Page images
PDF
EPUB

lerie légère; la province de l'Estramadure, qui rendit en ce genre des services si importans au roi Philippe V, verraient-ils avec indifférence la cavalerie du roi d'Espagne réduite et incomplète faute de chevaux? Non, je ne le crois pas ; j'espère au contraire qu'à l'exemple des illustres aïeux de la génération présente, qui servirent l'aïeul de notre roi actuel par des levées a'hommes et de chevaux, les petits-enfans de ces braves s'empresseront aussi de fournir des régimens ou des compagnies d'hommes habiles dans le maniement du cheval pour être employés au service et à la défense de la patrie tant que durera le danger actuel. Une fois pass?, ils rentreront pleins de gloire au sein de leurs familles. Chacun se disputera l'honneur de la victoire : l'un attribuera à son tras le salut de sa famille; l'autre celui de son chef, de son pirent ou de son ami; tous enfin s'attribueront le salut de la patrie. Venez, mes chers compatriotes! venez vous ranger sois les bannières du meilleur des souverains; venez, je vous accueillerai avec reconnaissance : je vous en offre dès aujourd'hui l'hommage, si le dieu des victoires nous accorde une paix leureuse et durable, unique objet de uos vœux. Non, vous ne ederez ni à la crainte ni à la perfidie; vos cœurs se fermerontà toute espèce de séduction étrangère. Venez, et si nous ne sommes pas forcés de croiser nos armes avec celles de nos einemis, vous n'encourrez pas le danger d'être notés comme suspects, et d'avoir donné une fausse idée de votre loyauté,de votre honneur, en refusant de répondre à l'appel que je vous fais.

» Mais si ma voix ne peutréveiller en vous les sentimens de votre gloire, soyez vos propes instigateurs; devenez les pères du peuple, au nom duquel je vous parle; que ce que vous Jui devez vous fasse souvenir de ce que vous vous devez à vousmêmes, à votre honneur, eti la religion sainte que vous professez!

» Au palais royal de Sant-Laurent, le 5 octobre 1806, Signe LE PRINCE DE LA PAIX »

Napoléon, qui avait alors à outenir le double choc de la Prusse et de la Russie, ne demanda donciucune explication sur cette pièce singulière; mais dès lors il résolutde hâter l'exécution de ses projets sur la péninsule; et c'est en offrantcomme appât à la cour de Madrid lạ ruine de la maison de Braganc, qu'il enveloppera dans une chute commune les trônes d'Espagneet de Portugal: le gouvernement de Lisbonne ne tardera pas d'aileurs à lui donner des griefs par ses infractions au blocus continenal.

Le prince Jean, régent du Brtugal, tiraillé en quelque sorte par la France et par l'Angleterre, & porté par le sentiment de sa faiblesse

à se rendre agréable à toutes deux, leur donnait tour à tour des satisfactions, et restait toujours prêt à manquer de foi à l'une ou à l'autre. D'une part la positior géographique de ses états et les relations commerciales de son pe1ple ne lui permettaient pas de se con server neutre; de l'autre, l'ennemi de la guerre, il attachait un plus grand prix à la possession paisible de ses pays d'outre-mer qu'à celle de ses états du continent de l'Europe, qu'il lui aurait fallu disputer par les armes. Napoléon le contraindra à opter.

Les négociations avec la cour de Madrid se prolongèrent pendant environ une année. Jusqu'à la paix de Tilsit, Napoléon s'était seule→ ment occupé d'affaiblir et même de disperser l'armée espagnole; Godof lui avait donné ces vingt mlle Castillans qu'il distribua dans le Hanovre, dans le Mecklem boug, et sur les frontières de son allié le roi de Danemark, afin de l'aider à soutenir le blocus continental.

Déjà vingt-sept mille Français, commandés par le général Junot, marchaient sur le Portugal, lorque, par un traité secret avec Charles IV, conclu à Fontaineblau le 27 octobre 1807, Napoléon obtint encore le passage en Espagne pour une autre armée de quarante mille hommes, destinée àconquérir le royaume du prince Jean par ce traité les Algarves & l'Alentajo étaient donnés en toute souveraineté au prince de la 'aix; le roi d'Etrurie, prince de la maison d'Espagne, remettait son roaume à Napoléon, et recevait en échange des provinces portugaises avec le titre de roi de la Lusitanie septentrionale; le roi CharlesIV était reconnu empereur des Amériques, etc.

