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sivement d'abord toutes les portions séparées, puis ensuite le reste, et de les échanger contre des propriétés d'une utilité reconnue et d'une administration plus facile: c'est ce que venait de faire le nouveau Roi.

Déjà en 1819 une partie de la forêt de Bondy avait été échangée contre les écuries d'Orléans. En 1823, la couronne avait ensuite cédé 31 hectares, et avait reçu en échange une propriété enclavée dans la forêt de Compiègne, le domaine de la Folie, appartenant à M. Louis Barmont: 40,458 fr. contre 40,500 fr.

En 1823 encore, le 16 septembre, 158 hectares avaient été cédés aux mêmes échangistes et la couronne avait reçu en échange l'enclos des Minimes, dans lequel saint Louis avait autrefois fondé un monastère, enclos situé au milieu du parc de Vincennes.

Par sa position, par les servitudes des routes qui y conduisaient, cette propriété à autrui nuisait essentiellement au domaine de la couronne ; c'était une simple restitution : 297,264 fr. contre 297,274 fr.

Le troisième échange datait également de 1823. M. le comte de Fougières avait cédé à la couronne 33 hectares de la forêt de Bondy, à lui appartenant, contre 28 hectares de la même forêt. De cette manière la portion de bois possédée par la couronne aux Coudreaux devenait plus compacte: 62,820 fr. contre 62,807 fr.

Le dernier échange de la forêt datait de 1824,

17 août. Il avait été conclu entre la couronne, le duc et mademoiselle d'Orléans.

Le domaine de la couronne avait cédé sept portions de bois de la forêt, évaluées 750,000 fr., et avait reçu en échange le grand hôtel, connu sous le nom d'hôtel du président Molé, rue Saint-Dominique, ainsi que le petit hôtel contigu, avec ses jardins et dépendances. La valeur réciproque des deux propriétés était la même. La justification de ce dernier échange se déduisait de la nécessité où était la couronne de former pour la liste civile un garde-meuble suffisant pour conserver son précieux mobilier. De cette façon, la couronne n'avait plus à payer le loyer d'un immeuble qui lui coûtait annuellement 40,000 fr., et qui, par sa position, était exposé à toutes les chances d'incendie et de dégât.

L'échange de l'hôtel Monaco, dit hôtel Valentinois, contre l'Élysée-Bourbon, est plus curieux. On sait quelle importance a prise depuis cet immeuble, et avec quel luxe il a été agrandi et restauré par l'Empereur Napoléon III. La manière dont il arriva à la couronne mérite d'être rappelée.

L'Élysée-Bourbon appartenait avant la Révolution à madame la duchesse de Bourbon. Confisqué pour cause d'émigration, il avait été ensuite aliéné par le gouvernement, acheté en l'an XIII par Joachim Murat, puis, par l'effet du traité de Bayonne, en date du 15 juillet 1808, il était rentré dans les mains de l'État.

A la Restauration, l'Élysée avait été restitué à ma

dame la duchesse de Bourbon. A cette époque, toutefois, cet immeuble étant de la plus grande utilité pour le service du Roi, la princesse s'était empressée de le lui offrir en échange de l'hôtel Valentinois, dépendant de la dotation de la couronne, et le 15 septembre 1815 cet échange avait eu lieu. Le contrat, sous seing privé, portait que cet échange avait eu lieu sans soulte ni retour d'aucune espèce; toutefois, comme on savait que l'Élysée était d'une valeur supérieure à l'hôtel Valentinois, le Roi avait consenti en faveur de la duchesse de Bourbon une rente annuelle et viagère de 100,000 fr., ayant pour objet de parfaire la différence de valeur.

La duchesse de Bourbon étant morte, on fit alors, suivant les formalités prescrites en cas d'échange dans les biens de la couronne, une estimation de l'Élysée Les experts assignèrent à l'Élysée une valeur de 2 millions 384,000 fr., contre une valeur de 865,522 fr. assignée à l'hôtel Valentinois. La différence entre les deux immeubles, soit la somme de 1,518,478 fr., eût donc dû être comptée aux héritiers de madame la duchesse de Bourbon, les princes d'Orléans; mais comme, d'après le contrat, aucune soulte n'était due, et que, d'autre part, la rente de 100,000 fr. servie à la princesse pendant de longues années avait été une notable compensation, la couronne s'était trouvée ainsi libérée et propriétaire de l'immeuble, qu'elle a conservé et dont elle a fait aujourd'hui l'une des plus belles résidences souveraines qui existent.

Tels étaient les éléments de la loi sur les échanges de la liste civile présentée à la Chambre. Aucun orateur ne se présentant pour y contredire, ses divers articles allaient être mis aux voix lorsque le rapporteur, M. le baron Saladin, se levant, dut faire part à l'Assemblée d'une réclamation qui venait être remise à son président, M. Ravez.

Cette réclamation provenait du procureur fondé et des héritiers de la famille du prince Murat, qui, contestant la validité des titres au moyen desquels la propriété de l'Élysée avait été incorporée au domaine de l'État en 1808, déclaraient (ainsi qu'ils l'avaient fait antérieurement à la Chambre des pairs) ne consentir à cet échange qu'autant qu'on reconnaîtrait leurs droits à une indemnité.

La réclamation de la famille Murat était sans valeur. Le décret rendu en 1810 par l'empereur Napoléon sur cette matière prescrivait le mode et les formalités à suivre relativement aux échanges avec la couronne, et son article 1er portait « que la loi destinée à sanctionner les échanges avec le domaine de la couronne devait toujours être rendue, sans préjudice des droits des tiers, lesquels auraient toujours la faculté de se pourvoir auprès des autres autorités. »

D'après ce texte, la réclamation de la famille Murat ne pouvait donc faire obstacle à la loi, et la loi devait être adoptée : c'est ce qui fut fait. Ces divers échanges au profit de la liste civile furent sanctionnés par l'unanimité de la Chambre.

La liste civile du roi Charles X se trouva ainsi

24 LES FINANCES SOUS LA RESTAURATION. [1825. constitutionnellement réglée pour toute la durée du règne, et la dotation apanagère du duc d'Orléans gracieusement confirmée entre ses mains.

Qui eût dit alors que, cinq ans après, en 1830, le premier serait en exil, et le second, à sa place, sur le trône de France!

Sic fata!

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