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général, afin de lui permettre de donner satisfaction à un intérêt réel, sans paraitre revenir sur une résolution précédente qui interdisait le classement de nouvelles routes départementales avant l'achèvement de celles déjà classées. Cette route fait toute la vie de l'ile d'Oléron, et le souvenir du service que M. de Chasseloup a rendu, en cette circonstance, à cette région si digne d'intérêt, est encore aussi vif aujourd'hui qu'au premier jour.

Puis, quand l'exportation des sels de la CharenteInférieure commença à souffrir de la concurrence de ceux de Liverpool et de Saint-Ube, M. de Chasseloup conseilla à ses compatriotes d'améliorer leurs conditions de production et de transport. Les salines du Douhet et de la Perrotine, dans l'île d'Oléron, produisaient des sels blancs qui, mieux qu'aucun de ceux de l'arrondissement, pouvaient soutenir la lutte avec ceux de l'Angleterre et du Portugal. Mais, au Douhet, le canal qui traversait la saline avait son embouchure ensablée; les navires n'y pouvaient plus entrer et les embarcations qui venaient y charger étaient obligées de se mettre à sec sur la côte où le chargement s'opérait à marée basse et par un temps choisi, même dans la belle saison. De là, des frais inutiles, des retards, pendant lesquels les navires mouillés au large étaient exposés à de violents coups de mer.

De même, à la Perrotine, le chenal de ce nom qui, autrefois, était navigable pour les grands bâtiments jusqu'à la moitié de son parcours, et, sur le reste,

pour des gabares à fond plat, était tellement envasé qu'il devenait presque entièrement impraticable et que l'eau de mer menaçait de manquer même pour l'alimentation des marais salants placés des deux côtés du chenal.

On avait fait, pour remédier à ces inconvénients, plans sur plans, projets sur projets, démarches sur démarches, rien n'aboutissait. M. de Chasseloup, aidé de son parent, M. Leclerc, ingénieur ordinaire à la Rochelle, et qui connaissait merveilleusement bien ces questions, reprit l'affaire, en pressa l'instruction et intercéda si activement auprès du gouvernement, qu'il parvint à faire présenter, à la première session de 1838, un projet de loi relatif à ces deux ouvrages. Il le défendit lui-même avec un plein succès et en fit sortir une loi qui allouait 200,000 francs pour le port de Douhet et 260,000 francs pour le chenal de la Perrotine. Il en fut de même, le 9 août 1839, d'une loi qui allouait 300,000 francs pour la construction d'un bassin à flot et d'une écluse de chasse auprès du Château, dans l'île d'Oléron. Sur le continent, une situation analogue appelait aussi son attention: Marennes, centre du commerce des sels et chef-lieu d'arrondissement, avait son ancien port, dit du Lindron dans un état d'envasement tel qu'au lieu de recevoir comme jadis des bâtiments de 200 tonneaux, il n'était plus fréquenté que par des embarcations de 25 tonneaux au plus. Le chenal du Lindron n'arrivait qu'à 1,200 mètres de la ville; il était tortueux et d'une

navigation difficile. Le commerce et la municipalité reconnurent qu'au lieu de songer à l'améliorer, il était préférable d'en creuser un autre, en droite ligne, arrivant jusqu'à Marennes et permettant de substituer une large route d'accession à la Seudre, à une ancienne voie municipale, étroite, sinueuse et coûteuse d'entretien. On fit appel au concours du député de Marennes, et grâce à lui, les travaux d'amélioration, projets auxquels il concourait par une subvention personnelle de 2,000 francs, étaient approuvés, le 6 février 1842, par le ministre des travaux publics, déclarés d'utilité publique, le 23 mai 1843, et le canal maritime était immédiatement entamé sur une longueur de près de 3 kilomètres. En même temps, M. de Chasseloup poursuivait la réalisation d'une autre étude, qui était le complément du premier projet, la canalisation de la Seudre avec la Charente, au moyen du prolongement du canal navigable de la Bridoire, jusqu'à la rencontre du canal maritime alors en cours d'exécution. Le 29 mars 1844, M. de Chasseloup écrivait à l'un de ses amis de Marennes :

......« J'ai obtenu les études du canal de jonction ; a seulement, il nous faudra bien des soins et de « l'activité pour arriver au but; je crois, comme vous, « que ce seront des sources de prospérité pour notre « cher pays. Mais tout le monde pensera-t-il comme

«

nous? Quoiqu'il en soit, on ne saura jamais ce qu'il m'aura fallu de persévérance, de volonté, « pour atteindre ce résultat. Enfin, que je réussisse,

voilà tout ce que je désire et quand je n'y serai plus, notre pays se souviendra peut-être un peu « d'un homme qui est entièrement dévoué à ses « intérêts (1). »

M. de Chasseloup avait bien raison de dire qu'il fallait pour un pareil travail s'armer de patience et de persévérance, car ce ne fut qu'en 1865 que le canal dont il s'agit pût être livré à la navigation. Jusqu'àlors, les gabares de la Charente n'avaient pas dépassé la saline de Brouage. A partir de ce moment, transformées en gabares pontées, elles pouvaient arriver jusques dans les salines. Malheureusement, les chemins de fer, en s'étendant vers le midi, apportaient sur les marchés d'Angoulême et de la Haute-Charente les sels de la Méditerranée qui faisaient une rude concurrence à ceux de la Saintonge. Aussi la décadence des marais salants de cette contrée, pressentie par M. de Chasseloup, s'accentue d'avantage chaque jour. Déjà, bon nombre de propriétaires ont com. mencé à transformer ces marais en prairies ou en

(1) Cette mesure ne passait pas inaperçue à Marennes, et le 12 mai 1852, le maire de la ville proposait au Conseil municipal de donner à la Place du Canal le nom de Place Chasseloup-Laubat, «en reconnaissanée (est-il dit dans la délibération), des nom«breux témoignages que cet honorable député n'a cessé de « prodiguer à l'arrondissement de Marennes et surtout pour le « remercier des efforts qu'il a faits pour doter le chef-lieu d'un «port qui, dans l'avenir, est appelé à exercer une heureuse influence sur son commerce. » Cette proposition, soumise au scrutin secret, obtint l'unanimité des suffrages.

paturages. Si, comme M. de Chasseloup en avait la profonde conviction, cette transformation, déjà accomplie pour le bassin de Brouage, devient un jour générale et commandée par les circonstances, le canal maritime, que lui doit celte contrée, facilitera encore cette conversion des salines, en leur fournissant à proximité l'eau douce qui, sans cela, leur eût fait défaut. Mais, sans attendre ce moment, le canal de jonction a vu s'élever sous la direction intelligente d'un homme que M. de Chasseloup se plaisait à nommer son jeune ami, une usine de produits chimiques à base de sel, qui paraît appelée à prendre une véritable extension. Elle fournit, dès aujourd'hui, un trafic important aux deux canaux tant pour l'importation des matières premières que pour l'exportation des produits.

On était tellement habitué à recourir à M. de Chasseloup quand un des intérêts généraux de la localité était en jeu, que c'est à lui que s'adressèrent naturellement, en 1841, les détenteurs des claires de la Seudre menacés d'éviction par l'administration des domaines. M. de Chasseloup obtint des deux minisnistères compétents que les détenteurs fussent provisoirement maintenus en possession, sous la condition de certaines déclarations. Plus tard, M. de Chasseloup, alors ministre de la marine, facilita la régularisation de cette situation, en proposant à l'Empereur le décret du 26 mai 1866. Dans le rapport qui précède ce décret, il établit que le décret du

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