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TROISIÈME PARTIE

DE LA CHOSE D'AUTRUI

La qualité de propriétaire chez le promettant n'est pas un élément essentiel de tous les contrats. Là où elle n'est qu'un <«< adminiculum », son absence diminuant les avantages que le stipulant aurait retirés de la chose, elle donne naissance à des demandes en dommages-intérêts « quantum interest ne actor decipiatur ». Dans certaines conventions, l'inexistence de la propriété chez le contractant entraîne la nullité du lien de droit.

D'un côté, la bonne foi soit de l'une, soit de l'autre des parties, influe-t-elle sur les conséquences normales des principes? D'un autre côté, la chose d'autrui causant un dommage à l'un des contractants, dans quelle mesure la réparation est-elle due?

De là une double division de cette troisième partie.

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Il n'est point douteux, dit Ulpien (28, D., 18, 1), que la vente de la chose d'autrui ne soit valable, mais l'acquéreur peut être évincé, et le jurisconsulte d'ajouter (11, 2, D., 19, 1) que le vendeur est tenu «evictionis nomine » si le prix a été payé ou une satisfaction fournie. Paul (Sent., II, 17, 1) se montre tout aussi précis en l'absence, soit du prix, soit d'une satisfaction, l'« auctoritas >> ne saurait être requise <«< aliter enim non potest obligari. » Aussi bien, le vendeur de la chose d'autrui touchera le prix sans tomber sous l'accusation du « furtum » (f. Ulpien, 52, 17, D., 47, 2). Paralysé par l'« exceptio rei venditae et traditae » (1 ppio, D., 21, 3), il n'aura point la faculté de redemander la chose; enfin, s'il devient héritier du « dominus », il devra exécuter intégralement la convention (f. Paul, 46, D., 19, 1; Pomponius, 2, D., 21, 3).

Telles sont les règles à l'époque classique. Loin d'avoir la fixité d'une formule, elles varient à l'infini, se pliant à la bonne foi des parties, tantôt dans leurs rapports entr'elles, tantôt à l'égard des tiers.

II

Entre vendeur et acheteur, quatre hypothèses se présenteront; tous deux de b. f.; tous deux de m. f.; l'un d'eux seulement de b. f.

-

(a) Vendeur (1) et acheteur de b. f. — Le vendeur est-il toujours tenu par l'action en garantie? C'est l'avis d'Ihering fondé sur le texte de Paul déjà cité (2). Il conviendrait, cependant, d'émettre quelque doute sur la généralité de cette doctrine. Un créancier gagiste a vendu « jure creditoris » la chose du débiteur, qui se trouvait ne pas être à celui-ci. De b. f. il ne devra pas I' <<< auctoritas » (f. Ulpien, 11, 16, D., 19, 1). De même ce qui est moins démonstratif dans une vente judiciaire d'un «< pignus ex causa judicati captum » la garantie est cantonnée au prix. en faveur du créancier (f. Hermogenianus, 74, 1, D., 21, 2).

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Dans les cas où cette dernière doit être fournie, la bonne foi apporte de nombreux tempéraments à la rigueur du contrat.

Un vendeur de b. f. a le pouvoir d'en limiter la durée à trente jours (f. Ulpien sur Minicius, 11, 15, D., 19, 1); de promettre que l'éviction ne viendra pas de son fait; de s'exonérer de tout dommage résultant d'un tiers, sauf cependant la restitution du prix, d'après Julien (f. Ulpien, 11, 18, D., hoc tit.): d'échapper même à toute garantie (arg. a contrario, f. Pomponius, 6, 9, D., hoc tit.). Au surplus, il ne saurait être poursuivi avant tout trouble (f. Paul, 4 ppio, D., hoc tit.) (3), ni rembourser à l'acquéreur au delà de ce que ce dernier n'aurait pu demander au revendiquant, du chef d'impenses incorporées au sol d'autrui (f. Paul, 45, 1, D., 19, 1). Enfin, si la «< merx » est une chose volée ou un esclave fugitif, il est seulement

(1) Ce ne sera pas l'espèce la plus vulgaire; car généralement le vendeur de la chose d'autrui est un « fur» (f. Gaius, 36, D., 41. 3; II, 50 et 51; II, Inst., 6, 3 in fine). (2) Voir La faute en droit privé. Africain, 30, 1, D., 19, 1.

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(3) F.

exposé à une action en réduction (f. Ulpien, 13, 1 et 2, D.,

hoc tit.) (1).

L'énumération des bénéfices conférés au promettant indique par là même la condition juridique de son cocontractant qui, de b. f. a en outre le droit de ne point verser le prix, s'il est sous la menace d'une éviction, malgré la caution des fidėjusseurs (frag. Vat., 12).

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(b) Vendeur et acquéreur de m. f. Les textes sont muets. Cependant pourrait-on décider, par analogie des lois 57, D., 18, 1 et 34, 3, D., hoc tit., qu'il n'y a rien de fait.

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(c) Vendeur de b. f. et acquéreur de m. f. La vente est-elle valable, comme le prétend M. Maynz? En ce qui touche la vente de la chose volée et de l'esclave fugitif, la question ne soulève d'hésitation. Car la loi 34, 3, D., 18, 1, tranche exprespas sément la difficulté: le vendeur ne sera pas obligé. Paul se rencontre, dans cet ordre d'idées, avec Neratius (11, 7, D., 19, 1). Ce qui montre la persistance des actions de droit strict, l'acheteur de m. f., qui n'aurait pu agir « ex empto» contre son vendeur, invoquerait valablement l'action « ex stipulatu (f. Ulpien sur Labéon, 4, 5, D., 44, 4). Mais la décision de Paul s'étendait-elle à la vente d'une chose non dérobée? La loi 9, C., 8, 45 (an 222) suppose un acquéreur de b. f. « Si controversia tibi possessionis quam bona fide te emisse adlegas... et la loi 27, C., même titre : « Un acquéreur de m. f. exerce l'action en garantie « contra juris rationem ».

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Quant à nous, nous rapportant à cette idée générale que le préjudice pas plus que l'erreur ne doit être volontaire, nous refusons toute action en garantie à un acheteur de m. f. (2).

(1) Le vendeur b. f. d'un « fur » n'est point tenu « evictionis nomine >> par ce que le fur peut être possédé. Il en est autrement du vendeur d'un « servus fugitivus »; l'usucapion n'en est point permise (f. Ulpien, 13, 1, D., 19, 1). (2) Cpr. art. 1629 C. civ. En droit français, la vente de la chose d'autrui est nulle; elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui (art. 1599 C. civ.). Si le contrat

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