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Cet article, qui était l'un des plus importants de la loi, devait être vivement contesté.

Il était entendu qu'aucun droit d'enregistrement n'était dû pour les indemnités de cette nature.

Dans l'article 9, une omission s'était également produite cette omission s'appliquait aux fonds dont les propriétaires étaient détenteurs, à titre d'engage

ment.

La loi du 14 ventôse an VII avait admis les engagistes à conserver ces biens sous la condition de payer le quart de leur estimation.

Il eût été alors injuste que les engagistes dont les biens avaient été confisqués et aliénés n'eussent aucun droit à l'indemnité, puisque ainsi ils auraient perdu entièrement une propriété que les autres Français avaient été admis à conserver, moyennant le payement d'une portion de l'estimation.

Il eût été également injuste qu'ils eussent reçu une indemnité égale à celle des propriétaires de biens non engagés la commission proposait donc, avec quelque raison, que pour ce genre de propriétés on déduisît un quart de l'indemnité, en représentation de ce que ces propriétaires auraient été obligés de payer comme les autres Français engagistes. Ces déductions ne pouvaient d'ailleurs diminuer l'affectation des 30 millions fixés pour l'indemnité.

L'article 10 du projet indiquait la qualité des membres qui devaient composer la commission générale de liquidation. La commission rejetait cet article, comme excédant les pouvoirs constitutionnels de la

Chambre, et elle laissait à la prérogative royale la liberté de ce choix si délicat.

Sur l'article 15, qui désignait comme devant participer à l'indemnité les déportés ou condamnés révolutionnairement, la commission se réservait, dans la discussion, d'y comprendre tous ceux qui avaient été condamnés, à quelque titre que ce fût, par les lois révolutionnaires, tels que les Vendéens ou autres, désignés par les décrets de cette époque comme rebelles. Les articles 16 et 17 concernaient les biens affectés aux hospices et autres établissements de bienfaisance.

Il existait pour ces établissements deux situations, deux catégories différentes.

Un décret du 2 novembre 1789 avait déclaré que les biens ecclésiastiques demeuraient à la disposition de la nation. A l'aide de ce décret, on avait bientôt dépouillé les hospices de leurs biens; ils avaient été réunis au domaine public, et en échange on leur avait promis une rente sur le grand-livre de la reconnaissance nationale créé par le décret du 8 messidor an II, rente qui n'était jamais arrivée.

La loi du 16 vendémiaire an v avait révoqué ces dispositions et ordonné que les immeubles des hospices, vendus, seraient remplacés par une valeur égale de biens nationaux. Seulement, ces biens étaient concédés aux hospices, à deux titres: les uns définitivement, c'est-à-dire avec la sanction législative; les autres provisoirement, et sans affectation légale.

A la rentrée des Bourbons, la loi du 5 septembre 1814 avait dû statuer sur ces biens. Par son article 8,

les hospices avaient été maintenus dans les biens qui leur avaient été affectés difinitivement, et les biens affectés seulement à titre provisoire devaient être rendus à leurs propriétaires, lorsque par une mesure législative il aurait été pourvu à l'indemnité de ces hospices.

Les articles 16 et 17 du projet de loi présenté confirmaient ces dispositions. Quant aux biens affectés définitivement, l'ancien propriétaire avait droit à l'indemnité correspondante; quant aux biens affectés provisoirement, l'ancien propriétaire pouvait offrir à l'hospice, en compensation, l'inscription de rente 3 p. 100 égale au montant de l'estimation de l'indemnité qui lui était accordée.

Aux yeux de la commission, cette distinction pouvait laisser subsister des inconvénients qu'il était facile et avantageux de faire disparaître, en assimilant les deux natures d'affectation, les deux catégories donnant un égal droit à l'indemnité.

Alors, elle proposait que pour les biens affectés aux hospices à titre définitif ou provisoire, il fût toujours loisible aux anciens propriétaires d'en demander la remise contre une inscription de rente 3 p. 100, égale au montant de l'estimation qui leur était due à titre d'indemnité; seulement, pour les biens affectés à titre définitif, les anciens propriétaires ne pouvaient en demander la remise que jusqu'au 22 juin 1828. En aucun cas aussi, cette revendication ne pouvait avoir lieu sur les bâtiments ni les propriétés accessoires servant de siége aux établissements; et cela, par cette

raison toute simple, que, s'il avait été loisible aux anciens propriétaires de disposer des bâtiments de ces établissements, il n'aurait plus existé d'hospices ni de refuges pour les pauvres malades.

Cette mesure offrait en même temps au crédit des avantages considérables. Elle frappait une plus grande quantité de rentes d'une sorte d'immobilisation, sans nuire aux hospices; elle avait en outre l'avantage de multiplier les mutations, ainsi que d'augmenter les produits que tire le Trésor des ventes et des successions. C'était un complément à l'affranchissement du sol confisqué et national.

L'article 18, qui réglait les droits des créanciers dérivant d'actes antérieurs à la confiscation et le mode des oppositions à former par eux à la délivrance de l'inscription de rente, devait de son côté être formel; il ne pouvait en aucun cas comprendre les intérêts dus.

Les lois révolutionnaires avaient simultanément frappé les débiteurs et les créanciers; elles avaient, par la confiscation, déclaré leurs biens, biens nationaux, leurs créances, créances nationales; ces deux catégories de citoyens devaient donc être placées aujourd'hui sous la même protection: c'était l'esprit de l'acte de justice proposé. S'il n'était rendu aux anciens propriétaires que leur capital, le créancier ne pouvait équitablement exiger que ce même capital, et il ne pouvait pas être plus question, dans cette restitution, de fruits pour les uns que d'intérêts pour les autres.

C'était donc capital pour capital que le débiteur

pouvait offrir et que le créancier pouvait seulement réclamer.

Quant à l'ordre dans lequel les créanciers devaient exercer leurs droits, l'indemnité devant être regardée comme le prix même des biens vendus, ce prix devait leur être attribué dans l'ordre même de leurs droits hypothécaires, tel qu'il existait au moment de la confiscation. C'était l'amendement de l'article 18.

Tels étaient les vingt-deux amendements ou rectifications que la commission avait introduits dans le projet de loi. On y apercevait une étude sérieuse et profonde de la jurisprudence ancienne combinée avec les lois révolutionnaires et les ordonnances qui depuis 1814 avaient essayé de statuer provisoirement sur ces délicates matières. On y reconnaissait un grand respect pour le malheur, un grand sentiment de justice et de conciliation.

A tous les points de vue, ce rapport, qui prédisposait favorablement la Chambre sans combattre précisément le ministère, faisait en particulier le plus grand honneur à son éminent rapporteur, M. Pardessus.

Ce rapport fait le 12 février, la Chambre avait décidé que la discussion générale s'ouvrirait le 17.

Déjà les passions que devait soulever une loi qui touchait à tant d'intérêts s'annonçaient par le nombre et la qualité des orateurs inscrits pour la combattre.

Au nombre de ceux inscrits en sa faveur on remarquait MM. Syriès de Marinhac, de Salaberry, de Berthier, de Berbis, Piet, Chifflet, de Ricard, de Cas

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