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SÉNAT.

"

Séance du 11 mars 1808, présidée par l'archi-chancelier.

DISCOURS du président.

Messieurs, les statuts que je vous apporte, et que S. M. impériale et royale a voulu vous communiquer, doivent donner le mouvement et la vie au système créé par le senatusconsulte du 14 août 1806.

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L'opinion publique n'est point incertaine sur les avantages de ce système.

» S'il restait encore quelques doutes à résoudre, j'aurais recours à l'expérience des siècles, et à l'autorité de l'un de nos plus grands publicistes, qui a considéré l'existence et le maintien des distinctions héréditaires comme entrant en quelque façon dans l'essence de la monarchie.

» Les prééminences qu'une telle institution établit, les rangs qu'elle détermine, les souvenirs qu'elle transmet, sont l'aliment de l'honneur; et cet honneur est en même temps le principe du gouvernement sous lequel la force du caractère national nous a ramenés.

>>

Il était donc urgent de remplir cette lacune de notre organisation politique.

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Mais, vous le savez, messieurs, le succès des établissemens auxquels se lie le sort des états dépend d'un concours de circonstances que la prudence du législateur doit saisir.

>> Il trouve des motifs d'encouragement ou d'hésitation dans le génie, dans les progrès, dans l'importance relative du peuple. auquel s'appliquent ses conceptions.

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» Les lois, les institutions ont, comme les plantes, un sol, une saison qui leur permettent de jeter de plus profondes racines.

» C'est en France surtout qu'on peut tendre avec succès tous les ressorts dirigés par l'amour de la gloire; c'est dans des temps féconds en prodiges qu'on peut pour d'autres âges consacrer les symboles que la gloire a choisis.

>> Jamais les distinctions dont il s'agit n'auront eu une source plus pure les titres ne serviront désormais qu'à signaler à la reconnaissance publique ceux qui se sont déjà signalés par leurs services, par leur dévouement au prince et à la patrie. L'Europe, témoin de nos convulsions politiques, admire les ressources du génie qui en a amené l'heureuse issue; elle est couverte de nos trophées; et son estime accueillera les

>>

noms auxquels la bienveillance de notre auguste souverain daignera ajouter un nouveau lustre.

De grands exemples imposeront aux races futures de grandes obligations, et les efforts que cette dette rendra nécessaires seront pour la France une source durable de gloire et de prospérité.

» Ces considérations ont déterminé S. M. impériale et royale à ne pas différer plus longtemps les bienfaits d'un établissement dans lequel elle a mis toute la noblesse et la grandeur de son âme.

» Les statuts que vous allez entendre présentent les conséquences et le développement du principe posé dans le sénatus

consulte.

» Le motif principal de leurs dispositions a été de donner à l'institution qu'elles ont en vue un principe d'utilité et de conservation; de tarir autour d'elles les sources de dépérissement; d'extirper, par la création des titres impériaux, les dernières racines d'un arbre que la main du temps a renversé, et qui ne pouvaient renaître sous un prince aussi grand par ses lumières qu'il l'est par sa puissance.

» Tout ce qu'il était possible de prévoir a été prévu. » Le nouvel ordre de choses n'élève point de barrières entre les citoyens.

>> Les nuances régulières qu'il établit ne portent point atteinte aux droits qui rendent tous les Français égaux en présence de la loi; elles confirment au contraire ces mêmes droits, puisqu'elles servent la morale, puisqu'elles guident l'opinion, qui s'égare souvent au défaut des démarcations fondées sur des motifs honorables.

» La carrière reste toujours ouverte aux vertus et aux talens utiles; les avantages qu'elle accorde au mérite éprouvé he nuiront point au mérite encore inconnu; ils seront au contraire autant de sujets d'espérance vers lesquels se dirigera une juste et louable émulation.

