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rentes élections de 1838 à 1848, M. de Chasseloup fut réélu par Marennes. Mais il ne fit pas partie de l'Assemblée constituante, et cette Assemblée en profita pour le rendre au Conseil d'État.

Le 24 février 1848, M. de Chasseloup siégeait à la Chambre quand elle fut envahie par le peuple. Il était, avec M. de Mornay et M. Hallez-Claparède, au nombre des quelques députés qui, au moment de cette irruption, firent un rempart de leur corps à la duchesse d'Orléans et au comte de Paris et réussirent à les faire sortir sains et saufs de la salle, malgré les bandes furieuses qui s'y précipitaient en poussant contre la Princesse des cris de mort. Il faut lire dans les Mémoires de Lamartine le récit de cette scène émouvante pour s'en faire une idée exacte.

M. de Chasseloup se trouvait encore à Paris en 1848 au moment des funestes journées de juin ; il s'enrôla dans les rangs de la garde nationale, où on le vit combattre comme simple soldat, le sac au dos, la croix de la Légion d'honneur sur la poitrine. Son nom figure au Moniteur parmi ceux des citoyens qui sont mentionnés comme ayant donné le plus de preuves de courage dans ces cruelles circonstances.

Quelques mois plus tard, il se démettait de ses fonctions de conseiller d'État pour entrer à l'Assemblée législative et y représenter le département de la Charente-Inférieure.

Le 10 avril 1851 il acceptait le portefeuille de la marine et des colonies, qui lui était confié par le Prince

Président; il le gardait jusqu'au mois d'octobre suivant. Après le Deux Décembre, qu'il apprit en même temps que l'arrestation de ses amis, auxquels il vint en aide par les démarches les plus instantes, M. de Chasscloup refusa d'entrer au ministère de la marine; mais, dévoué à son pays, il consentit à lui apporter le concours de son expérience dans la période de réorganisation qu'il traversait, et à faire partie de la Commission Consultative. C'est à lui que le gouverne. ment s'adressa pour préparer le travail de reconstitution du Conseil d'État, d'où sortirent les décrets de janvier, février et mars 1852. Son vif désir était de voir donner à la France des institutions libérales qu'il regardait comme les seules durables. On peut lui rendre le témoignage qu'il en a souvent, alors et depuis, rappelé la nécessité, avec cette fermeté que donnent un cœur loyal et un esprit aussi élevé que désintéressé. Au moment où fut rendu le décret du 22 janvier 1853, qui confisquait les biens de la famille d'Orléans, M. de Chasseloup refusa d'entrer au Conseil d'État, où on lui offrait les fonctions si enviées de président de la section du Contentieux, et, quelques jours après, il déclinait encore la présidence de la section de l'intérieur pour le même motif.

Élu député au Corps législatif de 1852, il avait également été nommé président de la compagnie chargée d'exécuter le chemin de fer de Cherbourg, et, en 1856, président des chemins de fer de l'Ouest. La ligne de Paris à Cherbourg, à peine terminée, fut inaugurée par

l'Empereur et l'Impératrice qui se rendirent dans notre grand port de la Manche pour y recevoir la reine d'Angleterre. M. de Chasseloup accompagna leurs Majestés, en qualité de président de la compagnie, et l'Empereur, qui avait été témoin des difficultés de toute nature qu'il avait fallu vaincre pour mener à bien cette grande ligne ferrée, lui remit la plaque de grand officier de la Légion d'Honneur, «< en souvenir des services rendus <«<et en espérance de ceux qu'il était appelé à << rendre. >>

En 1858, M. de Chasseloup-Laubat fut désigné pour faire partie du Conseil supérieur de l'Algérie, puis il fut nommé ministre de l'Algérie et des colonies, succédant ainsi au prince Napoléon; mais, avant d'entrer au ministère, M. de Chasseloup-Laubat ne se contenta pas de renoncer à ses fonctions de président du Conseil de l'Ouest, il voulut encore, par un sentiment de délicatesse exagérée, ne plus être actionnaire de la société et vendit immédiatement les titres qu'il en possédait. Le 24 novembre 1860, il remplaçait l'amiral Hamelin au ministère de la marine et ne quittait cette haute situation que le 20 janvier 1867. Il était alors sénateur et grand'croix de la Légion d'Honneur.

C'est pendant son second ministère de la marine que M. de Chasseloup-Laubat épousait le 18 août 1862 mademoiselle Marie-Louise Pilié, dont la famille, par une singulière coïncidence, était originaire de la

Louisiane et provenait de souche Saintongeaise, c'està-dire du pays natal de M. de Chasseloup.

Dieu a établi entre les âmes qu'il place sur cette terre de secrètes harmonies qui font qu'elles se cherchent, s'attirent, s'appellent réciproquement, lorsqu'elles sont destinées à marcher ensemble dans le chemin de la vie. C'est de cette loi divine que relevait une union qui a fait le bonheur intérieur de la vie de M. de Chasseloup (1).

Deux ans après sa sortie du Ministère de la Marine, il était rappelé aux affaires actives, dans les circonstances les plus graves, et nommé ministre présidant le Conseil d'État le 17 janvier 1869; il quitta ce poste le 2 janvier 1870. Enfin, aux élections de janvier 1871, le département de la Charente-Inférieure le nommait à l'Assemblée nationale. Il y siégeait encore le jour de sa mort, le 29 mars 1873 (2).

(1) De cette union sont nés : le 12 juin 1863, Armand-EugèneLouis- Napoléon Prosper, et le 7 juin 1866, Charles-FrançoisGaston-Louis-Prosper de Chasseloup Laubat.

(2) M. de Chasseloup-Laubat, en même temps que député, était membre du Conseil général de la Charente-Inférieure ; il avait été élu président de cette dernière Assemblée jusqu'en 1851; nommé sénateur en 1862, il était grand'croix de la Légion d'Honneur depuis le 18 septembre 1860; grand'croix des ordres du Christ de Portugal, de Charles III d'Espagne, de saint Maurice et Lazare d'Italie, du Nichan de Tunis, de la Couronne de Chène de Hollande et du Cambodge.

L'Empereur du Brésil qui, pendant son séjour en France en 1871, avait eu l'occasion d'apprécier l'esprit élevé et le caractère de M. de Chasseloup-Laubat, lui envoya la grand'croix de son ordre de la Rosc. La lettre de l'Empereur qui annonçait

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Reprenons maintenant, une à une, les différentes phases de cette vie si bien remplie et nous constaterons que, dans ces différentes situations, M. de Chasseloup, en toutes circonstances, a fait œuvre d'administrateur habile, d'homme d'État consommé, de citoyen dévoué à son pays.

II

A trente-trois ans, M. de Chasseloup-Laubat était conseiller d'État et M. de Cormenin, dont on ne peut contester ni la compétenee, ni l'indépendance de caractère, car c'était, à la fois, une des illustrations du Conseil d'État et un des écrivains les plus convaincus, en fait le portrait suivant en quelques lignes :

« Orateur, homme d'affaires, de la science administrative, une logique serrée, une parole sûre d'ellemême. »

cette distinction avec les paroles les plus flatteuses, est arrivée quelques heures après que le nouveau titulaire avait cessé de vivre. Elle a été déposée sur un cercueil; mais, rien ne trouble le sommeil de la mort et celui qui recevait, jusqu'après son dernier soupir, une de ces marques d'estime que tant de souverains lui avaient accordées, reposait là, n'emportant des honneurs de ce monde que la croix du Christ, pressée par ses mains défaillantes, pendant sa douloureuse agonie.

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