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CHAPITRE DIX-HUITIÈME.

LES FINANCES SOUS LA RESTAURATION.

(1825.)

SOMMAIRE, Voies et moyens de l'indemnité. La loi de l'amortissement, Action de l'amortissement. Action simultanée des revenus publics. 6 millions. Condition de la conversion facultative 5 p. 100 en 3 p. 100 à 75 fr. La diminution de la dette affectée au dégrèvement de l'impôt foncier. Rapport de M. Huerne de Pommeuse à la Chambre des députés. Discussion générale. M. Bourdeau. Son grand discours. Accusation contre les banquiers. Paroles de Colbert à Lamoignon. Réponse de M. de Villèle. Il expose la mesure. Ses avantages. Quel est le taux réel de l'argent. Comment le capital de la dette est augmenté sans danger. MM. de La Bourdonnaye, Labbey de Pompierres, Masson, Sanlot-Bague nault, Bertin de Vaux, Résumé du rapporteur. Discussion des articles. Amendement de M. Boucher. Il demande la réduction de l'amortissement. M. Casimir Périer l'appuie. Réplique de M. de Villèle. Adoption des articles 1, 2, 3. Amendement de M. Humann, rejeté. Adoption de l'amendement de M. Pavy. Article 4. La loi est votée. Majorité. Minorité. La loi est portée à la Chambre des pairs. M. le duc de Lévis, rapporteur. Opinion du célèbre Laplace. Discussion générale. M. Roy conteste les avantages de la loi. Défaut d'option pour les rentiers. Appât à l'agiotage. Accroissement du capital. Arbitraire abandonné à la caisse d'amortissement. Discours de M. de Chabrol. Son étendue. Son importance. Objections de M. de Chateaubriand. M. de Villèle lui répond, Discussion des articles. Amendement de M. Mollien. Rejet. Vote des articles et de la loi. Résultats généraux des deux opérations de l'indemnité des émigrés et de la conversion des rentes. Total des rentes converties en

3 p. 100 et en 4 1/2 p. 100. Conséquences de cette conversion. Résultats généraux de l'indemnité. Son chiffre en capital et en rentes émises, qui n'est ni le milliard traditionnel, ni les 30 millions de rentes présumés. Boni obtenu. Résultats politiques et financiers de cette grande mesure. Triomphe de M. de Villèle.

La loi de l'indemnité n'était que la moitié de l'œuvre de M. de Villèle. Le roi Charles X avait dit dans son discours aux Chambres que « ce grand acte de justice. et de politique devait s'accomplir sans augmenter les impôts et sans nuire au crédit; » c'était donc dans ces conditions que devaient se révéler, à un double titre, l'habileté et la sagesse d'un ministre des finances véritablement digne de lui-même.

En effet, s'il se fût agi seulement de se procurer une somme de 30 millions annuels par quelque augmentation de taxes ou d'impôts, il eût suffi d'un simple commis pour établir une semblable équation.

Il appartenait à M. de Villèle de trouver dans les ressources d'un génie essentiellement pratique et fécond la recette proportionnée à cette dépense, tout en se renfermant scrupuleusement dans les paroles royales; c'est-à-dire sans augmentation d'impôts et sans affectation du crédit.

La loi dite de l'amortissement et de la dette publique arrivait à ce but.

M. de Villèle allait plus loin. Il joignait à cette loi un nouveau projet de conversion de la rente, destiné à procurer au Trésor une économie notable.

il payait

En deux mots par l'amortissement, l'indemnité; - par la conversion, il diminuait la dette et l'impôt.

Assurément, si deux grands résultats pouvaient être atteints, c'étaient ceux-là, et ils étaient de ceux qui recommandent à jamais un ministre des finances. Ce furent donc les conditions de ce double plan que M. de Villèle vint exposer aux Chambres.

Voici cet exposé :

La loi d'indemnité ayant imposé au Trésor l'inscription et le service de 30 millions de rentes nouvelles il avait fallu trouver les moyens de subvenir à cette charge.

