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Nous avouons que nous ne saisissons pas le fondement d'une théorie contredite par le texte de la loi 1, C., 4, 51, enlevant toute option au revendiquant. Le gouverneur de la province ordonne le paiement du prix entre les mains du propriétaire : voilà comment s'exprime la Constitution.

A vrai dire, s'il nous fallait fournir notre opinion, nous nous rangerions à la doctrine d'une « negotiorum gestio, principali vel pontificali auctoritate ». Cette conjecture trouve une base dans la loi 50 in fine, 5, 3. Un possesseur de b. f. a élevé un monument funèbre en exécution d'une condition imposée par le testateur. Bien qu'il n'y ait pas une gestion d'affaires proprement dite, les véritables héritiers seront tenus de rembourser ces impenses principali vel pontificali auctoritate. Ulpien, dans la loi 14, 11, D., 11, 7, donnait même l'action « funeraria »>, qui revêt un caractère subsidiaire « utilitatis causâ » dans la loi 32 pp1o, D., de Paul, même titre.

B. A partir de la «litis contestatio», acquéreurs de b. f. et de m.f. sont placés sur le pied d'égalité, responsables tous les deux de la faute légère (Gaius, 36, 1, D., 6, 1; IV, Inst., 17, 2). Mais, prise à la lettre, cette formule serait erronée. Car, entre les deux personnages, la jurisprudence établissait des différences essentielles en vue de la perte de la chose revendiquée inter moras litis.

Le possesseur de b. f. qui a cessé de posséder sans dol, n'est point tenu de l'action ad exhibendum (f. Ulpien, 7, 5, D., 10, 4); ni de fournir la valeur vénale de la chose, qui a péri ou dont il n'a point touché le prix (f. Ulpien, 15, 3, D., 6, 1); ni de donner l'estimation de l'esclave qui s'est enfui; ni de s'engager à le poursuivre par la cautio de persequendo servo restituendove pretio, lorsqu'il n'a pas usucapé (f. Paul, 21, D., hoc tit.).

7. Quand le propriétaire triomphe dans la revendication, l'acquéreur retire de sa bonne foi deux bénéfices: 1° le rem

boursement de ses impenses; 2o la propriété des fruits produits par la « res petita ». Renvoyant plus loin l'étude de la première de ces faveurs, nous ne nous occuperons à l'instant que de la seconde d'entr'elles.

Les divergences les plus vives partagent les auteurs qui ne s'entendent, ni sur la nature des fruits gagnés par l'acheteur de b. f., ni sur le mode d'acquisition, ni sur l'époque où la propriété se fixe définitivement sur sa tête.

(a) Gaius dit que l'acquéreur de b. f. sera propriétaire des agneaux, des boucs, des raisins fruits et produits dus autant.

à la nature qu'au travail de l'homme.

Au m° siècle, la théorie s'affirme avec plus de netteté chez Paul (48 ppio, D., 41, 1). Il donne à l'acheteur de b. f. tous les fruits << non tantum eos, qui diligentia et opera ejus pervenerunt, sed omnes : quia quod ad fructus attinet, loco domini pene est ». A la vérité, Pomponius professe une opinion contraire (45, D., 22, 1). Si un fruit tombe de lui-même, il ne devient point la propriété de l'acquéreur de b. f. « quia non ex facto ejus is fructus nascitur ». C'est à cette dernière doctrine que se rallie l'empereur, ne concédant dans ses Institutes (II, 1, les fruits « pro cura et cultura ».

35) que

Avec Paul la bonne foi seule est récompensée. Les rédacteurs de la compilation byzantine y joignent la nécessité d'un effort qui ait accru la valeur du fonds.

(b) Au 1o siècle, les fruits appartiennent à l'acheteur par leur séparation (f. Gaius, 28 ppio, D., 22, 1). Au ш° siècle, Julien ainsi que Paul adoptent cette solution (25, 1, D., 22, 1; 48, ppio, D., 41, 1; 13, D., 7, 4) combattue par Papinien (48 et 65 ppio, D., 6, 1), pour qui les fruits seront la chose de l'acquéreur par la seule perception.

Aux second et troisième siècles, les fruits deviennent statim la propriété de ce dernier, qu'ils n'aient point été consommés ou que l'usucapion n'en soit point achevée au moment

