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commune intention des parties, il était sous-entendu que le stipulant devait accroître son patrimoine. Mais, si ce dernier connaît la véritable origine de l'objet, il ne saurait demander la réparation du préjudice qui lui est occasionné par l'exécution du contrat. Sans doute a-t-il voulu faire une donation à son contractant. Dans toutes les probabilités, on ne manque as de lui opposer cette maxime rationnelle et juridique : << Nemo videtur fraudari eo quod consentit ».

II

Au moment de l'accord des parties, la chose a cessé d'exister détruite par un incendie, un naufrage, l'acte du prince. Le contrat est-il nul? C'est surtout dans cet ordre d'idées qu'on suivra les stages de la bonne foi.

Cicéron nous raconte que, les auspices ayant donné l'ordre de raser une maison, le propriétaire en consentit la vente sans faire aucune déclaration à l'acquéreur. Ce dernier attaqua son vendeur devant Caton en s'appuyant sur la formule : « quidquid sibi dare, facere oporteret ex fide bonâ ». Celui-ci condamna le défendeur à réparer le préjudice « emptori damnum praestari oportere ». La vente était donc valable (1).

Au 1o et au ш° siècle, les lois 57 de Paul et 58 de Papinien, D., 18, 1, interpolées d'après l'opinion de M. Accarias, contiennent les phases de la question.

Un immeuble vendu est incendié à l'instant du contrat. Sabinus, Nerva et Cassius soutenaient que la vente était nulle, bien que la superficie subsistât, même si une partie de la chose avait échappé au sinistre. Neratius faisait, au contraire, une distinction. Il subordonnait son jugement à la portion plus ou moins grande de l'édifice qui aurait été soustraite aux flammes. Y en avait-il la moitié ou moins de la moitié, l'action rédhibitoire était recevable.

(1) De Officiis, III, 16.

Au troisième siècle, la raison de décider se tire de la bonne foi des contractants.

(a) Vendeurs de m. f. et acheteur de b. f. La vente est nulle lorsque l'immeuble est entièrement consumé. Quand il en reste une parcelle quelconque, le contrat tient et le vendeur est exposé à une action en dommages-intérêts.

(b) Vendeur de b. f. et acquéreur de m. f. Le prix doit être versé, et ne peut être répété s'il a été payé.

(c) Vendeur et acquéreur de m. f. Il n'y a rien de fait par compensation « quod ex bonâ fide descendit, dolo ex utraque parte veniente, stare ».

La stipulation serait également nulle, dit Gaius (1, 9, D., 44, 7), supposant une convention inter eos qui ignoraverint. Sous Justinien, est sans force la stipulation d'un esclave décédé (II, Inst., 19, 1).

Les rédacteurs du Code civil (art. 1601) ne parlent point de la bonne foi, soit de l'un, soit de l'autre contractant. La perte de la chose est-elle totale, la vente est nulle. La perte est-elle partielle, l'acheteur optera, à son gré, entre le maintien du marché sauf réduction du prix, et l'abandon du contrat.

La doctrine adoptée par les jurisconsultes romains est infiniment supérieure, quoique incomplète.

En théorie, il convient de supposer une perte totale ou partielle combinée avec la bonne foi simultanée ou isolée des parties.

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PERTE TOTALE : 1гe hypothèse; bonne foi du promettant et du stipulant. Tous deux connaissent la situation; c'est un armateur acquérant un navire actuellement en détresse, qui a peut-être péri, moyennant un prix grevé des risques courus: La vente de l'aléa est valable. Tous deux ignorent le sinistre, même le péril de la chose : le contrat est nul, faute d'objet. 2o hypothèse; mauvaise foi du stipulant, bonne foi du Celui-là a sans doute estimé la marchandise à son

mettant.

pro

juste prix, à l'insu du vendeur, espérant obtenir par son dol des dommages-intérêts. Il doit subir le préjudice volontaire et payer sa contre-prestation.

3o hypothèse; Bonne foi du stipulant, mauvaise foi du promettant. Le contrat est nul, faute d'objet. Mais, « utilitatis causâ », l'acheteur conserve l'action contractuelle, afin d'y puiser une voie de recours contre son vendeur.

Le même raisonnement s'applique à la perte partielle.

Bonne foi des deux parties. Toutes deux traitant en connaissance de cause, la vente tient. Toutes deux ignorant la perte, il y a lieu à dépréciation, proportionnellement à la valeur de la chose au moment du contrat.

La

Bonne foi du promettant et mauvaise foi du stipulant. convention produira tous ses effets. Le stipulant a dû, comme tout à l'heure, sauvegarder ses intérêts. La volonté du promettant est tombée d'accord avec celle de son contractant jusqu'à concurrence de la portion de la chose subsistant.

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Mauvaise foi du promettant et bonne foi du stipulant. Si la perte est assez considérable pour enlever à l'objet toute l'utilité qu'on en pouvait attendre, le marché sera annulé à la demande du stipulant, qui mieux éclairé n'eût pas traité. Dans tous les cas, la mauvaise foi du promettant donne naissance à une action en dommages-intérêts par l'action contractuelle. Voilà comment, à notre avis, les diverses décisions de la jurisprudence romaine conduisent à un résultat assez satisfaisant en la matière.

