Page images
PDF
EPUB

tions, il déclare au nom de l'empereur Napoléon que lu maison de Bragance a cessé de régner en Europe; et le peuple portugais garde la plus parfaite tranquillité : il attendait les Anglais.

Pendant cette expédition Napoléon voyageait en Italic. De Milan il porte un nouveau décret relatif au blocus continental, et motivé sur une ordonnance que le roi d'Angleterre, qui ne pouvait demcurer en arrière dans ces codes de la piraterie, avait rendue le 11 novembre. Napoléon désire que le roi d'Espagne, en publiant le décret de Milan, l'accompagne d'une sorte de manifeste contre l'Angleterre; et Charles IV proclame cette cédule:

« Madrid, le 3 janvier 1808.

» L'abominable attentat commis par des vaisseaux de guerre anglais en l'année 1804, par ordre exprès de ce gouvernement, contre les quatre frégates de la flotte royale qui, naviguant sous l'entière assurance de la paix, ont été injustement surprises, attaquées et forcées de se rendre, m'a déterminé à rompre toutes relations avec le cabinet britannique, et à ine considérer comme en état de guerre contre une puissance qui a si iniquement violé le droit des gens et de l'humanité. Une agression aussi atroce me donnait des motifs suffisans pour rompre tous les liens qui unissent une nation à une autre, lors même que je n'aurais pas considéré ce que je devais à moimême, à l'honneur et à la gloire de ma couronne et de mes amés vassaux. Deux années de guerre se sont écoulées sans que la Grande-Bretagne ait modéré son orgueil, ni renoncé l'injuste domination qu'elle exerce sur les mers; mais au contraire, confondant tout à la fois ses amis, ses ennemis et les neutres, elle a manifesté l'intention formelle de les traiter tous avec la même tyrannie.

» Par ces considérations, je me déterminai, en février de l'année dernière, en me conformant aux sages mesures adoptées par mon intime allié l'empereur des Français et roi d'Italie, à déclarer, comme j'ai déclaré, les îles Britanniques en état de blocus, afin de voir si ce moyen réduirait le cabinet britannique à abdiquer son injuste suprématie sur les mers, et à faire une paix solide et durable. Loin de cela, non seulement le gouvernement anglais a rejeté les propositions qui lui ont été faites de la part de mou intime allié l'empereur des Français et roi d'Italie, soit directement, soit par la médiation de différentes puissances amies de l'Angleterre; mais encore, ayant cominis la plus énorme des atrocités et des pirateries par son attaque scandaleuse de la ville et du port de Copenhague, elle a quitté le masque, et personne ne peut plus douter que son ambition insatiable n'aspire au commerce et à la navigation

exclusive de toutes les mers. Rien ne le prouve mieux que les mesures que ce gouvernement vient d'adopter par ses ordres du 11 novembre dernier, où non seulement il déclare en état de blocus toutes les côtes de France, d'Espagne et de leurs alliés, et toutes celles occupées par les armées de l'une ou de l'autre puissance, mais même en assujettissant les vaisseaux des puissances neutres, amies et même alliées de l'Angleterre, à subir les visites des croiseurs anglais, à aborder forcément dans un port de l'Angleterre, et à s'obliger de payer sur leurs cargaisons un droit dont la quotité sera déterminée par la législature anglaise. Autorisé par un juste droit de représailles à prendre les moyens qui me paraîtront convenables pour empêcher l'abus que le cabinet britannique fait de ses forces à l'égard des pavillons neutres, et à voir si on peut l'obliger à renoncer à une aussi injuste tyrannie, j'ai résolu d'adopter, et j'entends qu'on adopte dans tous mes états, les mêmes mesures qui ont été prises par mon intime allié l'empereur des Français et roi d'Italie, et dont la teneur suit: >>

[ocr errors]

Napoléon, etc.

« En notre palais royal de Milan, le 17 décembre 1807.

