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<< trouver une seule branche des connaissances hu<maines séparée entièrement des autres et qui ne « leur soit unie par quelque lien intime; de même, a en économie politique, il est impossible de trouver « un seul élément de richesse nationale étranger aux « autres éléments qui l'entourent. Tous, ils réaagissent les uns sur les autres, tous ils concourent à « former cet admirable faisceau qui fait la prospérité a et la gloire du pays. Il faut qu'ils s'unissent pour se « multiplier; isolés, ils seraient impuissants. » (Trèsbien, très-bien.)

Dès ce moment et à 38 ans, M. de Chasseloup avait conquis, comme oraleur, sa place dans une assemblée où siégeaient Berryer, Vivien, Dupin, Chaixd'Est-Ange, Dumon, Barrot, Mauguin, Jaubert, Dalloz, etc..

Le 10 mai 1842, M. de Chasseloup prononce un second discours plus étendu et plus important encore que le précédent. Il s'agit d'un projet de loi pour l'établissement des premières grandes lignes de chemins de fer. Il demande qu'au lieu de commencer toutes les lignes à la fois, on concentre tous les fonds disponibles sur la ligne qui doit unir la Manche à la Méditerranée et la Méditerranée au Rhin. Il examine la situation financière du pays, sa situation au point de vue des travaux publics, celle de l'Angleterre, de la Belgique, et de l'Amérique. Il part de là pour demander que l'État ne se charge pas de la construction de toutes les lignes et qu'il en confie une

part à des compagnies, qui iront plus vite que l'État. Puis, parlant de l'avenir, il prononce ces paroles prophétiques « M. le ministre des finances a dit : La France entreprend une tâche difficile; elle engage < son avenir pour dix ans et encore faut-il que ce soit <dix ans de paix. Dix ans de paix, (on était en mai 1842) mais qui donc ici peut les assurer à la « France? est-on bien sûr qu'aucune complication << nouvelle ne viendra déranger les combinaisons les <mieux fondées ? la prudence, l'habileté président« elles donc toujours aux destinées du pays?»

Sur le même sujet et à propos de la ligne de Strasbourg à Bâle (séance du 1er juin 1842), M. de Chasseloup, avec l'indépendance d'un honnête homme et la précision d'un financier habile, attaque une disposition qui assurait exclusivement à un entrepreneur à forfait un bénéfice de 4 à 5 millions sur 35. Il faut le voir dépecer le budget de la compagnie, montrer « que tous les actionnaires ont versé les 7/10" du <«< montant de leurs actions, l'entrepreneur excepté, << qui a ainsi touché 28 millions sans avoir versé un << centime sur les 34,000 actions qu'il a conservées. >> Sous le coup de cette virulente attaque, l'article, qui aurait consacré cette combinaison, est rejeté par la Chambre.

Aux sessions suivantes, M. de Chasseloup prend une part des plus actives à la discussion de la loi sur la police du roulage dont il rédige deux rapports (1843), à celle de la loi des patentes (1844). Il fait

adopter, à l'aide de quelques explications nettes et pratiques, un amendement à cette dernière loi, afin de régler le droit proportionnel établi sur les usines, de manière à en améliorer l'assiette tout en diminuant la charge. « De tous les capitaux jetés dans les diffé< rents genres de spéculation (disait-il à cette oc<< casion), ceux qui me semblent mériter plus particulièrement l'attention, la bienveillance du «<législateur sont, d'abord, les capitaux engagés dans « l'agriculture et, ensuite, les capitaux placés dans les << manufactures, les usines, en un mot, les capitaux employés à la production. >>

a

En 1845, il est chargé de reprendre et de soutenir le rapport sur la loi du Conseil d'État, préparée par M. Dumon, et la manière brillante dont il s'acquitte de cette tâche délicate lui attire des félicitations publiques, même celles de ses contradicteurs. M. Vivien (séance du 26 février 1845) appuie de son témoignage l'habile et savant rapporteur. Détachons de cette belle discussion'un passage d'un des discours de M. de Chasseloup; on y reconnaîtra l'orateur déjà rompu aux luttes de la tribune et prompt à la riposte. Dans son projet, la Commission proposait l'incompatibilité des fonctions de conseiller d'État avec toute fonction publique. M. de Tracy et M. de Salvandy réclamèrent contre cette disposition qui, suivant eux, aurait exclu du Conseil d'État Vauban et Cuvier. M. de Chasseloup leur répond:

