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vec joie leurs lumières et leur expérience. Sous un nom tout populaire, le Tribunat fut monarchique; ici, sous un autre om, il restera populaire; et nous servirons ensemble, d'un zèle égal, la nation et le monarque.

» La majesté des assemblées nationales va renaître sans langer sous les auspices d'un grand homme; ces enceintes, maguère accoutumées à tant de clameurs, s'étonnaient de leur silence, et ce silence va cesser. Il ne faut pas sans doute que les tempêtes populaires y grondent encore; mais il convient que de graves discussions s'y fassent entendre, et la loi, soleunellement délibérée, en aura plus de poids et d'autorité. Celui qui fit taire toutes les factions ne veut point que des voix respectueuses, mais libres, soient plus longtemps enchaînées. Rendons-nous dignes d'un tel bienfait. Que la tribune soit sans orages, et qu'on n'y applaudisse qu'aux triomphes modestes de la raison; que la vérité surtout s'y montre avec courage, mais avec sagesse, et qu'elle y brille de toute sa lumière : UIL grand prince doit en aimer l'éclat ; elle seule est digne de lui; qu'en pourrait-il craindre? Plus on le regarde, et plus il s'élève; plus on le juge, et plus on l'admire. C'est avec le récit fidèle de ses actions qu'un jour l'histoire et la postérité, impartiales, composeront le plus beau de ses éloges.

XII.

>>

ÉMIGRATION DE LA MAISON DE BRAGANCE. OCCUPATION DU PORTUGAL PAR LES TROUPES FRANÇAISES.

SÉNAT.

Séance du 16 janvier 1808, présidée par l'archi-chancelier.

Pièces communiquées au Sénat dans cette séance.

Premier RAPPORT fait à l'empereur par le ministre des relations

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extérieures.

Sire, le traité de Tilsit avait rétabli la paix du continent; il donnait l'espérance de la paix maritime. Deux grandes puissances se réunissaient pour la rendre au monde : Votre Majesté la proposait à l'Angleterre ; la Russie offrait sa médiation: qui n'eût pensé que la France et l'Europe allaient jouir du repos auquel elles aspirent, et que les vœux de Votre Majesté pour arriver à cet unique et noble but de ses travaux, triomphes, de ses innombrables sacrifices, seraient enfin rem

de ses

plis? Mais une fureur nouvelle s'était emparée de l'Angleterre. Irritée par la paix du continent, elle a rejeté la médiation de la Russie avec des formes insultantes pour cette grande puissance, et à ces paroles de paix que Votre Majesté avait fait entendre, elle a répondu par l'expédition de Copenhague. Ainsi elle a mis le comble aux hostilités qu'elle exerce depuis longtemps contre tous les neutres, insultant leur pavillon, attaquant leur commerce et leur indépendance.

» Votre Majesté, contre qui ce système odieux était dirigé, était sans doute en droit d'appeler les puissances du continent à maintenir leur neutralité contre l'Angleterre, et à ne plus servir d'instrument à la jalouse haine de cette puissance; elle était en droit de demander à toute l'Europe de concourir au rétablissement de la paix des mers, dont l'Europe éprouve si impérieusement le besoin, et à l'affermissement du véritable droit des gens maritime, que l'Angleterre déclare hautement ne plus respecter. Et quelle ligue serait plus justifiée par l'humanité et commandée par des intérêts plus chers aux nations!

» Les Anglais méconnaissent la souveraineté de tous les gouvernemens: tous les gouvernemens doivent donc se mettre en état de guerre contre les Anglais; ils le doivent au sentiment de leur dignité; ils le doivent pour soutenir l'honneur de leurs peuples; ils le doivent pour remplir toutes les obligations qui lient entre eux les souverains de l'Europe.

