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(Extraits de la presse parisienne).

Aujourd'hui ont eu lieu à l'église Saint-Augustin les obsèques de M. le marquis de Chasseloup-Laubat, membre de l'Assemblée nationale. On se réunissait à la maison mortuaire, 7, rue de la Bienfaisance. Le corps était déposé dans la cour de l'hôtel transformée en chapelle ardente; chacun, en passant, saluait le cercueil où reposait pour l'éternité celui qui ne se reposa jamais ici-bas!

A dix heures et demie le clergé de Saint-Augustin est venu faire la levée du corps, et le char funèbre portant les armes de la famillle a quitté l'hôtel. Nous avons rarement vu une assistance plus nombreuse et plus recueillie; elle était à ce point considérable que les galeries, la nef, et le chœur de l'église se sont trouvés insuffisants, et qu'un grand nombre de personnes ont dû rester sur le parvis, ou sur les marches.

Les notabilités du monde politique, de l'armée, de la marine, de l'administration, de' la société parisienne, sans distinction de partis, avaient tenu à donner leur dernière marque de sympathie, à rendre un dernier hommage à l'homme de bien qui a parcouru une carrière si honorable et si bien remplie, et qui a servi sa patrie jusqu'au dernier moment de sa vie, avec tant

de dévouement et de zèle. Près de cinq cents députés, appartenant à toutes les fractions de l'Assemblée, mais surtout à la droite et au centre droit, s'étaient joints à la députation tirée au sort pour assister aux funérailles. Le coup d'oeil était grandiose; l'intérieur de l'église Saint-Augustin était entièrement couvert de tentures noires frangées d'argent sur lesquelles se détachaient, çà et là, des écussons aux armes du défunt. Au milieu du chœur, se dressait un immense catafalque, entouré d'urnes funéraires et de lampadaires qui répandaient leurs flammes vertes autour du cercueil. Au-dessus était placé un dais funèbre en velours noir parsemé d'étoiles d'argent, s'élevant jusqu'à la voûte. Après la messe, le corps a été transporté au cimetière du Père-Lachaise.

Aucun discours politique n'a été prononcé sur la tombe. Seul, le représentant de la Société de Géographie, que M. de Chasseloup a longtemps présidée, a rendu hommage au défunt au nom de la science, mais l'éloge du défunt était dans toutes les bouches : homme d'État, homme du monde, esprit le plus vif et le plus enjoué en dehors des affaires, cœur excellent, mémoire sans tache, M. de Chasseloup-Laubat laisse des regrets unanimes.

M. le vice-amiral Pothuau, qui assistait à la cérémonie de l'église, a regretté de s'être trouvé empêché de rendre,comme il en avait l'intention, dans un discours qu'il aurait prononcé sur la tombe de M. de

Chasseloup, hommage à la mémoire de son honorable prédécesseur, pour lequel il avait toujours eu une vive affection et la plus haute estime, et constater une fois de plus, comme ministre de la marine, combien les services éminents rendus par M. de ChasseloupLaubat, pendant les sept années qu'il a passées à la tête du département de la marine, avaient facilité la tâche de ses successeurs.

Voici le discours prononcé, au nom de la Société de Géographie, par M. Cortambert :

« Je viens, au nom de la Société de Géographie, exprimer la profonde douleur que nous cause la perte de notre bien-aimé président, du plus aimable, du plus bienveillant collègue.

Je n'ai pas à retracer la vie si bien remplie de l'homme d'État, de l'administrateur habile, du député actif et éminent, du sage et savant rapporteur de cette grande loi militaire qui est appelée à régénérer, à sauver notre patrie.

« Je ne veux parler ici que de ses rapports avec la Société à laquelle il avait voué son chaleureux concours, et dont il a dirigé les destinées pendant neuf ans; cette Société qu'il a animée de son souffle organisateur, qu'il a rendue plus florissante, plus populaire,

plus puissante dans le bien qu'elle cherche à faire. • Les expéditions lointaines se sont multipliées sous son intelligente impulsion. Il savait interroger les hommes, sonder leur capacité, leur sincérité; il écartait les faiseurs de projets vagues ou insensés, les audacieux sans savoir; mais, quand il avait découvert un esprit sagace, unissant la sagesse à la hardiesse, il s'en emparait aussitôt; il protégeait avec chaleur, il embrassait ses plans avec entraînement, il lui procurait les moyens d'exécuter les plus difficiles entreprises, il le poussait, par un fructueux appui, vers ces expéditions savantes qui font mieux connaître à l'homme sa demeure et qui sont la gloire la plus pure d'une nation. C'est ainsi qu'il a fait entreprendre cette grande et belle expédition de l'Indo-Chine, dirigée par deux de nos plus habiles marins, et qui aura la plus heureuse influence sur notre commerce et notre puissance dans l'Extrême-Orient.

« M. le marquis de Chasseloup était aimé de tout le monde; tous les partis faisaient taire devant lui leurs passions orageuses, pour rendre hommage à son esprit bienveillant, libéral, uniquement occupé d'améliorations et de progrès. Éminemment conciliant et affable, il trouvait dans les hautes régions un concours efficace pour les utiles desseins qu'il protégeait, et il était abordable aux plus humbles travailleurs. Tous ceux qui étaient droits et laborieux étaient sûrs de trouver chez lui l'accueil le plus aimable.

« Avec quel intérêt, quel charme, nous le voyions présider nos séances! Avec quelle douce éloquence il encourageait le mérite, retraçait les progrès accomplis, les services rendus à la science, indiquait les meilleures voies où devait se maintenir la vaste étude de la géographie et la grande société qui y est consacrée !

< Cher et bon président, nous n'entendrons plus vos paroles sympathiques; nous ne serrerons plus vos mains affectueuses, mais votre souvenir vénéré planera sur nos assemblées; il soutiendra nos efforts. Nous chercherons à faire honneur à votre nom à vos vues généreuses, et nous reporterons l'affection profonde que vous nous inspiriez sur cette noble et intéressante famille, si digne de vous, que vous laissez dans la douleur. »

Nous croyons aussi devoir reproduire, l'allocution prononcée à l'ouverture de l'assemblée générale de la Société de Géographie le 28 avril 1873, par M. Meurand, vice-président de cette Société.

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<< MESSIEURS,

Lorsqu'à notre dernière assemblée générale, M. le marquis de Chasseloup-Laubat exposait, en un noble et patriotique langage, le rôle considérable ré

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