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à l'époque de la guerre de Crimée, de navires protégés par des plaques de fer et appelés batteries flottantes, changea de nouveau la situation. Les gros boulets creux devinrent, à leur tour, impuissants contre ces murailles; il en fut de même pour les boulets pleins des plus forts canons alors en usage, à la distance où les bouches à feu des navires blindés avaient encore une action très-énergique contre les fortifications en maçonnerie. Dès lors, les rôles furent renversés et l'artillerie entrait dans une phase nouvelle (1). L'artillerie rayée fut créée. En même temps, l'ancienne artillerie à âme lisse et à boulet rond augmentait sa puissance, en accroissant les calibres des pièces et des projectiles.

Il fallut alors songer à donner plus d'épaisseur aux plaques des navires et en recouvrir tous les bâtiments de guerre, La lutte entre la force offensive et la défensive, entre le canon et la cuirasse, était engagée et elle se continue encore aujourd'hui. Les épaisseurs de plaques de blindage furent successivement portées de 8 centimètres à 11, à 12, à 15, à 18, à 20 et 24 centimètres; les canons passèrent des poids de 4 et 5 tonneaux à 8, 14,20 et au delà; les projectiles s'élevèrent de 15 et 20 kilogrammes, à 75, 150, 200 et 300 kilogrammes.

La marine française ne pouvait rester indifférente, ni étrangère à ces progrès.

1. Exposé de la situation de l'Empire, 1867.

Dès 1854, elle avait essayé les systèmes d'artillerie à âme rayée et à boulets allongés. En 1855, elle adoptait un type de ce genre pour le calibre de 16 centimètres. Elle put même construire, ce qu'aucune puissance n'avait encore fait,6 bouches à feu de ce modèle qu'elle envoyait devant Sébastopol. En 1858, elle créaitun nouveau modèle du même calibre, qu'elle fortifiaiten 1860 par l'addition d'un frettage extérieur. C'est suivant ce dernier type que, jusqu'en 1864, a été fait l'armement courant de nos navires, soit par la construction de nouvelles bouches à feu de 16 centimètres (pièces dites de 30), soit par la tranformation des anciennes, pour lesquelles, en 1861, on adopta un système de chargement par la culasse.

Mais ce type n'était destiné qu'à lancer des boulets creux et devait rester insuffisant contre les plaques de 11 et 12 centimètres.

En 1864, après de nombreux essais, on se trouva en mesure d'arrêter huit types de bouches à feu pour l'armement de notre flotte cuirassée, depuis le canon de 16 centimètres renforcé, lançant un boulet massif de 45 kilogrammes ou un boulet creux de 31 kilogrammes, jusqu'à celui de 27 centimètres lançant un boulet massif de 216 kilogrammes ou un boulet creux de 150 kilogrammes (1). Ces pièces en fonte de fer, cerclées de frettes en acier, étaient

(1) Ce sont des pièces de ces modèles (16, 19 et 24 c/m) qui, au nombre de 200, ont rendu de si grands services pendant le siége de Paris.

d'une fabrication relativement économique, rapide et simple. En même temps, on déterminait les diverses parties du matériel d'armement de ces bouches à feu et particulièrement les affûts marins, qui exigent une force et une simplicité difficiles à atteindre. Enfin, en 1867, la frégate la Magnanime et, après elle la Savoie et la Belliqueuse, recevaient cette nouvelle artillerie et l'expérimentaient à la mer avec un plein succès.

Mais, ces résultats n'avaient pu être obtenus sans introduire de profondes modifications dans les fonderies de la marine, à Ruelle et à Nevers. Il avait fallu y créer tout un outillage, agrandir les ateliers; ces travaux avaient été menés à bien avec la plus grande économie. Au moment où M. de Chasseloup quittait le ministère de la marine (1867), après avoir fait armer, comme on l'a dit plus haut, avec les nouveaux canons, deux frégates et une corvette, il laissait encore un assez grand nombre de bouches à feu pour en délivrer à quelques autres bâtiments à l'époque de leur armement (1).

(1) Voici quelques chiffres qui donneront une idée de l'activité des travaux des fonderies de Ruelle et de Nevers pendant le ministère de M. de Chasseloup, c'est le relevé des canons fabriqués dans ces deux usines de 1860 à 1867:

360 canons en fonte de fer, de 16cm, rayés et frettés, se chargeant par la culasse, modèle 1858.

210 canons en fonte de fer, de 16cm, rayés et frettés, se chargeant par la bouche, modèle 1858-60.

104 canons en fonte de fer, de 16cm, rayés et frettés, se chargeant par la culasse, modèle 1864-66.

674 à reporter.

On voit que, sous l'administration de M. de Chasseloup, le service de l'artillerie, auquel les ressources étaient largement dispensées, aussi bien que des encouragements et des récompenses bien légitimement mérités, n'était pas dans une situation moins favorable que les autres services de la marine.

VII

Avec de pareils moyens d'action mis en œuvre par un homme expérimenté, prudent, sympathique

674 report.

111 canons en fonte de fer, de 19cm, rayés et frettés, se chargeant par la culasse, modèle 1864-66.

6 canons en fonte de fer, de 19cm, rayés et frettés, se chargeant par la bouche, modèle 1866.

48 canons en fonte de fer, de 24cm, rayés et frettés, se chargeant par la culasse, modèle 1864-66.

4 canons en fonte de fer, de 27cm, rayés et frettés, se chargeant par la culasse, modèle 1864-66.

609 canons en bronze de 4 de montagne, rayés, se chargeant par la bouche.

62 canons en bronze de 4 de campagne rayés, se chargeant

par la bouche.

286 canons en bronze de 12 de campagne rayés, se chargeant par la bouche.

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à tous, de quoi la marine n'était-elle pas capable? Rappelons sommairement ici quelques-unes des principales opérations qu'elle accomplissait seule ou auxquelles elle prenait part, de 1861 à 1867 :

Après l'expédition qui nous avait conduits à Pékin (1861), nous avions à dégager Saigon, conservé par une poignée d'hommes luttant courageusement chaque jour, sous la main énergique d'abord du commandant Jauréguiberry, (aujourd'hui vice-amiral), ensuite du commandant d'Ariès (aujourd'hui contreamiral), contre toute l'armée annamite. Une partie de nos troupes fut donc dirigée de la Chine sur la Cochinchine et, secondée par les Espagnols, obtint sous le commandement du vice-amiral Charner, de brillants succès à Ki-hoa; puis Mytho tomba devant notre flottille qui avait remonté le Cambodge. Enfin, toute la basse Cochinchine, située entre le cap SaintJacques et la rivière de Saïgon, y compris le territoire de Bien-hoa conquis par le contre-amiral Bonard, à l'est, le fleuve du Cambodge, à l'ouest, et la province de Laos au nord, était, en décembre 1861, complétement soumise à notre domination.

La rentrée des troupes expéditionnaires de Chine et de Syrie, l'occupation de la Cochinchine, les mouvements entre la France, les colonies, l'Algérie, la Corse et Civita-Vecchia, donnaient lieu, en 1861, au transport de plus de 32,000 hommes et de 3,000 chevaux et la marine accomplissait avec entrain cette importante opération sans un seul accident. On peut avoir

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