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vaient être une recommandation. Nous avons nommé M. de Martignac.

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La loi se divisait en six titres et vingt articles : l'allocation et la nature de l'indemnité, - l'admission à l'indemmité et sa liquidation, les déportés et les condamnés, les biens affectés aux hospices et autres établissements de bienfaisance, les droits des créanciers relativement à l'indemnité, les délais pour l'admission.

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L'exposé de M. de Martignac embrassait les différentes parties de cet ensemble, il en démontrait les motifs, la nécessité, en stipulait les conditions, en déterminait les résultats.

A l'époque sinistre de la Révolution, le cœur des hommes de bien avait été incertain et partagé. Les uns avaient jugé que les intérêts du trône et du pays les attachaient au sol brûlant mais toujours cher de la patrie; les autres avaient vu l'honneur et la fidélité sur la terre étrangère auprès de leurs princes proscrits.

Des actes sévères avaient rappelé en France ceux qui s'en étaient éloignés; un refus, compris aujourd'hui par tout le monde, avait attiré sur eux des lois de vengeance et d'exil.

Les biens des émigrés avaient été vendus et divisés. Lorsque des temps meilleurs eurent changé la situation, un nombre assez considérable de proscrits étaient rentrés en France; quelques-uns avaient obtenu la restitution de ceux de leurs biens qui étaient restés au pouvoir de l'État.

Les choses étaient dans cet état lorsque le roi Louis XVIII était remonté sur le trône.

Alors, la première pensée du Roi avait été de rendre à ceux qui en avaient été dépouillés l'héritage de leur famille; mais en même temps, Louis XVIII avait eu un autre devoir, celui d'assurer la paix publique, et à cet effet la Charte avait déclaré toutes les propriétés inviolables et compris dans cette inviolabilité celles même qui provenaient des émigrés et qu'on appellait nationales. Cette inviolabilité était un gage de sécurité indispensable.

Toutefois, la situation des émigrés ne pouvait cesser d'être, auprès d'une nation généreuse et loyale, une sorte de créance à laquelle il devait être satisfait un jour ou l'autre.

On avait donc commencé par étendre à tous les émigrés les remises faites précédemment à quelquesuns de leurs biens non vendus: telles avaient été les dispositions de la loi du 5 décembre 1814.

⚫ Ces dispositions allaient être suivies de la réparation due à ceux des émigrés dont les biens avaient été confisqués et vendus, lorsque des malheurs nouveaux, et les charges d'une longue occupation étrangère, étaient venus grever les ressources du pays et les distraire de cette heureuse destination.

Plus tard, le roi Louis XVIII s'occupait des moyens de sceller par un acte solennel cette réconciliation générale, et déjà des ressources étaient préparées, lorsque la guerre d'Espagne était venue imposer à la France de nouveaux sacrifices.

« Le premier soin de Charles X, disait M. de Martignac, est de reprendre aujourd'hui la pensée de son frère tout y concourt, la libération de l'arriéré, l'heureux état des finances, la puissance du crédit, la paix générale l'heure de la justice est arrivée, et il est écrit dans toutes les consciences qu'il est dû un dédommagement à ceux qui ont été violemment dépouillés, même par la loi. »>

Plusieurs objections à cette réparation s'étaient d'abord présentées. On avait demandé pourquoi les pertes des émigrés seraient les seules qui auraient droit à un dédommagement, et on avait signalé les rentiers qui avaient perdu les deux tiers de leurs créances, les capitalistes qui avaient subi le maximum, les assignats, les propriétaires qui avaient souffert tous les maux de la guerre. La réponse était facile.

Les créanciers de l'État, victimes d'une odieuse banqueroute, avaient au moins conservé une partie de leur avoir et toutes leurs autres propriétés; le maximum et les assignats avaient détruit ou altéré dans les mains des capitalistes des valeurs considérables, mais ils n'avaient point porté la même atteinte à leur fortune immobilière; enfin ceux qui avaient souffert des maux de la guerre avaient vu dévaster en partie leurs champs, mais le sol leur était resté.

Les émigrés, au contraire, avaient tout perdu, créances, meubles, revenus, champs, maisons. Tous les maux qui avaient pesé sur la France les avaient frappés; ils avaient eu, en outre, à souffrir la misère, l'exil et la confiscation, cet acte odieux qui ne marche

qu'à la suite des proscriptions, avec l'abus de la force. Aux grandes injustices donc il fallait de grandes réparations, et c'était à la France à les donner.

Il était des motifs d'un autre ordre qui étaient attachés à cette réparation, la nécessité d'éteindre sans retour les divisions et les haines qui séparaient les citoyens d'une même patrie. En effet, malgré la sanction donnée par la Charte aux titres des nouveaux propriétaires, l'opinion publique persistait à reconnaître la ligne que la loi avait voulu effacer. Les biens confisqués trouvaient difficilement des acquéreurs, leurs prix n'étaient pas en rapport avec ce qu'ils valaient réellement; seule, l'indemnité pouvait donc faire disparaître la différence qui existait encore entre les propriétés du même sol; seule, l'indemnité pouvait procurer à l'État des avantages certains; seule, l'indemnité pouvait effacer le souvenir, quelquefois endormi, mais toujours prêt à se réveiller, d'une odieuse confiscation.

« D'autres terres, disait M. de Martignac, sont encore, après des siècles, sillonnées par un volcan! >>

Une fois cette créance reconnue, le capital de l'indemnité devait représenter une valeur à peu près égale à celle qu'elle était destinée à remplacer. Pour la déterminer, la première obligation était donc de connaître la valeur des propriétés vendues.

Cette valeur ne pouvait être trouvée dans la proportion des impositions du temps, dans une estimation faite par experts les inconvénients étaient plus graves encore. Les matrices des rôles de la contribution foncière existantes à l'époque des ventes natio

nales ne pouvaient davantage venir en aide; les états de section et les rôles de 1793 n'existaient plus, leur inexactitude ne permettait point d'ailleurs d'en regretter la perte.

Il avait donc fallu chercher d'autres moyens.

Les ventes des biens des émigrés avaient commencé en 1793; elles avaient continué jusqu'en 1803. Elles avaient été faites contre des assignats, des bons de remboursement des deux tiers, contre des bons du tiers consolidé, contre du numéraire. De là une multitude de variations dans la valeur représentative de la propriété vendue. Une base certaine était donc, par ces moyens, à peu près impossible à trouver.

Celle qui s'était présentée avec le plus d'avantage était le revenu de 1790, régulièrement constaté depuis la loi du 12 prairial an III. C'était un point de départ qui pouvait amener à la vérité; c'était, de plus, le mode prescrit par la loi du 28 ventôse an IV, mode suivi dans toutes les ventes postérieures, mode suivant lequel tous les procès-verbaux de vente avaient été dressés. Dans ce point de départ on avait donc un moyen facile de fixer la valeur en numéraire des immeubles vendus.

Les ventes faites en exécution de ces lois étaient au nombre de quatre-vingt-un mille quatre cent cinquante-cinq. Le revenu compris dans ces ventes et évalué dans les procès-verbaux s'élevait à 34 millions 620,380 fr. En multipliant ce revenu par 20 pour déterminer le capital, on était arrivé à une somme de 692 millions 407,505 fr. C'était, aussi exactement que

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