Les armées françaises se répandaint ainsi dans la péninsule. Tout à coup éclate le complot du prine des Asturies contre son père ; petit événement de cour, attribué pr quelques personnes aux intrigues de Godoï, et qui mériterait à peine d'être cité s'il n'était encore venu favoriser des projets plus fortenent conçus, et plus habilement exécutés. Voici les pièces qui ont rwélé la tentative de Ferdinand, et fait de nouveau connaître lextrême débonnaireté du roi Charles IV.

COMMUNICATION de S. M. catholique ases conseils, assemblés en séance extraordinaire, à Madric, le 31 octobre 1807.

Dieu, qui veille sur tous se enfans, ne permet pas la consommation des faits atroces dirigés contre des victimes innocentes : c'est par le secours à sa toute-puissance que j'ai été sauvé de la plus affreuse caastrophe. Mes peuples, mes sujets, tout le monde connaît ma religion et la régularité de

ma conduite; tons me chérissent, et ne donnent ces marques de vénération qu'exige le respect d'un père, l'amour de ses enfans. Je vivais tranquille au sein de ma famille, dans la confiance de ce bonheur, lorsqu'une main inconnue m'apprend et me dévoile le plus énorme plan et le plus inattendu qui se tramait dans mon propre palais et contre ma personne. Ma vie qui a été si souvent en danger, était une charge pour mon successeur, qui, préoccupé, aveuglé, et abjurant tous les principes de religion qui lui étaient imposés avec le soin et l'amour paternel, avait adopté un plan pour me détrôner. J'ai voulu m'en imposer sur la vérité de ce fait. L'ayant surpris dans mon propre appartement, j'ai mis sous ses yeux les chiffres d'intelligence et instances qu'il recevait des malveillans; j'ai appelé à l'examen le gouverneur lui-même du conseil; je l'ai associé aux autres ministres pour qu'ils prissent avec la plus grande diligence leurs informations. Tout s'est fait; il en est résulté la connaissance de différens coupables, dont l'arrestation a été décrétée La prison de mon fils est son habitation. Cette peine est venue, accroître celles qui m'affligent; mais aussi, comme elle est la plus sensible, elle est aussi la plus importante à purger. En conséquence, j'ordonne que le résultat en soit publié; je ne veux pas cacher à mes sujets l'authenticité d'un chagrin qui, sera diminué lorsqu'il sera accompagné de toutes les preuves acquises avec loyauté. Je vous fais connaître mes intentions pour que vous les fassiez circuler dans les formes convenables. » A San-Lorenzo, le 30 octobre 1807.,»

COMMUNICATION de S. M. catholique à son conseil de Castille.

novembre 1807.

Du 5:

La voix de la nature désarme le bras de la vengeance; et lorsque l'inadvertance réclame la pitie, un père tendre ne peut s'y refuser. Mon fils a déjà déclaré les auteurs du plan horrible que lui avaient fait concevoir des malveillans; il a tout démontré en forme de droit, et tout conste avec l'exactitude requise par la loi pour de telles preuves. Son repentir et son étonnement lui ont dicté les remontrances qu'il m'a adressées, et dont voici le texte :

« Sire et mon père, je me suis rendu coupable en manquant » à Votre Majesté. J'ai manqué à mon père et à mon roi; » mais je m'en repens, et je promets à Votre Majesté la plus humble obéissance. Je ne devais rien faire sans le consen-»tement de Votre Majesté; mais j'ai été surpris. J'ai dénoncé » les coupables, et je prie Votre Majesté de me pardonner,

[ocr errors]

» et de permettre de baiser vos pieds à votre fils recon

> naissant.

[ocr errors]

30

[ocr errors]

Saint-Laurent, le 5 novembre 1807. FERDINAND.

Madame et mère, je me repens bien de la grande faute que j'ai commise contre le roi et la reine, mes père et mère. Aussi, avec la plus grande soumission, je vous en demande pardon, ainsi que de mon opiniâtreté à vous nier la vérité l'autre soir. C'est pourquoi je supplie Votre Majesté du plus profond de mon cœur de daigner interposer sa médiation auprès de mon père, afin qu'il veuille bien permettre » d'aller baiser les pieds de S. M. à son fils reconnaissant. » Saint-Laurent, le 5 novembre 1807. FERDINAND. »

[ocr errors]
[ocr errors]

