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antécédents des obligations ne fussent pas consultés (1), c'est un fait qui ne doit pas nous surprendre. Les nouvelles théories bouleversent tout. L'ignorance et l'erreur sont désormais des maladies de la volonté, destructives d'un consentement valable.

Pomponius (57, D., 44, 7) nous dit expressément que, dans tout contrat de bonne foi ou non, l'erreur intervenant, il n'y a rien de fait, nihil valet quod acti sit. « Nulla enim voluntas errantis est, » ajoute le jurisconsulte (20, D., 39, 3), et Ulpien, partageant cette façon de voir (2), nous en fournit le véritable motif dans le fragment 15, D., 2, 1: « Cum non consentiant, qui errent. Quid enim tam contrarium consensui est, quam error, qui imperitiam detegit? » Si, en effet, l'erreur est exclusive du consentement, c'est qu'elle dévoile l'impéritie, l'incapacité temporaire de celui qui l'a commise, incapacité de fait opposée à l'incapacité de droit, présumée du mineur, du « furiosus ». La victime de l'erreur a montré une telle incurie, que sa volonté en est viciée, au point que la jurisprudence fait tomber la présomption générale de capacité attachée aux actes émanant d'individus sui juris et majeurs.

Encore faut-il, cependant, que cette erreur ne soit point l'indice d'une habileté déjouée par les événements; sinon, elle ne peut entrer en ligne de compte. Primus paie, sachant qu'il n'est point débiteur; pourra-t-il répéter, malgré le préjudice éprouvé? Non, écrit Ulpien (1, 1, D., 12, 6): « Si sciens se non debere solvit, cessat repetitio Pomponius statue dans le même sens, lorsqu'on paie dans le but de répéter (50, D., 12, 6). Un vendeur a acquis sciemment une chose infestée d'un vice : l'édit ne lui est pas applicable (3). Le dommage est indifférent quand

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(1) De Savigny : Le droit des obligations; Traité de Droit romain. (2) Non videntur qui errant consentire (116, 1, D., 50, 17). (3) Hoc edictum enim tantum intuendum est ne emptor decipiatur (1, 6, D., 21, 1).

les défauts de la merx étaient apparents (1), ou lorsque les servitudes passives non déclarées pouvaient être facilement constatées (2). Une personne traite avec un tuteur, dont l'absence de qualité lui était connue : elle ne sera pas secourue par le préteur (f. Ulpien, 1, 6, D., 27, 6) (3).

Peu importe, en effet, le dommage volontaire. M. T. Cicéron l'enseignait dans son de Officiis (III, 16). Labéon pousse si loin les conséquences que le propriétaire assistant sans protester au vol de sa chose ne peut exercer l'actio furti. A la vérité, les Prudents corrigent cette solution trop sévère, en ajoutant au fait matériel de la connaissance du préjudice la possibilité de l'empêcher telle est la doctrine de Paul (92, D., 47, 2) et d'Ulpien (4) (145, D., 50, 17; 11, D., 38, 5) (5).

11 est, par suite, nécessaire que l'erreur ne soit pas si grossière qu'elle paraisse le résultat d'un dol (6) « nisi si talis sit ignorantia in eo, ut dolo careat ».

Ce qui explique, malgré les divergences de Papinien (ff. 7 et 8, D., 22, 6), que l'erreur de droit ne pût être invoquée. Car de deux choses l'une: ou elle était le résultat d'une faute lourde, la faculté de s'instruire étant donnée à tous par les consultations gratuites d'un grand nombre de jurisconsultes; ou bien elle ne dérivait que de la difficulté inhérente à toute interprétation juridique, et il n'y avait plus d'imperitia (7).

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(1) Ad eos enim morbos vitiaque pertinere edictum aedilium probandum est, quae quis ignoravit, vel ignorare potuit (f. Ulpien sur Caecilius, 14, 10, D., hoc tit.). (2) Ff. Ulpien, 1, 1, D., 19, 1; 61, D., 21, 1; f. Pomponius, 66, 1, D., 18, 1. — (3) Adde f. Pomponius, 48, 4, D., 21, 1; ff. Paul, 70, D., 21, 2; 7, D., 12, 6; f. Celsus, 47, D., hoc tit.; Papinien, ff. 54 et 57, hoc tit. Cpr. art. 1629, 1638, 1612, 1377 C. civ. (4) « Nemo videtur fraudare eos, qui sciunt et consentiunt. Non videtur patronus fraudari eo quod consentit ». (5) Adde ff. Ulpien, 7, 2, D., 40, 12;

f. Paul, 26, D., 6, 1; 33, D., hoc tit.; f. Africain, 46, 2, D., 21, 2. (6) f. Paul, 15, 1, D., 18, 1; f. Gaius, II, 43; f. Ulpien, 2, 4, D., 44, 4. La faute lourde est assimilée au dol : « lata culpa plane dolo comparabitur » (1, 1, D., 11, 6; f. Paul sur Labéon, 9, 2, D., 22, 6). · (7) « Cum jus finitum et

Dr. rom.