de la revendication. Gaius, dans le passage souligné, et Paul (48 ppio, D., 41, 1) sont absolument clairs et formels. Ce dernier s'exprime ainsi : « Denique etiam priusquam percipiat, statim ubi a solo separati sunt, bonae fidei emptoris fiunt ». Qu'à l'époque de Justinien, la règle ait varié et que la perfection de la propriété soit subordonnée à la consommation (IV, Inst. 17, 2), c'est un point qui n'est guère douteux. Mais soutenir qu'il en fût ainsi antérieurement nous paraît contredire des textes contre lesquels ne s'élève aucune critique, aucun soupçon d'un remaniement quelconque. C'est pourquoi repoussons-nous la théorie de M. de Savigny, qui se résume dans les lignes suivantes. Les fruits pendants font partie du fonds (f. Gaius 44, D., 6, 1). L'usucapion n'en commence qu'après leur séparation, sans appréhension nouvelle, ni juste cause de telle sorte qu'à la demande en revendication l'acquéreur de b. f. doit répondre, ou par une exception de l'usucapion, ou par l'impossibilité dans laquelle il se trouve de restituer la chose consommée (1). Dans un ouvrage plus récent, M. Andreani, après avoir résumé les doctrines en présence (2), mentionne celle du professeur Oduardo Ruggieri. Suivant cet auteur, les fruits seraient acquis immédiatement après leur séparation, mais le propriétaire réclamerait par une « condictio sine causa » les fruits non consommés. La «< condictio » se heurterait à la consommation. Quelqu'ingénieux que soit ce système, il est en désaccord avec les fragments insérés au « Corpus ». ». Or, que disent-ils ? Ulpien (48, 5, D., 47, 2) suppose qu'une esclave volée accou che chez un acquéreur de b. f. Le part pourra être usucapé. Puis, plus loin, § 6 de la même loi, imaginant qu'une jument volée mette bas un poulain chez cette mème personne, la propriété en sera acquise, dit-il, «< statim, quia in fructu nume

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(1) De la Possession, § 22 a, note 1, pp. 261 et 263. (2) Il diritto del bonae fidei possessor sui frutti, Archivio Juridico, t. XL, p. 480; t. XLI, pp. 37, 239.

ratur ». Paul (4, 19, D., 41, 3) élucide encore sa pensée dans l'espèce suivante : des moutons ont été tondus, la laine en appartient «<< statim » à l'acheteur de b. f. « quoniam in fructu est, nec usucapi debet, sed statim emptoris fit ». Il ajoute, il est vrai, une phrase assez incompréhensible que les commissaires impériaux ont sans doute adaptée à leur doctrine nouvelle : « idem in agnis dicendum, si consumpti sint ». Ihering propose une autre leçon en substituant à si consumpti sint, si non summisit. Nous n'apercevons qu'une conciliation possible distinguer les fruits des produits. Les fruits - poulains, laine des moutons — seraient acquis instantanément; les produits, part de l'esclave, brebis- par l'usucapion ou la consommation.

C'est encore fort obscur. Néanmoins, nous préfèrerions infiniment cette interprétation exégétique à des hypothèses qui ne se dégagent d'aucun texte.

Ainsi se règlent les rapports de l'acheteur de b. f. avec le propriétaire.

IV

par

A l'égard des tiers autres que celui-ci, il possède « pro emptore ». A ce titre, il jouit des interdits possessoires et, en outre, de l'action Publicienne. Ce dernier bénéfice lui a été dénié Kritz, dont l'opinion isolée n'a point fait fortune. S'il est exact, comme le prétend cet auteur, que l'action fût réservée au propriétaire bonitaire, comment expliquer que Justinien consacre le titre II du livre VI au Dig., à la réglementation de la Publicienne? Comment comprendre l'allusion à une usucapion fictive dans le § 4 in fine, IV, 6 aux Instit., alors qu'au vi° siècle l'« in bonis » n'est plus qu'un souvenir historique (1)? Est-il bien nécessaire de confirmer cet argument et de remarquer que Julien (7, 18, D., 6, 2), parlant des conditions de recevabilité

(1) Cpr. E. Cuq, De l'Édit publicien, Nouv. Rev. hist., 1877, p. 630.

de l'action Publicienne, écrit sans distinction « oportere et tunc

bona fide emptorem esse »?

Parmi les tiers, il en est un armé d'un droit spécial, en vertu duquel il a la faculté de poursuivre le bien entre les mains de l'acquéreur de b. f., c'est le créancier gagiste qui se se prévaut de l'action Servienne utile. Mais, quand la chose et ses fruits ont été affectés au pignus », l'acheteur de b. f. n'est pas comptable des fruits qu'il a usucapés, ces derniers n'ayant jamais appartenu au débiteur (Papinien, 1, 2, D., 20, , 1).

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Ce ne sont pas les seuls avantages de la bonne foi de l'acquéreur. Seu i exercera l'« actio furti » (Javolenus, 74, D., 47, 2; IV, Inst., 1, 15).

V

Il n'est point indifférent de savoir si le vendeur lui-même a été de b. f. pour régler ses rapports avec le propriétaire. De b. f., il n'est point tenu par l'action « ad exhibendum ». Exclusivement obligé de rendre id quod ad se pervenit (f. Ulpien, 1, 47, D., 16, 3; f. Paul, 27, 3, D., 6, 1; f. Africain, 23, D., 12, 1; f. Pomponius, 14, D., 10, 4), il est responsable de la représentation pécuniaire de la chose.

VI

La vente de l'esclave d'autrui comporte quelques particularités. L'« emptor bonae fidei » est assimilé à un usufruitier avec cette différence qu'il peut usucaper, droit interdit au second par la précarité de sa possession. Cette proposition est vraie aux second, troisième et sixième siècles (Gaius, 20, D., 6, 1; Ulpien, 23 ppio, D., 41, 1; II, Inst., 9, 4). Il profitera donc des acquisitions provenant « ex operis et re ». S'agit-il d'un esclave fugitif, le propriétaire aura la faculté de répéter tout ce dont se sera enrichi l'acheteur. Mais quand ce dernier éprouvera quelque perte du fait de la gestion de l'esclave, il aura le

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