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L'Angleterre viole les droits des souverains lorsqu'elle oblige les bâtimens navigant sous le pavillon d'une autre puissance à recevoir la visite des vaisseaux anglais, à se détourner de la route où les conduit leur commerce, et de la destination autorisée par leur souverain; lorsque ces bâtimens sont entraînés dans les ports d'Angleterre, et que, sans égard pour les expéditions dont ils sont munis et pour le pavillon qu'ils portent, les Anglais les traitent comme s'ils étaient sans aveu et sans garantie.

et

» Par les règles de blocus que les Anglais ont établies, ils ont insulté à l'indépendance de tous les pavillons; ils ont violé le droit public de tous les temps, qui ne déclare une place en état de blocus que lorsqu'elle est investie par terre et par mer, exposée au péril d'être prise : le droit de blocus permet alors d'empêcher qu'une place ne reçoive des secours et n'entretienne avec le dehors des communications. Mais en l'étendant à des ports non bloqués, à des empires entiers, à des côtes immenses, sur lesquelles ils avaient à peine quelques bricks, quelques frégates, les Anglais ont attaqué non seulement leurs ennemis, mais toutes les nations neutres, dont la dignité, même le devoir, sont de faire respecter leurs droits.

» Il n'est aucun souverain de l'Europe qui ne reconnaisse que si son territoire, sa juridiction venaient à être violés au détriment de Votre Majesté, il n'en fût responsable. Si un vaisseau français était saisi dans le port de Trieste ou dans celui de Lisbonne, le gouvernement de Portugal et le souverain à qui Trieste appartient auraient à regarder comme un outrage personuel cette violence et ce dommage causé à des sujets de Votre Majesté; ils ne pourraient hésiter à contraindre par la force l'Angleterre à respecter leurs ports et leur territoire. S'ils tenaient une conduite contraire, ils se constitueraient com→ plices du tort fait par l'Angleterre à vos sujets; ils se constitueraient en état de guerre avec Votre Majesté.

>>

» Quand le gouvernement portugais a souffert que ses bâtimens fussent visités par les vaisseaux anglais, son indépendance a été violée, de son consentement, par l'outrage fait à son pavillon, comme elle l'aurait été si l'Angleterre avait violé son territoire ou ses ports.

» Les vaisseaux d'une puissance sont comme des portious de son territoire qui flottent sur les mers, et qui, couvertes de son pavillon, doivent jouir de la même indépendance, être défendues contre les mêmes atteintes.

» Cette conduite du Portugal donnait à Votre Majesté le droit de lui proposer l'alternative, ou de faire cause commune avec elle, en maintenant les droits de son pavillon et en déclarant la guerre à l'Angleterre, ou d'être considéré comme complice du mal qui résulterait de cette violation pour les intérêts de Votre Majesté.

» Partout.on a reconnu la nécessité de prendre contre l'Angleterre des dispositions semblables, de lui fermer tous les ports, de lui appliquer par représailles l'inhospitalité de ses principes. L'ennemi du continent doit être mis en interdit au milieu des mers, dont il prétend se réserver l'empire.

» Dans cette position, toutes les puissances pouvaient et devaient attendre l'une de l'autre un mutuel appui. La désertion de l'une d'entre elles était une infraction aux lois de confiance et d'intérêt qui les unissaient toutes; elle rompait la chaîne protectrice étendue autour du continent; elle ouvrait au cominerce de l'Angleterre un coupable accès, quand tous les autres états concertaient leurs efforts pour enlever à leur ennemi commun le marché de l'Europe.

» Et dans quel moment le Portugal a-t-il trahi la cause du continent? L'Angleterre devait-elle espérer encore un allié, lorsqu'exerçant ses violences sur toutes les mers elle menaçait le nouveau monde comme l'ancien, attaquait sans motif d'agression le pavillon des Américains, et inondait de leur sang

leurs propres rivages; lorsque, honteusement fameuse par les désastres de Copenhague, qu'elle a surpris au milieu de la paix et sans défense, elle cherchait dans le pillage de ses arsenaux quelques tristes et sanglantes dépouilles !

Mais le scandale de cet accord du gouvernement portugais avec l'Angleterre remonte à d'autres temps. Lorsque l'Angleterre méditait, en 1806, de rallumer en Europe la guerre que Votre Majesté a si glorieusement terminée, elle envoya une flotte à Lisbonne,; les ministres eurent des conférences : le temps en a dévoilé le but et les résultats.

» Les escadres anglaises envoyées dans la rivière de la Plata n'ont-elles pas relâché à Janéiro? Les troupes qu'elles avaient jetées à Buenos-Ayres, à Monte-Video, n'ont-elles pas reçu du Brésil des approvisionnemens? Ces secours éloignés pouvaient échapper à l'attention de l'Europe; mais elle a vu le Portugal recueillir, ravitailler dans ses ports les vaisseaux anglais destinés au blocus de Cadix, ceux qui allaient attaquer Constantinople et l'Égypte, ceux qui devaient débarquer des troupes dans le royaume de Naples pour y faire éclater la révolte, ceux qui devaient introduire des marchandises anglaises sur toutes les côtes de la Méditerranée, quoique le Portugal sût que tous les ports du midi leur étaient fermés.

