indiquées. Il rappelle simplement les dispositions des Novelles de Justinien. Il n'établit aucune distinction entre les conquèts et le patrimoine héréditaire (1). Il convient de remarquer qu'en thèse générale, le disponible sera d'abord pris sur les muebles et conquez; mais subsidiairement les donataires ou légataires pourront attaquer l'éritage. Nous prenons l'hypothèse d'un testament où est contenu un legs de trente livres en faveur d'un tiers. Le légataire sera d'abord payé sur les muebles et conquez, il n'a pas le droit de réclamer pour le paiement de son legs une partie de l'éritage si les héritiers prouvent que les muebles et conques sont suffisants pour acquitter les charges du testament. Mais si la succession comprend des muebles et conquez en trop petite quantité pour désintéresser les légataires, rien ne s'opposera alors à ce que l'éritage soit entamé jusqu'à concurrence de la quotité disponible fixée par la coutume locale. Cette solution résulte d'une espèce résolue par la Coutume de Saint-Dizier Perrinet fait à un tiers un legs de trente livres à prendre sur une maison. Les héritiers prétendent que les legs « ne doient miez être pris sus héritages, tant comme il » y a muebles et se il n'y a muebles, dient-il que li héritages » de la ville ne se pueent vendre ne aliéner ne mettre en >> autrui main, se par eschevin non. >> De cest article, il samble as eschevins d'Yppre que li » testamens et le don qu'il fit doit estre paiés premièrement » des muebles qui demorent après le mort et se il y faust >> ascune chose on doit aler avant sour l'eritage » (2). Cette notion du patrimoine est commune aux nobles et aux roturiers. Dans ces deux milieux si distincts, on trouvait la division des biens en éritage et muebles et conquez. (1) Des testaments, ch. 103 (Des testaments contre piété). (2) § 174. Mais à côté de cette ressemblance, le droit des successions nobles était très distinct de celui des successions roturières. Ainsi, les bénéfices et les fiefs sont soumis par le droit noble à des règles successorales particulières. Dans une première époque, le bénéficiaire et le vassal ne pouvaient disposer des fiefs et des bénéfices parce qu'ils n'étaient que viagers et lorsqu'ils furent héréditaires, le bénéficiaire et le vassal n'en eurent pas encore la libre disposition; le seigneur suzerain était, en effet, très intéressé à leur transmission afin de ne pas perdre les garanties dont le droit de suzeraineté était entouré. La condition spéciale des fiefs avait aussi inspiré un des principes qui dominaient les partages des biens nobles de la nécessité de défendre les fiefs dans un pays troublé par de constantes hostilités naquit le droit d'aînesse. Le vassal présentait à son suzerain un de ses enfants qui obtiendrait le fief à charge par lui de faire respecter ses droits, les armes à la main. L'enfant le plus apte à guerroyer était l'aîné ce fut lui qui profita du droit d'aînesse; c'est-à-dire qui obtint les fiefs (1). Ce droit eût dû être borné aux fiefs; il s'étendit aussi à tous les biens nobles héréditaires; nous voyons, en effet, que l'aîné prend les deux tiers de l'éritage; les puînés se partagent entre eux l'autre tiers (2). Si nous passons aux successions roturières, nous constatons l'absence du droit d'aînesse au contraire, dans les partages entre enfants règne l'égalité la plus absolue (3). Beaumanoir (4) examine la situation de l'enfant donataire renonçant à la succession de son père. Il peut, dit-il, « s'en tiengnir à ce >> qui li est donné ». Mais retiendra-t-il tout le don? Non, (1) En Bretagne, en Flandre, en Alsace, ce fut le plus jeune enfant (juvénieur). (2) Etablissements de Saint-Louis, L. 1, ch. 10 in fine. (3) Etablissements de Saint-Louis, L. 1. ch. 136. (4) Coutume de Beauvoisis, ch. 14. § 15. s'il est excessif; car les autres enfants ne doivent pas être orphelins et deshérités ». C'est une estimation du juge qui prononcera. Enfin tandis que l'exhérédation est inconnue chez les nobles, elle existe chez les non-nobles et les cas où elle est prononcée sont les mêmes qu'en Droit romain, tels qu'ils étaient fixés par la Novelle 115 (1). Dès l'époque féodale, nous assistons à l'apparition