagesse ; ils montrèrent au gouvernement qu'il trouverait en vous des conseils éclairés. Notre auguste monarque apprécia le mérite d'une telle conduite, et il ne cessa messieurs, de vous accorder la plus honorable confiance. C'est ainsi que s'établit ce concert entre les premières autorités qui fit du Tribunat, du Corps législatif, du Sénat et du gouvernement une seule puissance. Cette heureuse union répandit dans l'intérieur le calme, la confiance et la sécurité; elle déconcerta les manoeuvres perturbatrices de ce cabinet perfide et corrupteur qui nous faisait depuis si longtemps une guerre de brigandage; elle accéléra le grand ouvrage de notre réorganisation politique, civile, administrative et judiciaire. Qui pourrait énumérer les biens qu'elle a produits et les événemens mémorables auxquels elle a contribué ? Sans doute la conception et l'exécution principale des travaux immortels qui ont placé la nation française au premier rang des peuples civilisés appartient au génie qui la gouverne; on lui doit l'établissement de ce grand système politique qui nous unit au reste de l'Europe par des convenances réciproques, système impérissable , parce qu'il est fondé sur l'intérêt de tous les peuples, et qu'il offre à tous les gouvernemens une solide garantie; mais vous avez su, messieurs, vous associer à tant de gloire, et mériter l'estime et la bienveillance de l'empereur en l'aidant de votre influence. Vous avez.appelé la jeunesse française au champ d'honneur, et annoncé par des vœux prophétiques cette immortelle victoire qui dans l'espace de quelques heures nous rendit l'Italie, et prépara la paix continentale. Une inspiration encore plus sublime et plus salutaire vous fit inviter le Sénat et le peuple à placer la couronne impériale sur la tête de Napoléon, à rendre pour jamais impossible le retour du régime féodal, à consolider les bienfaits de la révolution en fondant une nouvelle dynastie. Appelés à défendre notre systeme politique, vous avez plus fait, messieurs, vous avez demandé les institutions qui doivent en éterniser la durée.

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En rappelant cette époque, précédée de grands événemens et illustrée par de plus grands résultats, je suis frappé de ce géné→ reux désintéressement qui pendant le cours de vos intéressans et utiles travaux vous a rendus inaccessibles aux suggestions de l'intérêt personnel, et vous a constamment inspiré le noble sacrifice de toutes les considérations étrangères au bien de la trie. Parmi les améliorations que notre charte constitutionnelle a reçues depuis l'an 8, on distinguera celles qui concernent l'organisation de la législature; le plus beau trait de votre gloire sera d'en avoir les premiers senti l'utilité, et de les avoir pré

pa

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