En conséquence de ces lettres, et à la prière de la reine, mon épouse bien-aimée, je pardonne à mon fils; il rentrera dans ma grace dès que sa conduite me donnera des preuves d'un véritable amendeinent dans ses procédés. J'ordonne aussi que les mêmes jugés qui ont entendu dans cette cause depuis le commencement la continuent, et je leur permets de s'adjoindre d'autres collègues s'ils en ont besoin. Je lear enjoins, dès qu'elle sera terminée, de me soumettre le jugement, qui devra être conforme à la loi, selon la gravité des délits et la qualité des personnes qui les auront commis. Ils devront prendre pour base, dans la rédaction des chefs d'accusation, les réponses données par le prince dans l'interrogatoire qu'il a subi elles sont paraphées et signées de sa main, ainsi que les papiers, écrits aussi de sa main, qui ont été saisis dans ses bureaux. Cette décision sera communiquée à mes conseils et à mes tribunaux, et on la fera circuler à mes peuples, afin qu'ils y reconnaissent ma pitié et ma justice, et pour soulager l'affliction où ils ont été jetés par mon premier décret; car ils y voyaient le danger de leur souverain et de leur père, qui les aime comme ses propres enfans, et dont il est aimé.

:

[ocr errors]

Cependant l'armée française du Portugal continuait sa marche avec une étonnante rapidité; les soldats faisaient dix lieues par jour, et franchissaient en courant les précipices, les torrens et les montagnes; mais ils n'eurent point de combats à soutenir; tout se soumit à leur approche : les Portugais n'avaient reçu aucune instruction de leur gouvernement. Le 26 novembre 1807 Favant-garde du général Junot occupait Abrantes, à vingt lieues de Lisbonne, et le régent ignorait encore que ses états étaient envahis. Ce prince, au moins pacifique, prend alors le parti d'abandonner son peuple à la discrétion des Français; il quitte Lisbonne le 29, et s'embarque précipitamment

[ocr errors]

pour le Brésil avec sa famille et ses trésors, laissant un décret ainsi conçu :

[ocr errors]

Après avoir inutilement fait tous mes efforts pour conserver la neutralité à l'avantage de tous mes vassaux fidèles et chéris; après avoir fait pour arriver à ce but le sacrifice de tous mes trésors, m'être même porté au grand préjudice de mes sujets, à fermer mes ports à mon ancien et loyal allié le roi de la Grande-Bretagne, je vois s'avancer dans l'intérieur de mes états les troupes de S. M. l'empereur des Français, dont, le territoire ne m'étant point contigu, je croyais être à l'abri de toute attaque de sa part. Ces troupes se dirigent sur ma capitale. Considérant l'inutilité d'une défense, et voulant éviter une effusion de sang sans probabilité d'aucun résultat utile, et présumant que mes fidèles vassaux souffriront moins dans ces circonstances si je m'absente de ce royaume, je me suis déterminé pour leur avantage à passer, avec la reine et toute ma famille, dans mes états d'Amérique, et à m'établir dans la ville de Rio de Janeiro jusqu'à la paix générale. Et considérant combien il importe à ce pays de lui laisser un gouvernement qui veille à son bien-être, j'ai nommé pour gouverneur le marquis d'Abrantes, et pour général de mes armées François de Cunba de Meneres, etc. Ils auront soin de conserver autant que possible la tranquillité dans l'intérieur; que les troupes françaises aient de bons logemens, qu'elles reçoivent toute espèce de secours ; qu'il ne leur soit fait aucune insulte, et ce sous les peines les plus rigoureuses, conservant toujours la bonne harmonie qui doit exister entre deux nations qui, quoique armées, n'ont point de raisons d'inimitié. »

ע

Le 30 novembre 1887 les troupes françaises entrèrent sans.coup férir dans Lisbonne, et le 1er décembre, « anniversaire du jour où la » maison de Bragance se souleva contre les Espagnols, et arbora son drapeau à la place du leur, ce même jour le pavillon de Bragance » a été remplacé par celui des Français. A cette singulière circons» tance, que la superstition portugaise n'a pas manqué de remarquer, » s'en est jointe une autre : un horrible tremblement de terre s'était » fait sentir six heures auparavant; mais du moment que le pavillon français a été arboré la tempête s'est calméet le temps s'est remis >> au beau. »

[ocr errors]

Le gouverneur général, Junót, établit aussitôt une administration provisoire, proclame les décrets relatifs au blocus continental, fait saisir et confisquer les marchandisés et les propriétés anglaises, s'empare des vaisseaux que le régent a laissés dans le port, place ses troupes dans les forteresses, etc.; et, conformément à ses instruc30

XIX.

« PreviousContinue »