» Vu les dispositions arrêtées par le gouvernement britannique en date du 11 novembre dernier, qui assujettissent les bâtimens des puissances neutres, amies et même alliées de l'Angleterre, non seulement à une visite par les croiseurs anglais, mais encore à une station obligée en Angleterre, et à une imposition arbitraire de tant pour cent sur leur chargement, qui doit être réglée par la législation anglaise;

» Considérant que par ces actes le gouvernement anglais a dénationalisé les bâtimens de toutes les nations de l'Europe; qu'il n'est au pouvoir d'aucun gouvernement de transiger sur son indépendance et sur ses droits, tous les souverains de l'Europe étant solidaires de la souveraineté et de l'indépendance de leur pavillon; que si, par une faiblesse inexcusable, et qui serait une tache ineffaçable aux yeux de la postérité, on laissait passer en principe et consacrer par l'usage une pareille tyrannie, les Anglais en prendraient acte pour l'établir en droit, comme ils ont profité de la tolérance des gouvernemens pour établir l'infâme principe que le pavillon ne couvre pas la marchandise, et pour donner à leur droit de blocus une extension arbitraire et attentatoire à la souveraineté de tous les états;

» Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

[ocr errors]

Article 1. Tout bâtiment, de quelque nation qu'il soit, qui aura souffert la visite d'un vaisseau anglais, ou se sera soumis à un voyage en Angleterre, ou aura payé une imposition

quelconque au gouvernement anglais, est par cela seul déclaré dénationalisé, a perdu la garantie de son pavilion, et est devenus propriété anglaise.

» 2. Soit que lesdits bâtimens, ainsi dénationalisés par les mesures arbitraires du gouvernement anglais, entrent dans nos ports ou dans ceux de nos alliés, soit qu'ils tombent au pouvoir de nos vaisseaux de guerre ou de nos corsaires, ils sont déclarés de bonne et valable prise.

». 3. Les îles Britanniques sout déclarées en état de blocus sur

mer comme sur terre.

» Tout bâtiment, de quelque nation qu'il soit, quel que soit son chargement, expédié des ports d'Angleterre ou des colonies anglaises, ou des pays occupés par les troupes anglaises, ou allant en Angleterre, ou dans les colonies anglaises, ou dans des pays occupés par les troupes anglaises, est de bonne prise, comme contrevenant au présent décret; il sera capturé par nos vaisseaux de guerre ou par nos corsaires, et adjugé au capteur.

» 4. Ces mesures, qui ne sont qu'une juste réciprocité pour le système barbare adopté par le gouvernement anglais, qui assimile sa législation à celle d'Alger, cesseront d'avoir leur effet pour toutes les nations qui sauraient obliger le gouvernement anglais à respecter leur pavillon.

» Elles continueront d'être en vigueur pendant tout le temps que ce gouvernement ne reviendra pas aux principes du droit des gens, qui règle les relations des états civilisés dans l'état de guerre. Les dispositions du présent décret seront abrogées et nulles par le fait dès que le gouvernement anglais sera revenu aux principes du droit des gens, qui sont aussi ceux de la justice et de l'honneur.

>> 5. Tous nos ministres sont chargés de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des Lois. Signé NAPOLÉON. »

La soumission continue du roi Charles aux vues de Napoléon, F'occupation du Portugal, l'arrivée successive des troupes françaises en Espagne, l'éloignement ou la dispersion des troupes espagnoles; d'un autre côté les excitations des prêtres, les promesses de secours et les intrigues des Anglais, avaient porté la ville de Madrid au plus haut degré de fermentation; enfin, dans les journées des 15, 16 et 17 mars 1808, la colère nationale éclata, mais dirigée par les partis contre les intérêts directs du peuple.

Le prince de la Paix, n'ayant plus rien à accorder à Napoléon, s'était définitivement aperçu qu'il ne devait en rien espérer. Dans ces conjonctures il avait donné à sa cour le conseil pusillanime d'imiter la cour de Lisbonne, et de se retirer au Mexique. Au bruit de ce

[ocr errors]

départ la fierté Castillane ne peut contenir son indignation; les factions s'arment; le parti du prince héréditaire se remontre menaçant envers le pouvoir, et flatteur de la multitude; Ferdinand, qui s'était essayé l'année précédente dans des intrigues dont le résultat et la découverte l'avaient chargé d'une grave inculpation, veut justifier sa renomméc; il lève l'étendard contre son père.

