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« de six années de service, et qu'un décret impérial <nous autoriserait alors à appeler.

Mais, pour que les hommes se rengagent, « il faut leur faire comprendre les avantages qu'ils < trouvent à le faire, et c'est là un des points les ⚫ plus importants de votre inspection, de votre mis«sion;connu, aimé de beaucoup de ces braves gens ⚫ que vous verrez dans les quartiers, vous êtes plus « à même que personne, amiral, de leur montrer ⚫ que leur véritable intérêt est de rester six années « sur les bâtiments de la marine impériale.

«En effet, pendant la seconde période de trois années, ils ont une solde meilleure, et pendant « les six ans un réel bien-être. Après les six années « de service, ils ne peuvent plus être levés qu'en « vertu d'un décret impérial, c'est-à-dire au milieu de ⚫ circonstances exceptionnelles dans lesquelles leur < propre patriotisme les pousserait seul à s'offrir.

Ils peuvent donc, après ces six années, c'est-à-dire « vers 27 ans, se marier, organiser leur industrie, arranger leur vie sans crainte d'être enlevés à leurs familles. Enfin, après six années passées sur les « bâtiments de l'État, la pension à laquelle ils auront « droit, après avoir navigué au commerce, est encore << augmentée.

« Au contraire, si après la première période de service ils rentrent chez eux, s'y établissent, alors ils se verront lever plus tard, au moment où ils ⚫ auront tant d'intérêt à rester dans leurs familles ;

« la prime qu'ils toucheront pour cette seconde levée « sera moins élevée que celle qu'ils auraient eue s'ils « s'étaient rengagés pour la même durée de ser« vice. Enfin, s'ils ne font pas six années de service « à l'État, leur pension sera moins considérable, lorsque, dans leur vieillesse, ils auront moins de forces et plus de besoins.

<< Voilà ce qu'il faut s'efforcer de faire comprendre << aux marins que vous verrez, et ce qu'il faut que les <chefs de service des différents quartiers s'attachent, << eux aussi, à expliquer avec zèle aux gens de mer « au milieu desquels ils se trouvent.

« Trop souvent les matelots n'ont vu l'adminis<«<tration de la marine que pour leur demander des <«< sacrifices, que pour leur imposer des charges. << Il faut, amiral, la leur montrer, au contraire, <«< comme protégeant leurs véritables intérêts, comme <«< cherchant tout ce qui peut améliorer leur condi<«<tion, comme voulant leur donner pour la pêche, << pour leur industrie, toutes les facilités compatibles << avec le bon ordre et la conservation des sources <«< mêmes de leur bien-être; enquérez-vous de leurs

besoins, de ce qu'il est possible de faire pour que « le sort de tant de braves gens soit meilleur ; << dites-leur bien que l'Empereur n'a rien tant à <«< cœur que de savoir heureuses les populations «<si dévouées et si courageuses du littoral de son << Empire. >>

Puis, il faisait publier pour ses équipages ce qu'il

appelait le Livret attrayant. On sait que le marin, comme le soldat, a un livret sur lequel sont indiqués les paiements qu'on lui fait, ses avancements successifs, etc. Nous ne pouvons mieux indiquer le but que poursuivait M. de Chasseloup par cette mesure si modeste, mais si utile, qu'en la lui laissant expliquer lui-même :

<< Ce livret, écrivait-il au vice-amiral comte de Guey<«< don, le 14 août 1861, vous savez quelle est la pen«<sée qui m'a dirigé lorsque j'ai voulu le faire : j'avais « vu, en ouvrant le petit livre que nous donnons à nos << matelots, que la première, la seule chose même « qui frappait leurs regards, c'était l'énumération des << peines qu'ils devaient encourir : la mort, les travaux forcés, l'emprisonnement; voilà ce qu'ils ont devant « les yeux pendant quatre pages pour leur apprendre <«<leurs devoirs. Sans doute, il est bon de leur ensei«gner les peines dont ils seront frappés, s'ils s'é«< cartent des règles de l'honneur, mais il m'a sem<«< blé qu'il était utile aussi de leur montrer quels << avantages ils rencontraient en venant servir sur les << bâtiments de l'État et qu'il était assez naturel de

placer la mort à la fin. » Le Livret attrayant contenait donc un résumé des avantages de toute nature réservés aux inscrits.

Grâce à ces mesures, le principe de l'inscription maritime était mis hors de contestation, la disponibilité des marins assurée, mais limitée aux besoins de la flotte, et les engagements volontaires efficacement

encouragés. Les intentions qui l'animaient, M. de Chasseloup-Laubat, après les avoir affirmées par des actes, les résumait ainsi lui-même dans une lettre à l'un des officiers généraux de la marine qu'il aimait à prendre pour collaborateur de mesures importantes: « Il faut << bien nous persuader, écrivait-il, que nous ne « sommes plus au temps de Colbert: le milieu dans « lequel nous vivons est, en effet, tout autre que <«< celui dans lequel les grandes ordonnances de 1681 << trouvaient tout préparé pour les belles institutions « du ministre de Louis XIV. Alors, on avait des cor«porations, on avait des paysans corvéables, obligés « de travailler aux routes royales, on avait des mi«lices qui, toute la vie active durante de l'homme, << étaient soumises à un service toujours exigible; «<les soldats, plus ou moins légitimement raccolés, << restaient sous les drapeaux indéfiniment; droit << ou coutume, en dehors d'une certaine classe, il y << avait peu de liberté pour l'individu. Dans de pa> reilles circonstances, l'inscription maritime était, <«< non-seulement une admirable institution, c'était <«<< un immense bienfait. L'inscrit ne devait aucun « autre service que celui des vaisseaux du Roi et en «< compensation de combien d'avantages? Et lorsque << la Caisse des Invalides vint à donner des secours à sa « famille, à sa vieillesse, certes le sort de l'inscrit << était enviable. Mais, aujourd'hui, en est-il de << même ? oui, si nous ne regardons que l'inscrit ;

non, si nous comparons son sort à celui d'un

<< autre citoyen. Pour celui-ci, depuis l'abolition de a la conscription (qu'il ne faut pas confondre avec le « recrutement), si son nom ne sort pas de l'urne << avec un mauvais numéro, il est exempt de tout << service militaire; si, au contraire, il fait partie du « contingent, il peut s'exonérer (ce que j'ai combattu « et ce que je blâme); il pouvait se faire remplacer; « enfin, après sept années de service il est définiti«vement libéré !... Eh bien! dans cette circons«tance, il m'a paru qu'il fallait absolument, d'une << part, poser des règles fixes aux levées, et, de l'autre, encourager les engagements volontaires et les «réengagements, de façon à améliorer tellement la « condition de l'inscrit qu'il ne voulût pas la changer « contre celle des hommes du recrutement. >>

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Ces réformes accomplies, les plaintes, les attaques contre l'inscription maritime cessèrent comme par enchantement, ainsi que nous le constations plus

haut.

Tout en améliorant, comme on vient de le voir, la situation du personnel maritime dans toutes les branches, M. de Chasseloup portait aussi une main, à la fois prudente et hardie, sur le matériel naval.

Sous ce rapport, son idée dominante était d'arriver à compenser autant que possible par la rapidité des mouvements de la flotte, et des coups qu'elle pourrait porter, l'infériorité numérique que lui imposait inévitablement l'insuffisance des allocations budgétaires. Un bon entretien, une véritable disponibilité des navires de

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