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dépasse pas la quotité disponible; il n'atteint pas la réserve, parce qu'elle est une portion de l'hérédité (1).

Ainsi, nous sommes amené à décider que le réservataire renonçant ne peut, malgré son droit de rétention, conserver sa part de réserve sur une donation qu'il a reçue.

(1) Nous voulons, en terminant, indiquer des variantes apportées par des auteurs considérables, tels que MM. Marcadé, Vavasseur et Rodière au système du non-cumul:

1o Système de Marcadé. M. Marcadé admet, en principe, la théorie du non-cumul; c'est celle que les textes du Code civil imposent. Mais le caractère propre à l'avancement d'hoirie inspire à cet auteur l'idée d'une modification très grave. La donation en avancement d'hoirie ne devient définitive que par la renonciation. Puisque c'est à partir du jour de la renonciation que l'avancement d'hoirie constitue une véritable libéralité, c'est à cette date qu'il doit être réduit. Cette date étant forcément postérieure à la mort du de cujus, il sera réduit avant les legs.

C'est là une violation évidente de l'art 923 qui réglemente l'ordre dans lequel les libéralités seront réduites. Or, le législateur veut que les libéralités testamentaires, les legs soient réduits avant les donations et à cette règle il n'apporte aucune exception. Le respect de la loi n'autorise pas l'adoption du système de M. Marcadé. Cet auteur distingue trois espèces de libéralités donations entre vifs, legs, avancements d'hoirie. Mais cette division tripartite ne ressort aucunement des textes du Code, qui la combattent même ouvertement. En effet, le législateur consacre seulement deux modes de dispositions à titre gratuit, la donation et le testament (art. 893). Et, comme nous l'avons dit, le don en avancement d'hoirie est une variété de la donation, mais il constitue une véritable donation, qui, par conséquent, doit être réduite à sa date propre et non à celle de la renonciation (art. 923) (Explication du Code sur les art. 919, no 4, et 923, no 2).

20 Système de Vavasseur. Il admet la même théorie que M. Marcadé; mais il donne pour date à la réduction du don en avancement d'hoirie le jour du décès. Il le rend ainsi réductible comme un simple legs. La même objection que nous avons développée sur le système de M. Marcadé s'élève avec toute sa force contre le système de M. Vavasseur (Revue pratique de Droit français, T. 5, p. 68).

3o Système de Rodière. Le système de M. Rodière est plus compliqué. Il consacre le système du non-cumul, mais il arrive par de savants détours à des conséquences inacceptables (Revue de législation et de jurisprudence, ann. 1850, T. 2, p. 360). Il pose en principe que le réservataire renonçant n'a pas droit à sa part de réserve. Mais que deviendra cette

L'examen des droits du réservataire renonçant dans les trois situations que peuvent créer les libéralités du défunt nous conduit à une solution négative: l'héritier renonçant ne peut parvenir à sa part de réserve ni par l'action en partage, ni par l'action en réduction, ni par le droit de rétention.

Ces trois hypothèses offrent entre elles de profondes différences, mais elles présentent aussi un élément commun la renonciation du réservataire à la succession du de cujus ; c'est d'elle que dérive pour celui-ci l'impossibilité d'obtenir sa

réserve.

En effet, changeons un peu les termes du problème. Supposons le réservataire acceptant; personne ne lui contestera le droit de réclamer sa réserve par l'action en partage ou en

part de réserve? Profitera-t-elle aux autres réservataires ou aux donataires postérieurs? Elle profitera exclusivement aux réservataires, si elle rentre dans la succession « par la seule volonté de la loi. Elle doit pro>> fiter aux préciputaires ou aux donataires postérieurs si elle y rentre par » l'effet de la volonté du donateur ». Et dans notre hypothèse, la part de réserve de l'enfant renonçant rentre dans la succession, par la volonté du donateur, car il aurait pu assurer à l'enfant donataire sa part de réserve et la quotité disponible en lui donnant celle-ci par préciput. Puisqu'il n'en a pas disposé ainsi à l'égard de l'enfant donataire auquel il a seulement donné la quotité disponible, il pourra en disposer en faveur d'un autre donataire; car « la portion disponible vis-à-vis du premier donataire était >> la quote disponible ordinaire, plus sa réserve, ou, ce qui revient au » même, en sus de sa réserve ».

La théorie de M. Rodière ne repose sur aucun texte. Elle doit être rejetée. D'abord la distinction que cet auteur établit entre les biens qui rentrent dans la succession par la volonté du donateur et par la volonté du législateur n'existe pas; elle n'est écrite nulle part. Du reste, en admettant l'existence de cette distinction, nous devrions dire que les biens réservés rentrent dans la succession par la volonté du législateur; car c'est la loi qui a imposé une condition au donataire pour conserver sa part de réserve; cette condition est l'acceptation de la succession.

