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LE MARQUIS

P. DE CHASSELOUP-LAUBAT

1805 (29 MARS) 1873

PARIS

CHALLAMEL AINE, LIBRAIRE-ÉDITEUR

COMMISSIONNAIRE POUR LA MARINE ET LES COLONIES

30, rue des Boulangers, et rue de Bellechasse, 27-

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1873

277.8

.C48 933

LE MARQUIS

P. DE CHASSELOUP-LAU BAT

«Loin de se laisser abattre par ses revers, une nation, qui ne consent point à déchoir, étudie les causes de ces revers, se met hardiment à l'œuvre, réforme tout ce qui a pu l'affaiblir et parvient à se relever, quelquefois plus puissante, aprés ces épreuves qu'il entre peut-être dans les desseins de la Providence d'imposer aux peuples comme aux individus, pour mieux leur montrer leurs devoirs et rendre plus forts ceux qui savent les supporter; voilà ce que vous voulez, voilà, nous en avons l'espoir, ce que fera la France. (P. de Chasseloup-Laubat. Rapport sur la loi de recrutement et d'organisation des armées de terre et de mer. 12 mars 1872.)

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L'homme qui, dans ce beau langage, formulait en termes si saisissants le programme de la régénération du pays, ne s'est pas contenté d'entrevoir le but et de l'indiquer. Il a voulu remplir lui-même le cadre qu'il avait tracé et, alors, comme s'il eut eu le pressentiment que ses forces physiques allaient le trahir, il s'est consacré sans relâche et tout entier à son œuvre patriotique. A travers mille difficultés venant des hommes et des choses, domptant par son énergie la maladie qui le minait, se dérobant même, pour accomplir sa tâche, aux jouissances de l'affection et de

la famille que son cœur savait pourtant si bien faire naître et ressentir, M. de Chasseloup-Laúbat a, pendant deux ans d'un travail incessant, surhumain, appliqué toutes les ressources de son intelligence, de son savoir et de son expérience, à l'élaboration de cette organisation sur laquelle, dans sa profonde conviction, reposait l'espoir de la rénovation de notre patrie.

Après avoir réussi à faire accepter par l'Assemblée, et cela sans modification essentielle, la première partie de son travail (le recrutement), il venait d'en terminer la seconde, quand, le 29 mars 1873, dans la soirée, Dieu le rappela soudainement à lui. Cette dernière journée, il l'avait encore donnée aux travaux de la Commission de l'armée, aux délibérations de la Chambre, et c'est de retour à Paris, au milieu des siens, dans la plénitude de ses facultés, quand il fai– sait encore des plans de travail pour le lendemain, qu'une crise aiguë du mal dont il souffrait déjà depuis plusieurs années l'a enlevé en une heure à peine à sa famille, à ses amis, à son pays (1).

Comme l'a dit M. le Président Grévy, en annonçant à ses collègues cette douloureuse nouvelle, M. de

(1) Un journal de Paris a dit avec une grande vérité d'expression :

Il est mort à la tâche. Sa main reposait encore sur les do«cuments relatifs à la réorganisation de l'armée, lorsqu'elle s'est glacée pour toujours; les dernières lignes sur lesquelles ses yeux se sont fermés à jamais étaient des projets pour relever la patric. C'est une belle fin; c'est la mort du soldat à son poste.» (Moniteur universel du 1er février 1873.)

Chasseloup-Laubat avait pris dans l'Assemblée une place importante. Esprit modéré et conciliant, plein de bienveillance et d'aménité, il y avait conquis l'estime et l'affection de tous.

Ces sentiments sont, d'ailleurs, ceux qu'il a rencontrés partout et à toutes les époques, soit dans nos assemblées délibérantes, soit dans les hautes fonctions qu'il a occupées. Certes, la loi de réorganisation de l'armée suffirait à faire la réputation d'un homme d'État; M. de Chasseloup-Laubat, lui, a glorieusement couronné par là une vic tout entière consacrée au pays; mais il a d'autres titres encore à la reconnaissance nationale. Pour les rappeler, il nous suffira de retracer la carrière de ce grand citoyen. Ce sera, d'ailleurs, un exemple pour tous, un suprême hommage rendu à sa mémoire, une consolation pour sa famille et une légitime incitation pour ses enfants à recueillir pieusement cet héritage d'honneur et de patriotisme.

I

Né à Alexandric (alors département de Marengo), le 29 mars 1805 (1), Justin-Napoléon-Prosper de

1) L'Empereur Napoléon 1e et l'Impératrice Joséphine ont été l'un parrain, l'autre marraine du jeune de Chasscloup, lequel fut bénit par le pape Pie VII, venu à Alexandrie.

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