« ...... Si nous avions le bonheur de posséder un

« Vauban (1), nous croirions que ses instants seraient « bien mieux employés, dans l'intérêt du pays, à « élever ses admirables fortifications, à creuser les « ports, à ouvrir les canaux dont il avait tracé les << plans qu'à venir discuter les affaires contentieuses, << et nous serions heureux, nous serions fiers de lui << ouvrir les rangs du service extraordinaire, c'est-à<< dire de l'appeler au milieu de nous dans les cir« constances où véritablement son génie pourrait « nous éclairer. (Très-bien! très-bien !) « Cuvier, je ne sais pas si c'est un bonheur << science qu'il ait présidé le comité de l'intérieur et «ait ainsi employé à régler quelques affaires admi<<nistratives une partie de l'existence que réclamaient <«<les travaux qui l'ont immortalisé... » (C'est vrai !)

Quant à pour la

L'année suivante (1846), il prend la parole à propos des lois sur la falsification des vins, sur les source s d'eaux minérales, sur l'endiguement des cours d'eau, Mais, c'est toujours pour faire poser ou trancher une

(1) M. de Chasseloup avait appris de son père, le général, à connaître et à apprécier le caractère de Vauban, Il aimait à en parler et il le faisait de manière à laisser voir qu'il comprenait, comme en ayant lui-même le sentiment, les grandes et belles choses accomplies par l'illustre ingénieur. C'est Vauban que Saint-Simon appelait « l'homme le plus simple, le plus vrai, le plus modeste, » et dont Fontenelle disait dans son éloge à l'Académie « Un sens droit et étendu, qui s'attachait au vrai par « une espèce de sympathie et sentait le faux sans le discuter, lui épargnait les longs circuits par où les autres marchent. »> Fontenelle ajoutait : « Tel fut Vauban, le meilleur des citoyens, » Nous ne pouvons nous empêcher de dire à notre tour: Tel fut M. de Chasseloup.

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question essentielle. Il dit juste ce qu'il veut dire et ne dit rien au delà, Ainsi (séance du 11 février 1846), à l'occasion de la loi sur la falsification des vins, il s'oppose à ce que l'on mette aux mains des communes le soin de créer et de payer les dépenses de surveillance et de répression des fraudes; il montre que le Code punit ces fraudes, qu'il suffit d'élever les amendes et d'abandonner au droit commun le mode et les moyens de poursuites, Dans la loi relative aux sources d'eaux minérales, il a pour adversaires MM. Vivien, OdilonBarrot, Bethmont et il obtient contre eux la déclaration d'utilité publique de ces sources et le pouvoir confié à l'administration d'autoriser certains travaux nécessaires à leur conservation.

Dans la séance du 27 mars 1846, il signale au Gouvernement la nécessité d'une loi de police sur les pêches maritimes, « qui ne soulèvera pas, dit-il, de «grandes difficultés, si l'on veut se borner à quelques << dispositions pénales, en renvoyant aux divers rè«glements spéciaux le soin de réglementer chaque pêche. » C'est le parti que l'on a, en effet, adopté un peu plus tard,

En 1847, on avait présenté un projet de loi qui réduisait la taxe sur le sel de 3 décimes à 1 décime par kilogramme. La question était trop familière à M. de Chasseloup et elle intéressait trop vivement la Charente-Inférieure pour qu'il ne prit pas part à la discussion de cette loi. Les adversaires du projet prétendaient que la réduction projetée ne profiterait pas

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