Enfin, ce système permettrait au père de famille de disposer de la réserve. Or, la réserve forme la partie des biens qui est indisponible (art. 913 et 915).

réduction ou de la retenir par exception sur la donation qui lui a été faite. Il possédera la qualité d'héritier et, la réserve étant une portion de l'hérédité, il l'obtiendra par voie d'action ou la retiendra par voie d'exception.

Le réservataire renonçant, au contraire, a perdu par sa renonciation cette qualité. Il est censé n'avoir jamais été héritier. C'est l'absence de ce titre qui lui enlève la faculté d'avoir sa réserve par un des moyens indiqués.

Qu'est-ce à dire, sinon que la réserve est une portion de l'hérédité pour l'obtention de laquelle la qualité d'héritier est indispensable?

CHAPITRE IV

DE L'ATTRIBUTION DE LA RÉSERVE

Une question qui se rattache certainement à la nature de la réserve est son attribution aux réservataires.

La qualité d'héritier est nécessaire pour parvenir à la réserve par voie d'action ou pour la retenir par voie d'exception. La vieille maxime non habet legitimam nisi qui heres est exprime la doctrine du Code.

Mais notre réserve est variable d'après le nombre des réservataires. Quels seront ceux qui entreront en ligne de compte pour en fixer le montant? Seront-ce les réservataires acceptants seuls? Ou bien s'occupera-t-on aussi des réservataires renonçants? Et dans le cas de l'affirmative, à qui ira leur part?

L'intérêt de la question n'apparaît pas dans une hypothèse spéciale. Si, en effet, nous supposons que le nombre des enfants est assez considérable pour que, en dépit de la renonciation de plusieurs héritiers, il y ait encore au moins trois réservataires, il est inutile de se demander si les renonçants sont comptés pour le calcul de la réserve. En effet, à partir de trois enfants, quel que soit le nombre des héritiers réservataires, la réserve demeure stationnaire, elle est invariablement composée des trois quarts des biens héréditaires.

Par conséquent, restreignons les solutions que nous allons donner au cas où, par l'effet des renonciations survenues, le nombre des réservataires acceptants sera inférieur à trois.

Beaucoup d'auteurs soutiennent des opinions variant selon la nature qu'ils ont reconnue à la réserve. Il est donc logique, à

propos

de la nature de la réserve, d'examiner aussi son attribution qui est le corollaire du premier problème que nous

avons résolu (1).

Quatre systèmes principaux ont été préconisés :

1er Système.

L'enfant renonçant compte pour la détermination de la réserve. Sa part accroît aux héritiers acceptants (2). Cette doctrine offre l'avantage très appréciable de permettre la fixation d'une réserve stable. On prendra pour base de calcul le nombre des enfants que laissait le de cujus à son décès et on établira ainsi la portion disponible et la fraction du patrimoine réservée. Une fois cette réserve fixée, elle sera invariable; aucun fait postérieur au décès du défunt ne pourra exercer d'influence sur sa composition; par conséquent, elle sera indépendante de l'acceptation ou de la renonciation des réservataires.

Dans tous les autres systèmes, disent les partisans de cette

Arrêt

(1) La jurisprudence a souvent été appelée à résoudre ensemble les deux questions de la nature de la réserve et de son attribution. C'est ainsi que nous trouvons dans l'arrêt Laroque de Mons le principe qui fait de la réserve une portion de l'hérédité et la base de la computation de la réserve d'après laquelle sont compris dans le calcul tous les enfants laissés au décès par le testateur les héritiers renonçants y sont comptés. Cette doctrine de la Cour de cassation n'a pas varié. Arrêt du 18 février 1818; Sirey, 1818, 1, 98. Arrêt du 13 août 1866; S., 1866, 1, 383. du 21 juin 1869; S., 1870, 1, 432. Les Cours d'appel l'ont généralement consacrée Caen, arrêt du 16 février 1826; S., 1826, 2, 296. Paris, arrêt du 11 mai 1865; S., 1865, 2, 185. - Paris, arrêt du 18 août 1866; S., 1866, 2, 298. — Paris, arrêt du 18 février 1886; S., 1888, 2, 225, etc. Quelques Cours d'appel ont seules résisté à l'interprétation de la Cour de cassation. Rennes, arrêt du 10 août 1863; S., 1863, 2, 209. Paris, arrêt du 20 mai 1865; S., 1866, 2, 220.

-

1866; S., 1867, 2, 235.

:

Montpellier, arrêt du 23 mai

- Touiller : Le Droit

(2) Ont soutenu cette théorie: Grenier Donations, T. 4, no 564. Levasseur Traité de la quotité disponible, no 40. : civil français, T. 5, nos 109 et s. · Duranton Cours de droit civil, T. 8,

--

nos 298 et s.- Vazeille : Donations, art. 913, no 2.- Coin-Delisle : Dona

tions sur l'art. 913, nos 6 et s.

1854.

p. 193.

Troplong Revue critique de législ.,

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