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160 LES FINANCES SOUS LA RESTAURATION. 1825.

retarder d'un jour sa présentation à la Chambre des pairs, il la lui porta le lendemain même 16 avril.

Quoique cette discussion n'ait eu lieu que plus tard au sein de la noble Chambre, nous la donnons immédiatement, afin de ne point distraire l'attention du lecteur.

CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.

LES FINANCES SOUS LA RESTAURATION.

(1825.)

SOMMAIRE. La loi d'indemnité est portée à la Chambre des pairs. Les deux oppositions. Opposition politique: MM. Molé, le duc de Broglie. Opposition financière: MM. Roy, Mollien. M. de Chateaubriand. Exposé de M. de Martignac. La commission. M. Portalis, rapporteur. Son rapport. Deux amendements. Discussion générale. M. le duc de Broglie; il repousse la mesure. M. de Barante; considérations sur les deux natures de propriété la propriété mobilière, la propriété immobilière. Leur influence réciproque. M. Molé; ses sévérités sur l'émigration. M. de Chateaubriand; les quatre fictions du projet de loi. Réplique de M. de Villèle. Sa réfutation générale. Ses explications. M. de Martignac intervient. Résumé de M. Portalis sur l'ensemble, sa réponse aux objections présentées. La discussion des articles. Amendement de M. Roy. Son attaque sur le projet. Réfutation de M. de Villèle. M. Mollien; son système sur l'amortissement. Législation de l'amortissement anglais sous Pitt, en 1786. Sa marche en 1792, 1802, 1812, 1821, 1824. Enseignement. M. de Chateaubriand aborde la question financière. M. Pasquier. Son opinion sur les causes de l'agiotage. Réplique de M. de Villèle. Vote sur l'amendement de M. Roy. Cent vingt-sept voix contre cent. Sousamendement de la commission, adopté. Second amendement de la commission. Les enfants nés de Français ayant joui de la qualité de Français sont admis à l'indemnité. Vote de la loi par la Chambre des pairs. Majorité. Minorité. Les amendements sont renvoyés à la Chambre des députés. Ils sont admis. Nomination de la commission préposée à la liquidation générale de l'indemnité. Effet politique produit par cette grande loi. Situation des esprits à cette époque.

La Chambre des pairs devait être, par sa composition, bien plus que la Chambre des députés favo

III.

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rable à la loi d'indemnité. Ses opinions, ses souvenirs, ses intérêts, tout la portait à accueillir, soutenir, par un vote presque unanime, la réparation ainsi faite à une classe dans laquelle elle comptait famille, alliés, amis, confrères d'armes; tous ceux enfin qui, de près ou de loin, avaient combattu et souffert pour la même cause, la cause royale. Dans les partis politiques, comme dans les familles, il est des traditions légitimes qu'on se lègue comme une succession d'honneur. C'est ainsi que les partis s'honorent par leur fidélité.

Toutefois, il faut le dire, il y avait en même temps, dans la Chambre des pairs, une classe considérable et nombreuse qui n'avait connu de la Révolution que le retour à l'ordre, et la reconstruction de l'édifice à laquelle elle avait contribué par d'éminents services. Ceux-là marchaient naturellement dans une voie différente. Ils déploraient des malheurs qu'ils n'avaient point amenés, vivaient de la vie, des mœurs, des opinions, des lois, des libertés de leur temps, et éloignés de toute réaction, de quelque côté qu'elle vint; ils se tenaient dans cette sage réserve qui pouvait s'appeler la raison constitutionnelle de la France.

Ces derniers étaient opposés à la loi d'indemnité. Ils ne niaient point les malheurs auxquels ils sympathisaient, mais ils trouvaient la loi imparfaite dans sa répartition, offensante pour ceux qui n'avaient point émigré, impolitique pour son époque, et absolument contraire au but de conciliation qu'elle sé proposait. A tous ces points de vue, ils en repoussaient non-seu

lement le principe, mais les conditions. C'était l'opposition qu'on pouvait appeler l'opposition politique.

I en était une autre. Les pairs qui la formaient, et ils étaient nombreux, reconnaissaient le principe de l'indemnité, son opportunité, mais ils en contestaient les conditions financières. Ils les trouvaient mauvaises, dommageables à l'État et aux indemnisés, et la proposaient avec d'autres conditions et un autre fonds que le 3 p. 400. C'était le retour à la discussion de l'année précédente sur la conversion, discussion qui avait amené la victoire de cette opposition sur M. de Villèle, à la session dernière.

Cette opposition était celle qu'on pouvait appeler l'opposition financière.

Sous le rapport politique et sous le rapport financier il y avait donc, on le voit, un nombre considérable d'opposants.

Il y aurait bien aussi à signaler, pour être tout à fait exact, d'autres membres de la Chambre des pairs qui n'étaient hostiles au projet que parce qu'il était présenté par un ministère, et surtout par un ministre qu'ils voulaient renverser à tout prix: mais il est mieux de taire leurs noms et de laisser au lecteur le soin de découvrir dans leurs discours ces ennemis. personnels de M. de Villèle.

En résumé, à la tête de l'opposition politique marchaient MM. de Broglie, Molé; à la tête de l'opposition financière, MM. Roy, Mollien, Pasquier. Quant à M. de Chateaubriand, ses principes lui ordonnaient de parler pour les victimes de la Révolution, dont il avait

partagé les malheurs, et cependant il était un des opposants les plus ardents on en a deviné la cause.

Telles étaient donc la composition et les tendances de la Chambre devant laquelle allait se vider souverainement ce débat, nous disons souverainement, parce que de l'adoption ou du rejet de la loi dépendait son propre sort, comme celui du ministère qui la proposait.

Ce fut M. de Martignac qui se chargea de l'exposé des motifs. M. de Martignac, nous le répétons. avait dans le ton, dans l'attitude dans les opinions qu'il émettait, une modération qui, loin d'appeler la contradiction, prédisposait en sa faveur. On se sentait presque mal à l'aise à contredire une si modeste et si douce parole; et déjà, on pouvait deviner en lui celui qui, succédant à M. de Villèle, après un jour de colère populaire, devait essayer de ramener la paix au milieu d'une société déjà troublée par tant d'excitations irréfléchies. Aujourd'hui, c'était le projet de celui qu'il devait remplacer qu'il venait défendre.

L'exposé de M. de Martignac ne pouvait que rappeler ce qui avait été dit dans l'autre Chambre, reproduire les motifs des amendements, la cause de leur adoption, le consentement plein et entier du ministère à tout ce qui avait été voté. Il finissait par donner à tous la certitude (c'était son opinion) que cette réparation devait bientôt rendre à tous les citoyens, réunis dans un même intérêt et un même sentiment, la sécurité et la paix.

La commission choisie par la Chambre pour exa

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