» Un premier statut spécifie les titres; il les assigne aux grandes fonctions de l'Etat et à celles qui forment les élémens du corps politique; il consolide les dernières, et accroît leur considération. Ainsi les collèges électoraux de département acquièrent plus de stabilité et d'importance par les honneurs accordés à leurs chefs, par ceux auxquels leurs membres peuvent arriver. Ce décret fait plus encore, il assure à ceux qui auront obtenu ces premiers témoignages de la satisfaction du souverain la faculté de les transmettre; il autorise les ministres de la religion à transporter à l'un de leurs neveux le titre que d'autres laisseront à leur postérité; et cette espèce

d'adoption resserrera les liens qui doivent toujours unir le sacerdoce à la grande famille de l'Etat.

» La Légion-d'Honneur ne pouvait demeurer étrangère à l'organisation qui se prépare, des dispositions spéciales en font le premier degré de cette illustre hiérarchie. Le titre qu'elle confere, tout révéré qu'il fut autrefois, semble acquérir aujourd'hui une nouvelle dignité; il devient un héritage glorieux que les enfans seront jaloux d'accroître et d'illustrer. » Le second statut règle tout ce qui concerne la formation et la conservation des majorats, ou corps de biens destinés à servir de dotation aux titres.

>> Ces biens devront être de nature à ne jamais s'altérer dans leur substance, à ne jamais décroître s'il est possible dans leur

revenu.

» Ils deviennent inaliénables. Si de justes motifs obligent de les échanger, cette faculté ne pourra être exercée qu'à la charge de les remplacer aussitôt par des biens d'une égale solidité.

» Toutes ces précautions de la sagesse, tous ces détails de la prévoyance sont confiés à un conseil destiné à éclairer la religion de S. M., et à maintenir l'accomplissement des formes conservatrices tant de l'intérêt des familles que de l'établissement des majorats.

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L'espèce de censure préliminaire dont il se trouve chargé avertira sans cesse toutes les classes de la société qu'une vie régulière et honorable est la seule route qui conduise à leur but le mérite et les talens.

» Vous verrez, messieurs, dans le rapprochement de ces deux décrets, la pensée du génie qui consolide, en les coordonnant, toutes les parties de son ouvrage.

» Le Sénat suivra avec intérêt les moyens profonds qui multiplient les supports autour de cette dynastie consacrée par les respects de l'univers, comme elle l'est par l'amour de tous les Français; il reconnaîtra surtout ce sentiment touchant qui veut fixer les incertitudes de l'avenir, et associer pour ainsi dire la gloire de la France à sa propre immortalité. »

Premier STAtut impérial..

"Napoléon, etc.; vu le senatus-consulte du 14 août 1806, nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

» Art. 1. Les titulaires des grandes dignités de l'Empire porteront le titre de prince et d'altesse sérénissime.

» 2. Les fils aînés des grands dignitaires auront de droit le titre de duc de l'Empire lorsque leur père aura institué en leur faveur un majorat produisant deux cent mille francs de revenu. » Ce titre et ce majorat seront transmissibles à leur descen

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titres héréditaires avec transmission des biens auxquels ils sont affectés.

» L'objet de cette institution a été non seulement d'entourer notre trône de la splendeur qui convient à sa dignité, mais encore de nourrir au cœur de nos sujets une louable émulation, en perpétuant d'illustres souvenirs et en conservant aux âges futurs l'image toujours présente des récompenses qui, sous un gouvernement juste, suivent les grands services rendus à l'Etat.

>>

» Désirant de ne pas différer plus longtemps les avantages assurés par cette grande institution, nous avons résolu de régler par ces présentes les moyens d'exécution propres à l'établir et à garantir sa durée.

» La nécessité de conserver dans les familles les biens affectés au maintien des titres impose l'obligation de les excepter du droit commun, et de les assujettir à des règles particulières qui, en même temps qu'elles en empêcheront l'aliénation ou le démembrement, préviendront les abus en donnant connaissance à tous nos sujets de la condition dans laquelle ces biens sont placés.