Ces moyens se présentaient sous différents aspects, entre lesquels il importait de faire un choix.

Prendre des rentes à la Caisse d'amortissement eût été dangereux, le crédit public se fût trouvé par cette mesure sensiblement affecté ; en même temps, le cours des rentes émises et celui des rentes à émettre pour l'indemnité eût été affaibli et eût pesé d'une façon injuste sur les deux classes de rentiers; sur les anciens, en diminuant leurs valeurs; sur les nouveaux, en donnant aux indemnisés des valeurs dépréciées par le mode même choisi pour les solder.

Il y a plus. Si, dans le cours des cinq années que devait durer la liquidation, des événements extraordinaires avaient donné lieu à des besoins extraordinaires, il eût fallu, pour y pourvoir, augmenter immédiatement les impôts ou négocier à vil prix des effets déjà dépréciés. Enfin, on eût ainsi affaibli l'amortissement précisément aux époques où des émissions de rentes nouvelles devaient rendre son action plus nécessaire.

A ces différents points de vue, prendre des rentes

à l'amortissement eût donc été une mesure désavanta

geuse.

Faire supporter aux revenus généraux de l'État la totalité du service des intérêts des rentes nouvelles eût été plus difficile encore; l'intérêt présent et réel des contribuables s'y opposait formellement.

Une combinaison différente devait prévaloir. Cette combinaison était d'une nature mixte.

Elle consistait d'une part, à appeler les revenus généraux de l'État à fournir la moitié des intérêts annuels de la nouvelle dette, 3 millions; d'autre part, à charger l'amortissement de servir la seconde moitié de ces intérêts, 3 autres millions, en rachetant chaque année, pour l'annuler, cette même moitié des rentes nouvelles.

Ainsi on subvenait pendant cinq ans à l'émission des 6 millions demandés par l'indemnité.

Les dispositions de la loi rendaient plus claires les conséquences de cette combinaison.

Par l'article 1er, on renonçait pendant cinq ans à la faculté, réservée par la loi qui avait fondé la Caisse d'amortissement, d'en distraire les rentes acquises par elle jusqu'au 22 juin 1825, époque de l'émission du premier cinquième de l'indemnité.

Ainsi on garantissait à l'amortissement une action annuelle de 77 millions 500,000 fr., force suffisante pour entrer en lutte avec toutes les circonstances extraordinaires qui eussent pu subvenir.

Par l'article 2, toutes les rentes dont le rachat devait être fait par l'amortissement pendant les cinq ans

étaient annulées au profit du Trésor. Au moyen de cette puissante et habile combinaison, la Caisse d'amortissement conservait toute la force nécessaire pour recueillir sur la place et chaque jour toute la rente flottante. En même temps, cette force suffisante pour soutenir le crédit n'était point inutilement accrue par les rentes journellement rachetées, puisque ces rentes ainsi que leurs coupons coupons d'intérêts étaient annulés à la décharge de l'État, au fur et à mesure de leur rachat. C'est ainsi que les 77 millions 500,000 fr. de l'amortissement suffisaient pour racheter chaque année 3 millions de rentes, tandis que de leur côté les coupons d'intérêts annulés par ces rachats suffisaient pour couvrir la moitié des intérêts des rentes (3 millions) émises pour l'indemnité.

Quant aux autres 3 millions annuels qu'on espérait des fonds généraux de l'État, c'est-à-dire des impôts indirects, on avait calculé qu'en rendant à une plusvalue évidente 13 à 1,400 millions de propriétés jusque-là frappées d'une sorte d'interdit, on devait accroître d'une manière notable les mutations, les transactions, et par conséquent les produits des droits d'enregistrement.

Par l'ensemble de ce plan, on trouvait donc le moyen de satisfaire à l'indemnité par ses résultats mêmes, sans impôts nouveaux, sans affectation du crédit, sans nul retranchement aux dotations des services publics.

M. de Villèle ne bornait point là son projet. Comme nous l'avons dit, il se donnait une plus large tâche, et

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