modeste d'une institution nouvelle ou plutôt à la résurrection d'une institution ancienne, la légitime romaine. C'est un lien nouveau entre la société noble et la société roturière; car la légitime est créée en faveur et des enfants roturiers et des enfants nobles. Comme à Rome, la légitime est basée sur la parenté. Elle constitue la sanction de la dette que contractent les parents vis-à-vis des enfants en les mettant au monde et réciproquement de la dette que contractent les enfants à l'égard de leurs parents en recevant le jour. La légitime réapparaît pour assurer la sostenance des enfants, toujours consacrée par la loi naturelle et souvent écrite dans la loi civile. Malgré la disposition complète des conquez et muebles qui est permise, en principe, nous pouvons observer déjà une tendance marquée vers l'affectation de ces biens à l'acquittement de la légitime. Cette idée est clairement indiquée dans un texte de Pierre Defontaines : « Et se li heritages est petiz et li conquest sont grant, et » si que li heritage ne sofisent pas à la sostenance as enfanz, » de son conquest ne peut deviser fors ce qui sormonte la (1) Assises de Jérusalem, assises des Bourgeois, ch. 239 et 240. Defontaine rappelle les Constitutions des Empereurs Dioclétien, Maximien, Constantin et Justinien; il constate que ces règles s'appliquent au droit féodal (Conseil, ch. 33, §§ 33 et s. ch. 34, § 10). >> sostenance as enfanz car qui doit mielz estre sostenuz de la » sostenance au père que li enfant qui sont de son propre sanc >> et qui il doit norrir selonc la nature et porveoir selon les » lois? » (1). La réserve, au contraire, aura surtout pour but d'assurer la conservation de l'éritage dans la famille. Chez les nobles même, il sera attribué en grande partie à l'aîné, qui représente particulièrement la famille; il contribuera à soutenir l'éclat du nom et concourra à la perpétuité de la race. La réserve sera une institution politique, aristocratique concentrant la fortune entre les mains des enfants ou de l'un d'eux par l'obstacle qu'elle met à la liberté de disposition. Les auteurs de l'époque féodale ne se sont pas préoccupés de la nature juridique de la réserve; mais il est facile de la déterminer d'après les principes successoraux de l'époque. L'éritage n'était certainement transmis que grâce au titre d'héritier. L'expression même se charge de nous l'apprendre. La différenciation des deux institutions, la légitime et la réserve, qui occuperont une si large place dans la période monarchique, n'est pas encore très nette; elle est seulement indiquée. Mais, déjà les idées distinctes qu'elles consacrent hantent avec persistance l'esprit des jurisconsultes : nous verrons les résultats considérables que leur fécondité aura produits. (1) Conseil, ch. 34, § 10. CHAPITRE III PÉRIODE MONARCHIQUE Cette période est caractérisée d'un mot; c'est celle de la Renaissance. La culture des esprits, négligée dans les siècles de fer des époques franque et féodale pour les exercices physiques et les luttes guerrières, redevient comme au temps classique de Rome, la préoccupation de tous. Les lettres, les arts, le droit rcfleurissent et brillent d'un éclat nouveau. Quel est le mouvement qui emporte tous les esprits, qui. » les soulève, qui les exalte? la passion de l'antiquité. Les Grecs » et les Latins vont refaire la société. Tout ce qui est en dehors » d'eux est barbarie » (1). Voilà la formule un peu exagérée d'une idée profondément exacte. En France, Alciat et Cujas suivent les errements de l'école de Bologne et remettent le droit romain en grand honneur. Ils professent, surtout au midi de la France, dans ce pays où les coutumes ont gardé l'empreinte évidente de la législation romaine. Leur influence y est considérable : ce sont les pays de droit écrit. Au nord, dans les pays de droit coutumier, leur action est loin d'ètre la même et ces provinces, qui dès les invasions ont été imbues du droit germanique, lui demeurent fidèles. Mais elles ne restent pas étrangères au mouvement de rénovation et de nombreuses institutions en portent les traces. Ainsi, nous (1) Flach, Les Glossateurs et les Bartolistes (Nouvelle Revue historique, année 1883, p. 221). |