» En conséquence, et comme l'article 8 du senatus-consulte du 14 août 1806 porte qu'il sera pourvu par des réglemens d'administration publique à l'exécution dudit acte, et notamment en ce qui touche la jouissance et la conservation tant des propriétés reversibles à la couronne que des propriétés substituées en vertu de l'article ci-dessus mentionné, nous avons résolu de déterminer les principes de la formation des majorats, soit qu'elle ait lieu à raison des titres que nous aurons conférés, soit qu'elle ait pour objet des titres dont notre munificence aurait, en tout ou en partie, composé la dotation.

>> Nous avons voulu aussi établir les exceptions qui distinguent les majorats des biens régis par le Code Napoléon, les conditions de leur institution dans les familles, et les devoirs imposés à ceux qui en jouissent.

>> A ces causes, vu nos décrets du 30 mars etle senatus-consulte du 14 août 1806, notre Conseil d'état entendu, nous avons décrété et ordonné, décrétons et ordonnons ce qui suit, etc. ́»

Le Sénat nomme MM. Lacépède, le maréchal duc de Dantzick (Lefebvre), le cardinal Fesch, Laplace et Monge, pour former une commission qu'il charge de la rédaction d'une adresse en réponse aux communications qui viennent d'être faites. Le lendemain, 12 mars 1808, la commission propose, par l'organe de M. Lacepède, l'adresse ci-après, que le Sénat adopte immédiatement.

ADRESSE du Sénat à l'empereur el roi.

Sire, le Sénat vient présenter à Votre Majesté impériale et royale le tribut de sa respectueuse reconnaissance pour la bonté qu'elle a eue de lui faire communiquer, par S. A. S. le prince archichancelier de l'Empire, les deux statuts relatifs à l'érection des titres impériaux établis par les décrets du 30 mars 1806, et par le senatus-consulte du 14 août de la même année. Par cette grande institution, Sire, Votre Majesté vient d'imprimer le sceau de la durée à toutes celles le que peuple français doit à la haute sagesse de Votre Majesté impériale et royale.

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>> A mesure, Sire, que l'on observera les rapports mutuels qui enchaînent les différentes parties, si multipliées, et néanmoins si bien coordonnées, de ce grand ensemble élevé par Votre Majesté ; à mesure que le temps, qui seul peut montrer toute l'étendue des bienfaits de Votre Majesté, développera les conséquences de la nouvelle institution qu'elle donne à l'Empire, quels effets ne verra-t-on pas de la prévoyance tutélaire de Votre Majesté impériale et royale?

» Un nouveau prix ajouté à toutes les récompenses que Votre Majesté ne cesse de décerner au mérite, dans quelque obscurité que le hasard de la naissance l'ait placé, et quelle que soit la diversité des services rendus à l'Etat; de nouveaux motifs d'imiter de grands exemples; de nouveaux liens de fidelité, de dévouement et d'amour envers la patrie, le souverain et sa dynastie; un accord plus grand entre nos institutions et celles des peuples confédérés ou amis; les pères récompensés dans ce qu'ils ont de plus cher ; les souvenirs de familles rendus plus touchans ; la mémoire des aïeux devenue plus sacrée; l'esprit d'ordre, d'économie et de conservation fortifié par l'intérêt le plus naturel, celui de ses descendans; les premiers corps de l'Empire et la plus noble des institutions plus rapprochés et plus réunis; toute crainte du retour d'une odieuse féodalité à jamais bannie; tout souvenir étranger à ce que vous avez fondé évanoui pour toujours; la splendeur des familles devenue la réflexion de quelques uns des rayons émanés de votre couronne; l'origine de leur illustration rendue contemporaine de votre gloire; le passé, le présent et l'avenir se rattachant à votre puissance, de même que, dans les conceptions sublimes du plus grand poète de l'antiquité, le premier anneau de la chaîne des destinées était dans la main du plus puissant des dieux, tels sont, Sire, les résultats de l'institution à laquelle le génie de Votre Majesté vient de donner le mouve

ment.

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