III

A Rome, l'ordre public prohibe l'aliénation de certaines choses qui sont dites extra commercium. C'est pourquoi la vente en est nulle (f. Paul, 34, 2, D., 18, 1). Cependant elle a une certaine vitalité quand l'acheteur est de bonne foi, corrigent Pomponius (4, D., hoc tit.) et Celsus fils (6 ppi, D., hoc_tit).

Julien confirme cette manière de voir en ce qui touche la vente

acquéreur de b.

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d'un fils « in potestate » à un acquéreur de b. f. le vendeur doit être tenu (39, 3, D., 21, 2), de mauvaise foi il eût été frappé par la loi Fabia du « crimen plagii » (1, D., 48, 15) (1).

--

Un sénatusconsulte de l'an 41 de aedificiis non diruendis interdisait la vente des matériaux d'une maison détruite dans le but de favoriser les entrepreneurs de ruines. Mais l'acquéreur étant de b. f., le contrat s'exécutait (arg. des mots scientes dolo malo) (2).

Il ne faudrait point croire que l'obligation tirât autre chose qu'une vie artificielle de l'ignorance du cocontractant. Licinnius Rufinus fixe lui-même la portée de la formule en disant que la vente est valable, hors l'hypothèse de la mauvaise foi de l'acquéreur (70, D., 18, 1). Mais Pomponius d'ajouter immédiatement avec Modestin « licet emptio non teneat, ex empto tamen adversus venditorem experietur, ut consequatur quod interfuit ejus, ne deciperetur » (62, 1, D., 18, 1). L'exécution en nature est donc convertie en dommages-intérêts basés sur l'action contractuelle.

Ce n'est pas, cependant, toujours au figuré que le contrat efficacité tel est le cas prévu par le Sc.

conserve son

Claudien.

La vente des hommes libres avait donné lieu à des marchés honteux, non seulement pour la morale, mais encore pour la sûreté des relations juridiques. S'appuyant sur l'inaliénabilité de la liberté (f. Callistrate, 37, D., 40, 12) deux personnes convenaient de jouer l'une le rôle de vendeur, l'autre celui d'esclave. Le marché étant lié, le prix payé, le complice de cette action dolosive excipait de sa qualité d'homme libre. D'un texte de Paul (23 ppio, D., 40, 12) combiné avec une loi d'Ulpien

(1) Un créancier qui de m. f. acceptait en gage un homme libre, était puni de la déportation (Paul, Sent., V, I, I). (2) Voir Bruns, Fontes juris romani, p. 141.

(14 ppio, D., hoc tit.) il semble se dégager que Quintus Mucius protégeait l'acquéreur de b. f. en refusant la proclamatio libertatis à celui qui a trompé ce dernier sur son identité, et en donnant une action du double contre le vendeur. Toujours est-il que, d'après certaines probabilités, le Sc. Claudien vint confirmer cette jurisprudence. Il enlevait la liberté au citoyen qui s'en était ainsi rendu indigne, à condition qu'il eût vingt ans et partagé le prix (7, 1, D., 40, 12; 1 ppio, D., 40, 13) (1).

Il allait de soi que l'acquéreur devait être de b. f. Au cas de vente à deux personnes, l'ignorance de l'une d'elles suffisait pour fortifier le contrat, dit Ulpien (7, 3, D., 40, 12), statuant en sens contraire de Paul (5, D., 40, 13). Par sa bonne foi le tiers acquéreur était prémuni contre tout dommage (7, 2, D., 40, 12).

S
§ IV. De la valeur inférieure de la chose.

I

Primus achète une propriété complantée d'arbres. Dans l'intervalle de la visite sur les lieux et de la formation de la vente, le vent renverse les arbustes. De deux choses l'une :

le

(1) L'acquéreur de b. f. d'un homme libre est assimilé à un possesseur d'esclave. Celui-là acquiert pour son maître « ex operis suis et re sua »>; telle était déjà l'opinion d'Ariston. Constituent des biens propres les donations, les choses « ex negotio gesto », une hérédité, à moins de volonté expresse du patron, encore que l'adition faite sur l'ordre du père de famille n'enlève pas le bénéfice de la succession à l'esclave apparent. Sur ce point, d'ailleurs, Trébatius se trouvait en divergence avec Labéon (f. Pomponius, 19, D., 41, 1; f. Modestin, 54 ppio, D., hoc tit.; f. Ulpien, 23 ppio, D., hoc tit.). Mais c'est là une règle applicable à l'homme libre qui, ignorant sa qualité, sert comme esclave. Rien n'autorise à raisonner ainsi dans l'hypothèse prévue par le Claudien, qui enlève la liberté, et cela irrémédia

blement.

En sens inverse, si de b. f., j'ai cru que Titius était mon fils en vertu d'une adrogation nulle, je ne pourrai acquérir « ex re mea» (f. Papinien, 44 ppio, D., 41, 3).

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