2 B.

Cette théorie, vraie au 1er siècle (f. Paul sur Labéon, 9, 3, D., hoc tit.), garde le même caractère à l'époque classique (f. Neratius, 2, D., hoc tit.), bien qu'Ulpien (25, 6, D., 5, 3) semble donner quelque attention à l'erreur de droit. Rares étaient les exceptions en faveur de l'interprétation du Sc. Juventien (25, 6, D., 5, 3) ou pour le bénéfice de certains incapables, tels que les soldats au me siècle (1, C., 1, 18) et les femmes, à la fin du ve siècle (13, C., hoc tit.).

De plus en plus, le cadre de la formule devient mobile; agrandissant, restreignant le préjudice suivant les circonstances de fait. Bientôt l'élément intentionnel triomphera de la lex contractus, s'il est en contradiction avec celle-ci.

...

1).

Dans les obligations, dit Labéon, il convient de rechercher la causa « uniuscujusque contractus initium spectandum et causam». (f. Ulpien, 8 ppio, D., 17, 1). Le juge doit s'inspirer de la volonté plutôt que de la lettre, ajoute Papinien (1) (219, D., 50, Il faut s'attacher à la veritas rei par préférence à la scriptura, trouvons-nous inséré au Code (4, C., 22, 1), et les Prudents de traduire par le mot fraus l'application stricte du texte au détriment de l'esprit : « in fraudem vero qui, salvis verbis legis, sententiam ejus circumvenit » (f. Papinien, 79, 4, D., 35, 1; ff. Ulpien, 30, D., 1, 3; 15, 2, D., 5, 1 ; f. Paul, 29, D., 1, 3) (2).

possit esse et debeat, facti interpretatio plerumque etiam prudentissimos fallat, » dit cependant Neratius (2, D., 22, 6) en désaccord sur ce point avec Ulpien, qui suppose l'imperitia à la base de l'erreur. — (1) « In conventionibus contrahentium voluntatem potius quam verba spectari placuit ». Cpr. art. 1134 C. civ. (2) Cpr. Labéon, fraus edicto (6, D., 47, 6); Gaius, in fraudem juris (10 ppio, D., 10, 9). Cette recherche devint tellement la préoccupation du juge que la jurisprudence avait imaginé, au cas de doute sur l'intention des contractants, un certain nombre de règles recueillies, la plupart, dans notre Code civil (art. 1156 à 1164). La convention doit s'interpréter en faveur du promettant (f. Paul sur Labéon, 21, D., 18, 1; f. Paul, 127 ppio, D., 50, 17; f. Celsus, 26, D., 34, 5), « quia potuit ex ea re apertius dicere stipulator ». Toujours, par faveur du débiteur, le judex se décidera pour le minimum de prestation (f. Ulpien, 9,

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Le droit va toujours s'idéalisant, s'épurant, appréciant les espèces, les personnes, non le tort en soi. L'intérêt du créancier et celui du débiteur concourent, successivement ou simultanément, pour accélérer cette évolution.

Quel a été, à vrai dire, l'axe autour duquel ce mouvement s'est opéré dans toutes les directions? Ce centre de gravité n'est autre que la bona fides, dont la complexité explique la variété et la multiplicité des effets sur les contrats, effets dont nous cantonnons l'étude à l'époque classique. A ce moment, la formation de ceux-là étant complète, nous pourrons apprécier les fécondes conséquences que la jurisprudence sut retirer de la bonne foi, unique régulatrice des pactes, les derniers venus dans la législation, ne tardant pas à pénétrer même les contrats de droit strict.

D., 50, 17; f. Gaius, 56, D., hoc tit.; f. Marcellus, 192, 1, D., hoc tit.), pour le maintien des choses en l'état, repetitio, plutôt que pour un déplacement de patrimoine, adventitium lucrum (f. Ulpien, 41, 1, D., hoc tit.). Au surplus, on doit observer ce qui convient le mieux à la nature du contrat (f. Julien, 69, D., 50, 17); les usages des obligations (ff. Paul, 114, D., hoc tit.; 37, D., 1, 3); l'interprétation, qui conserve la vie à la convention (f. Julien, 12, D., 34, 5), qui découle de l'exécution donnée par les contractants eux-mêmes (f. Marcien, 15, D., hoc tit.) et enfin le sens qui paraît le moins exempt de défauts (f. Celsus, 19, D., 1, 3).

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