Un consul français, que le Portugal avait reconnu et adinis à exercer ses fonctions dans le port de Faro, a été arraché de sa maison par l'intendant des douanes; il a été traîné dans les cachots; il n'en est sorti que pour être exilé; et le gouvernement portugais s'est refusé pendant trois mois. à réparer cet outrage.

»Des protestations de neutralité voilaient mal cette conduite hostile. La cour de Lisbonne eut à s'expliquer sans détour: Votre Majesté lui proposa d'accéder au système du continent; à ce prix elle aurait tout oublié.

"

Le Portugal, s'il embrassait ce système, devait à Votre Majesté une garantie de ses dispositions, et puisqu'il avait permis que des Français et des propriétés françaises fussent enlevés par les Anglais à bord de ses bâtimens, il devait, sur la demande de Votre Majesté, arrêter les Anglais voyageant en Portugal, et saisir les marchandises anglaises comme otages pour vos sujets, comme indemnités pour leurs pertes.

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Mais, loin de déférer aux propositions de Votre Majesté, le gouvernement portugais n'a eu d'autre sollicitude que d'en instruire la cour de Londres, de tranquilliser l'Angleterre sur ses intérêts, de lui garantir la sûreté des Anglais et de leurs propriétés en Portugal. Il n'avait protégé ni les Français ni leur commerce la personne et le commerce de leurs

ennemis ont continué d'être libres et favorisés. On promet bien de s'unir à la cause du continent, même de déclarer la guerre à l'Angleterre; mais on veut la faire pour ainsi dire de concert avec elle; lui fournir, sous des apparences hostiles, les moyens de continuer son commerce avec le Portugal, et par le Portugal avec le reste de l'Europe; genre de guerre équivalent à une neutralité perfide. On demande des secours à l'Angleterre, et pour gagner du temps on essaie de tromper Votre Majesté par de vaines déclarations; on allègue des scrupules sur quelques unes des conséquences de la guerre, lorsqu'on n'en a plus sur la guerre même qui brise tous les

liens.

>> En vain Votre Majesté, daignant condescendre à ces prétendus scrupules, a modifié ses premières demandes : les mêmes refus se renouvellent. Le Portugal fait des promesses; mais il en retarde l'exécution sous divers prétextes; tantôt c'est le prince de Beyra, un enfant de douze ans, qu'on veut envoyer au Brépour défendre cette colonie; tantôt c'est une escadre attendue de la Méditerranée qu'on veut mettre en sûreté dans le Tage.

sil

»Ainsi le Portugal, embarrassé dans ses artifices, et prenant avec la cour de Londres des engagemens réels et utiles aux Anglais, avec la France des engagemens vagues et simulés attend les secours et les conseils de l'Angleterre, cherche à éloigner les menaces du continent, et, s'humiliant devant l'un et l'autre, remet en aveugle au sort des événemens les intérêts, peut-être même l'existence d'une nation qui lui dema nde tout entière de ne pas la livrer à une puissance si funeste à tous ses alliés.

L'époque que Votre Majesté avait fixée pour la détermination qu'elle attendait, cette époque, qu'elle avait bien voulu reculer d'un mois, est arrivée. Le Portugal a prononcé luimême sur son sort; il a rompu ses dernières communications avec le continent en mettant les légations de France et d'Espagne dans la nécessité de quitter Lisbonne. Ainsi se dévoilent ses intentions hostiles, que masquait faiblement un langage de perfidie et de duplicité. Non seulement les Anglais et leurs marchandises ont été mis en sûreté, mais les préparatifs militaires que fait le Portugal sont dirigés contre la France; il n'attend pour éclater que l'arrivée de l'escadre et de l'armée anglaises qui ont dépouillé le Danemarck : folle espérance, qui, si elle était réalisée, mettrait le comble à tous ses maux. Votre Majesté le verra avec douleur se ranger parmi ses ennemis; mais elle ne peut plus considérer comme une puissance amie ni comme une puissance neutre celle qui a renoncé à son indépendance, qui a

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