Le peuple s'était porté en tumulte à Aranjuez : Charles IV", dans l'espoir de le calmer, annonce qu'il accorde au prince de la Paix la démission de tous ses emplois, et qu'il se charge lui-même du commandement de ses armées; vaine précaution; il ne fait qu'exposer les jours de son favori. Aussitôt l'hôtel du prince de la Paix est forcé et mis au pillage; Godoï, abandonné de ses propres gardes, se cache dans un grenier, où il est découvert et arrêté après trente-six heures d'angoisses; entraîné dans la rue, blessé et couvert de sang, il n'est soustrait à la fureur du peuple que par le prince même des Asturies, qui promet de lui réserver, après l'examen de sa conduite, un jugement plus solennel. La faction triomphante poursuit ses entreprises, et le roi, qui le 18 avait déclaré vouloir prendre en personne la conduite de ses affaires, est contraint par elle le lendemain de signer son abdication en faveur du prince Ferdinand,

PROCLAMATION DU ROI.

[ocr errors]

Mes aimés sujets, votre noble agitation dans ces circonssentimens tances est un nouveau témoignage qui m'assure des de votre cœur. Moi, qui vous aime comme un père, je m'empresse de vous consoler dans l'état d'angoisse qui vous opprime. Respirez tranquilles. Sachez que l'armée de mon cher allie l'empereur des Français traverse ines états avec des sentimens de paix et d'amitié; elle a pour but de se porter sur les points menacés d'un débarquement de l'ennemi. La réunion du corps de ma garde n'a pour objet ni de défendre ma personne, ni de m'accompagner dans un voyage que la malignité vous a fait supposer nécessaire. Entouré de l'inébranlable loyauté de mes aimés sujets, qui m'en ont donné des preuves si irrefragables, que puis-je craindre? Et si la nécessité urgente venait à l'exiger, pourrais-je douter des forces que vos cœurs généreux m'offriraient? Non, cette nécessité mes peuples ne la verront pas Espagnols, tranquillisez vos esprits; conduisez yous comme vous l'avez fait jusqu'à présent avec les troupes de l'allié de votre roi, et vous verrez dans peu de jours la paix de vos cœurs rétablie, et je jouirai de celle que le ciel m'accorde au sein de ma famille et de votre amour. A

[ocr errors]

» Donné à Aranjuez, le 16 mars 1808. »

DÉCRET.

« Comme mes infirmités habituelles ne me permettent pas de supporter plus longtemps le poids important du gouvernement de mon royaume, et ayant besoin pour rétablir ma santé de jouir dans un climat plus tempéré de la vie privée, j'ai décidé, après la plus mûre dél bération, d'abdiquer ma couronne en faveur de mon héritier, mon très aimé fils le prince des As

turies.

» En conséquence ma volonté royale est qu'il soit recounu et obéi comme roi et seigneur naturel de tous mes royauines et souverainetés; et pour que ce décret royal de ma libre et spontanée abdication soit exactement et dûment accompli, vous le communiquerez au conseil et à tous autres à qui il appartiendra.

» Donné à Aranjuez, le 19 mars 1808. IO EL REY. »

[ocr errors]

ÉDIT.

Le roi notre maître, Ferdinand VII, me communique, par divers ordres que je viens de recevoir, que S. M. a pris la résolution de confisquer immédiatement tous les biens, effets, actions et droits de don Manuel Godoï, partout où ils peuvent se trouver; qu'à cet effet S. M. a pris toutes les mesures convenables, lesdits biens lui appartenant directement. Qu'elle a pris aussi la résolution de venir sous peu dans cette ville pour s'y faire proclamer; mais qu'auparavant elle veut que le peuple de Madrid, si dévoué et si attaché à sa personne royale, lui donne des preuves de calme et de tranquillité, lui assurant qu'elle a donné des ordres contre don Manuel Godoï, ses biens et revenus, lesquels ne lui appartiennent plus; qu'elle pense très sérieusement à réparer les torts faits à ses sujets aimés qui ont souffert pour sa cause; enfin qu'elle veillera constamment à prendre toutes les mesures capables d'assurer leur bonheur. S. M. me prévient également qu'elle a nommé colonel de ses gardes espagnoles M. le duc de l'Infantado, en lui conférant en même temps la présidence de Castille. Le roi mon maître veut que les personnes qui ont été confinées à la suite de la cause poursuivie à Saint-Laurent reviennent à côté de Sa Majeste. Afin que ceci soit connu de tous, et que ce peuple loyal de Madrid sache combien le roi notre maître travaille à sa félicité et à son bien-être, elle m'a ordonné de vous le communiquer, ce que je fais par le présent.

[ocr errors]

Madrid, ce 20 mars 1808. Signé don ARIAS MOR, doyen du conseil. »

« PreviousContinue »