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DEUXIÈME PARTIE

DE L'INFLUENCE DE LA BONNE FOI SUR LA FORMATION ET LA DISSOLUTION DES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES

Au troisième siècle, la validité d'une obligation est subordonnée à l'existence d'une cause, d'un objet; à la capacité; à la qualité, à l'aptitude des contractants.

Lorsque l'une de ces conditions fait défaut, la bona fides ne peut-elle par la remplacer, tout au moins atténuer les conséquences logiques, mais trop rigoureuses, qui découleraient de la nullité de la convention? Ce sera la matière des trois chapitres de cette partie de notre étude.

CHAPITRE PREMIER

DE L'ABSENCE DE CAUSE OU DE LA FAUSSE CAUSE

Ne serait-ce le secours de l'exception de dol, la cause qui suppose la recherche de l'intention des parties n'est guère prise en considération dans les contrats j. str. Elle occupe, au contraire, une place prépondérante dans les contrats b. f., dont les antécédents sont et doivent être consultés par le juge.

La cause peut être inexistante à la naissance même du droit personnel, cesser d'exister en cours d'exécution des conventions.

Suivant certaines distinctions indiquées par les textes, la bonne foi, touchant la réalité ou la sincérité de la cause, aura pour effet de donner à celui qui s'est mépris une action quasi contractuelle, même l'action du contrat, comme si les choses s'étaient régulièrement passées, sous la réserve au profit des tiers de la fin de non-recevoir puisée dans la consommation de l'objet.

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Dans les contrats j. str., la fermeté des principes est conservée, tandis que les contrats b. f. se meuvent avec plus d'aise.

Un contrat sans cause ou sur fausse cause est inefficace. Que deviennent, cependant, les effets de la nullité entre les parties, à l'égard des tiers, dans l'hypothèse de la bonne foi?

Une personne s'est crue à tort mandataire, fidejusseur : elle pourra agir par l'action negotiorum gestorum contre le prétendu mandant et obligé principal (f. Ulpien, 5 ppio, D., 3, 5).

De même en serait-il pour un quasi servus, qui a géré les affaires de son maître apparent (f. Ulpien, 5, 7, D., hoc tit.).

Primus s'estimant débiteur de Secundus, fait une promesse de donation à Tertius. Son erreur reconnue, il aura la faculté de repousser le donataire par une exception de dol, de le contraindre à faire une acceptilation (f. Julien, 2, 3, D., 39, 5).

La novation déterminée par l'erreur n'en existe pas moins. Cependant Paul et Ulpien (ff. 12 et 13, D., 46, 2) distinguent entre les délégués de bonne et de mauvaise foi. Le délégué de b. f. ne pourra, à la vérité, opposer une exception au délégataire, mais par une condictio certi ou incerti il exercera un recours contre le déléguant.

D'une manière générale, au III° siècle, la stipulation entachée d'erreur est paralysée par une exception de dol : « ex ea stipulatione, hoc ipso dolo facit, quod petit » dit Ulpien (36, D., 45, 1) et, sous Justinien, par une exception de dol in factum (IV, Inst., 13, 1).

et

Le remède fourni par le préteur à celui qui de bonne foi a exécuté une obligation sans cause, est une condictio indebiti, sanction d'un quasi contrat calqué sur le mutuum, la réception de l'indù. Dans quelle mesure ce moyen réussira-t-il contre l'« accipiens»? L'« accipiens » est de mauvaise foi c'est commettre une fraus que de recevoir sciemment ce qui n'est pas dû (f. Labéon 6, 6, D., 42, 8), se rendre coupable d'un furtum, soulignent Scaevola (18, D., 13, 1) et Ulpien (43, pp1o, D., 47, 2) dans ce cas au « tradens » de bonne foi sont ouvertes l'actio furti et la condictio furtiva. L' «< accipiens est de bonne foi il ne sera tenu que dans la limite de son enrichissement (f. Ulpien, 26, 12 in fine, D., 12, 6). Le jurisconsulte Paul adopte cette opinion dans l'espèce suivante: un

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esclave a été livré sans cause et affranchi par son nouveau maître ; ce dernier étant de bonne foi, il sera libéré en restituant les operae et l'hérédité qui aurait été recueillie par le « servus » (65, 8, D., 12, 6).

§ II. De l'erreur sur la nature de l'obligation.

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Lorsqu'il y a eu erreur sur la nature du contrat, Ulpien fait une distinction dans la loi 18 pp1o, D., 12, 1. Les conventions visées par l'une et l'autre des parties auraient-elles été suivies d'une translation de propriété, le contractant qui a exécuté pourra être repoussé par une replicatio doli, si la chose, les écus ont été consommés de bonne foi par l'«accipiens» quia secundum voluntatem dantis nummi sunt consumpti. Cette solution ne serait point toujours juridique. Le « tradens» a voulu livrer les deniers à titre de dépôt, l'« accipiens » les recevoir en qualité d'emprunteur; celui-là a estimé opérer un commodat, celui-ci un prêt : le contrat est nul.

Aucune décision n'est plus logique. Car, dans la pensée du « tradens», donateur ou prêteur, il devait y avoir une commutation de propriété en réclamant celle-ci d'un consommateur de b. f., il commettait un dol. Il en était différemment dans la seconde hypothèse. Déposant ou commodant, il n'avait point eu l'intention de se dessaisir du « dominium >> : la replicatio doli ne saurait donc être invoquée par un (( accipiens» de

mauvaise foi.

Pourvu, d'ailleurs, que le but atteint soit l'expression de la volonté commune, même d'une cause valable, l'erreur n'a aucune importance. Un père, se croyant débiteur de sa fille, promet une dot; une femme se constitue une dot dans l'idée qu'elle remplit une obligation l'un et l'autre restent liés par leur promesse, parce qu'en dehors de la falsa existimatio subsiste la pietatis causa (1).

(1) Ff. Julien, 46, 2, D., 23, 3; 32, 2, D., 12, 6.

§ III.

De l'erreur sur la personne des contractants.

L'erreur porte sur l'identité de la personne telle l'espèce proposée par Celsus (32, D., 12, 1). Sollicitant un prêt de Titius et de moi, vous avez contracté avec mon débiteur que vous croyez l'obligé de Titius. Il n'y a pas de « mutuum », sauf le bénéfice de la consommation des écus, auquel cas nous le verrons plus loin il est nécessaire de se demander laquelle de la condictio mutui, indebiti ou sine causa peut être exercée. Mais, quand par erreur on a géré les affaires d'une personne, celle-ci est exposée à la negotiorum gestorum actio (5, 1 ppio, D., 3, 5). Ce qui est conforme à la théorie générale.

Quelquefois l'erreur réfléchit contre les tiers. Un débiteur putatif promet une dot et paie. Le mariage ne s'ensuit pas. Qui pourra répéter du « dans » ou de la femme? Nerva et Atilicinius donnaient la condictio sine causa au constituant de b. f. (7 ppio, D., 12, 4); Paul estimait que la condictio indebiti devait compéter à la femme (7, D., hoc tit.).

SECTION II

DE LA CESSATION DE CAUSE

La cause contemporaine du contrat défaillit, à l'insu de l'un des contractants, qui continue à agir en vertu du titre primitif. Quel est le sort des actes juridiques erga omnes? Tout dépend de la bonne foi.

§ I. Effets de la bonne foi à l'égard des contractants.

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Un mandat est fini soit par la révocation soit par le décès du mandant, procuratore inscio. Entre le mandant, ses ayants cause et le mandataire, le contrat persiste. Le mandataire a le

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